Comme l'ensemble du secteur automobile, les petites stations-service souffrent de la crise liée à l'épidémie. Beaucoup, notamment dans le monde rural, en Lozère ou dans le Gard pourraient mettre la clé sous la porte.
A Chambon-le-Château, en Lozère, sur la cinquantaine de clients réguliers qui venaient s'approvisionner chaque jour en carburant, il n'en reste plus qu'une dizaine. "Il ne reste que les camions laitiers, les services de secours et les infirmières. Nous avons perdu 80 % de notre chiffre d'affaires", nous dit Christophe Pignol.
Heureusement, ce propriétaire indépendant qui parcourt environ 500 kilomètres aller-retour par jour entre la Lozère et Fos-sur-mer ou Frontignan pour remplir ses cuves, a une deuxième station à Grandrieu, à douze kilomètres de là, où il vend du fioul. " Avec la baisse vertigineuse des cours, les gens ont rempli leurs cuves pour se chauffer, et comme l'activité agricole continue, là c'est du 200 % en plus".
Les garages de Lozère sont restés pour la plupart ouverts mais ont fonctionné au ralenti.
Catastrophe économique
Tous les détaillants n'ont pas cette chance. A Rochefort-du-Gard, un village entre Avignon et Nîmes, Georges Pruvost, dans la place depuis 41 ans, ne cache pas son inquiétude.
"Nous subissons la concurrence du Leclerc à 5 kilomètres qui peut se ravitailler tous les jours. Nous, nous sommes obligés de commander une cuve de 38 000 litres pour 45 000 euros. Avant, nous écoulions le carburant en une quinzaine de jours, maintenant, il nous faut plus d'un mois", se désole le garagiste qui a perdu 40 % de son chiffre d'affaires.C'est la pire crise que nous ayons vécue après celle de la libération des prix.
Egalement agent Renault, il n'aura pas droit aux aides car il fