Coronavirus : un collectif de médecins réclame le rétablissement du droit de prescrire l’hydroxychloroquine

Etude à l’appui, un collectif de médecins affirme que la bithérapie azithromycine/hydroxychloroquine développée par le Professeur Raoult à Marseille est efficace contre le COVID 19. Il réclame la liberté de prescrire pour soigner les patients éligibles à ce protocole.Témoignages en Occitanie.

Un décret paru fin mars 2020 interdit aux médecins de ville de prescrire de l’hydroxychloroquine aux personnes atteintes du COVID 19. 
Pour répondre à "cette atteinte à la liberté de soigner", plus de 1200 médecins libéraux se sont constitués en collectif baptisé "Laissons les médecins prescrire". Ils réclament le rétablissement de l’autorisation de prescription de cette molécule afin de soigner leurs patients dès les premiers symptômes. 

Ces médecins sont convaincus, étude à l'appui, qu’associée à l’azithromycine, l’hydroxychloroquine est efficace dans de nombreux cas. Selon eux, la  la bithérapie dévelloppée l'IHU de Marseille sauve des vies et évite d’éventuelles graves séquelles. Ils appellent le gouvernement à changer en urgence de stratégie thérapeutique.

Reportage : Caroline Agullo, Yannick Leteurnier et Anne Vaillant
  

Pas d’essais comparatifs à grande échelle en France



Depuis le début de l’épidémie, l’essai clinique mené à l’IHU de Marseille est au centre d’une polémique. Nombre de scientifiques font valoir qu'en l'absence de groupe témoin recevant un placebo, notamment, rien ne permet de conclure que le traitement Raoult évite l'aggravation des symptômes et empêche la persistance du virus.

Pour avoir une réponse formelle, l’on pourrait s’attendre à ce que parmi les nombreux essais de traitement du COVID 19 en cours en France, l’un d’entre-eux teste le protocole "précoce" développé à l’IHU de Marseille. Mais aucune étude rigoureusement comparable n’a été lancée.

 

Après trois mois d’attente, aucune des études "officielles" n’a testé le protocole Raoult



Difficile de s’y retrouver dans les nombreuses études menées en France et à l’étranger, les résultats sont disparates. 
Sur le site de référence internationale clinicaltrials.gov, on observe que les études françaises en cours testent séparément ces molécules ou en combinaison avec d’autres molécules. Peu d’essais testent la bithérapie et les échantillons sont des patients cancéreux, hospitalisés, âgés, ou encore avec une pneumonie.

A l’exception d’une petite étude réalisée sur 19 femmes enceintes à l’Hôpital Saint-Joseph à Marseille, le protocole n’a pas été testé en phase précoce de la maladie.
 

La piste thérapeutique préconisée par le professeur Raoult n’aurait-elle pas suscité d’intérêt? Le collectif dénonce une absence de volonté de mener des études comparatives.

 

Face à ce vide, le collectif réalise sa propre étude basée au départ sur un millier de médecins contaminés

 Pour se forger leur propre opinion, les médecins ont décidé d’évaluer le traitement sur eux-mêmes. Une étude qui pouvait servir de test et apporter enfin une réponse claire à la question qui fait débat : y a t-il un traitement qui évite les complications dès lors qu'il est prescrit très tôt?

En pleine épidémie, près d'un millier de médecins français touchés par le coronavirus se sont donc portés volontaires pour s’auto-prescrire la bithérapie -combinaison des deux molécules- en phase précoce de la maladie. 

Finalement, cette démarche a été stoppée net par une interdiction de la direction générale de la Santé, mettant en avant l’interdiction de prescription de l’hydroxydechloroquine en médecine de ville. L’étude à grande échelle n’a pas pu voir le jour. Le collectif a donc dû se contenter d’un essai rétrospectif, forcément bien moins ambitieux. Il porte sur un échantillon de 88 patients et apporte toutefois des enseignements thérapeutiques.  

 

Résultats de l’essai : la bithérapie du Pr Raoult tient ses promesses et l’antibiotique seul est efficace dans une moindre mesure



Il apparaît que le premier groupe non traité ou avec du Doliprane met 25,8 jours à guérir, le groupe soigné avec l’azithromycine seul met 12 jours et le groupe antibiotique + hydroxychloroquine met 9,2 jours, soit une guérison presque trois fois plus rapide que sans traitement.

Violaine Guerin immunologiste, initiatrice du collectif  "Laissons les médecins prescrire" commente les résultats:
 

Ce que l’on voit très clairement, c’est la différence de rapidité de guérison, significative entre le groupe non traité et les deux autres. On a surtout observé qu’il y a moins de risques de complications à partir du moment où on agit très tôt sur la charge virale. Aucun problème majeur de tolérance.


"Mais avec une étude plus large", regrette l'immunologiste, "nous aurions pu affiner les indications pour les prescriptions, savoir dans quels cas on va pouvoir se contenter de l’antibiotique seul par exemple. Depuis, on a développé en France plein d’études cliniques et toutes sont en échec aujourd’hui, alors que très tôt on aurait dû faire ces études de terrain." Et la médecin du collectif de conclure :

L’ordre des médecins aurait dû défendre la liberté de prescription des médecins libéraux.

 

Alain Batarec est généraliste dans les Hautes-Pyrénées. Convaincu, lui aussi, que prescrite très tôt, la bithérapie diminue les risques que la maladie ne bascule dans des formes graves, il évoque l'état d'urgence sanitaire. Il s’est engagé dans le collectif, un espace de questionnements, de recherche, de partage de l’information entre médecins : 

C’est surréaliste ce qu’il se passe en France, on sait qu’il faut traiter le covid 19 à un stade précoce de la maladie, et c’est évidemment nous, les médecins de premières lignes qui pouvons le faire. 
La combinaison des deux molécules marche, même si ce n’est pas un traitement miracle mais il n’y a pas de traitement miracle.

"Nous avons prouvé son efficacité dans notre étude", s'insurge le médecin, "sans oublier l’étude observationnelle à l’IHU de Marseille. En attendant un meilleur traitement pourquoi s’en priver." Et de conclure:

Depuis plus de deux mois, on égrène chaque soir le nombre de morts, il y a urgence.

 

Une entrave à la liberté de prescrire



Actuellement en France, l'utilisation du Plaquénil -dans le traitement du coronavirus- est exclusivement prescrit pour des patients hospitalisés. Ce médicament qui contient de l’azythromycine était en vente libre dans les pharmacies depuis des dizaines d’années et préconisé notamment en prévention du paludisme.

L’interdiction brutale de prescription en médecine de ville -décret fin mars- est vécue par ces généralistes comme une entrave à leur liberté de prescription et un mépris profond de leur capacité d’expertise. Alain Baratec va plus loin:

On nous a nié au début de l’épidémie en disant aux gens "N’allez pas chez votre généraliste, restez chez vous" et maintenant, on nie encore nos compétences en nous interdisant de soigner en notre âme et conscience avec le consentement des patients.
Qu’ont-ils fait du serment d’Hippocrate?

Alain Batarec est l'un des rares médecins contactés qui acceptent de s'afficher publiquement. Etabli dans les Hautes-Pyrénées, il est à la retraite depuis un an et parle librement. Pour les médecins généralistes, s’afficher en faveur du protocole du professeur Raoult  est presque devenu, malgré-eux, un acte militant : "Moi je ne veux pas faire de polémique, je suis médecin", précise-t-il. "Si je réponds à votre interview, c’est uniquement parce qu’il y a urgence pour les malades".  
 

Pressions sur les médecins dénonçant l'interdiction de prescription

 
Qu’ils soient membres du collectif ou pas, les médecins en activité sollicités pour cette enquête en région Occitanie (une quinzaine) souhaitent préserver leur anonymat.

Nous sommes menacés de sanctions par les conseils de l’ordre, si nous nous positionnons devant caméra,

explique une anesthésiste-réanimatrice au CHU de Montpellier.

"Nous avons rejoint ce collectif pour échanger et dénoncer cette interdiction de prescription mais parler devant une caméra, c’est trop risqué", précise-t-elle. "Mais il est essentiel que les patients positifs au COVID 19 reçoivent le protocole Raoult bien avant leur prise en charge à l'hôpital."
 

"Nécessité d'une prescription précoce sans attendre l'hospitalisation"


Romain (le prénom a été changé) est également anesthésiste-réanimateur, dans une clinique montpelliéraine. Il ne fait pas partie du collectif mais fait état, lui aussi, de pressions dans le contexte actuel et préfère garder l’anonymat :  

C’est une farce tout ça, il y a des milliards de gens qui ont pris de l’hydroxychloroquine sur la planète, on n’a jamais eu le moindre souci. Ça n’a rien d’un poison. 

Pour l'anesthésiste montpelliérain, les médecins libéraux connaissent leurs patients, les contre-indications. "Leur interdire de traiter leurs patients malades du COVID, c’est fou!", s'insurge le professionnel aux premières loges. "Quand ils arrivent chez nous en réanimation, on leur donne le protocole mais c’est trop tard, on sait que c’est dès le début qu’il faut traiter."
 

"Dans ma clinique, témoigne Romain, certains praticiens ne croient pas en l’efficacité du protocole Raoult, c'est vrai. Mais vous savez, c’est surtout le personnage qui dérange certains collègues."  Et l'anesthésiste réanimateur de conclure :

Ce professeur met un coup de pied dans la fourmilière, ça ne plait pas toujours. Aujourd’hui, défendre ses travaux, c’est perçu comme si l’on s’attaquait à la crédibilité de l’Etat. On a perdu le bon sens.
 


"Ce n’est pas de la compétence des généralistes" rétorque l’Ordre des médecins d’Occitanie 



Pour l’Ordre des médecins contacté à Montpellier, il n’est pas de la compétence d’un médecin généraliste de décider, seul, de l’efficacité d’un traitement. Jean Thévenot, président du Conseil régional de l'Ordre des médecins d'Occitanie est catégorique:

Un médecin a la liberté de prescription certes, mais il doit prescrire en fonction des données de la science, et ce médicament n’a pas fait la preuve de son efficacité dans le cadre d’une étude randomnisée.

Jean Thévenot détaille qu'il faut d’abord réaliser des essais thérapeutiques dans un cadre précis. "Aujourd’hui on ne sait pas, on n’a pas la réponse. Pour l’instant les études n’ont pas apporté d’enseignements, c’est normal, on n’a pas encore de recul, il faudra quelques mois", temporise le président du Conseil de l'Odre régional des Médecins.

Quant au bien-fondé d'une étude destinée justement à évaluer la bithérapie Raoult en stade précoce, Jean Thévenot botte en touche : "Ce n’est pas mon domaine, c’est le rôle des instances de pouvoir mettre en place les essais."


Le Conseil de l'ordre rappelle les risques encourus par les médecins contestant les recommandations



Au vu du nombre de praticiens, spécialistes ou généralistes désireux de témoigner tout en demandant de préserver le secret de leur identité par peur de sanctions, le président du Conseil régional de l'Ordre des médecins reconnait et justifie les pressions qu'ils subissent :

S’ils s’expriment publiquement sur des questions qui ne correspondent pas aux recommandations, s’ils donnent de la chloroquine, ils mettent en jeu leurs responsabilités. 

Selon le président du conseil régional de l'Ordre des Médecin, "l’évaluation bénéfices/risques de l’hydroxychloroquine n’est pas encore bien déterminée, c’est pour cela que la consigne donnée, c’est effectivement de ne pas prescrire le Plaquénil pour le COVID."  En conclusion, pour Jean Thévenot,

Comme il s’agit d’un médicament hors autorisation de mise sur le marché, les médecins libéraux peuvent voir leur responsabilité recherchée si par exemple un patient qui a pris ce médicament venait à mourir ou s’il présentait des effets secondaires.

 

"On se dit qu’on marche une petit peu sur la tête"



Pour Violaine Guérin, du collectif  "Laissons les médecins prescrire", cette frilosité affichée tout comme les recommandations hâtives de l'OMS sur une campagne de vaccination déjà jugée nécessaire échappent au seules considérations médicales. Avec des étonnements :

Plus le temps avance, et plus on remarque qu’il y a des molécules qui essayent d’être placées, on entend les gens de l’OMS dire à la population qu’on ne sait pas s’immuniser et que donc on aura besoin de vaccins. Dire au gens qu’on ne peut pas s’immuniser c'est surréaliste ! On ne pourra le savoir que dans 3, 4 ans ! 

"Là, il y a des discours qui sont tout à fait interpellants", poursuit l'anesthésiste. "On a l’impression qu’il y a des enjeux économiques sous-jacents et puis après il y a eu des guerres d’égo, d’incompétence, il y a eu beaucoup de choses tout à fait anormales."

On se dit qu’on marche un petit peu sur la tête. Ma sensation, c’est que je pense qu’on aurait pu éviter des morts,

conclut la représentante du collectif.

Romain, anesthésiste- réanimateur à Montpellier partage son incompréhension : "Moi ce que je vois, c’est qu’à Marseille le taux de mortalité est très inférieur au reste de la France et le passage en réanimation très bas. Dans les Bouches-du-Rhône, ils ont testé, isolé et traité les gens."

Toutes les études en France sont faites à l’envers pour montrer que le protocole Hydroxychloroquine+ Azythromicine ne marche pas. Elles ne sont pas faites avec les bonnes doses, souvent ce n’est pas la bonne association de médicaments et pas au bon moment, toujours sur des patients hospitalisés,

explique l'anesthésiste montpelliérain qui conclut:

Les dernières études publiées essaient d’enterrer l’hydroxyde seule en prenant bien soin de mentionner que la bithérapie n’a pas été testée ou qu’il existe des limites dans les études. 

 

Un essai clinique en France apportera-t-il des résultats dans un délai compatible avec l’épidémie?



A Gustave Roussy dans le Val-de-Marne, un essai « Covidoc » est en cours sur des malades atteints de pneumonie, le même essai à Montpellier a été suspendu faute de patients COVID positifs, la courbe de l’épidémie poursuivant sa décroissance en Occitanie. 

Cette étude française est sans doute la moins éloignée du protocole administré à Marseille. Elle teste la bithérapie mais sur des malades hospitalisés, déjà atteints d’affection pulmonaire.

L’autre essai mené en Occitanie, « Discovery » qui a été présenté comme « l’essai modèle » des traitements contre le COVID n'a toujours pas livré le moindre enseignement. Les résultats étaient initialement attendus début avril. 
 

 





 
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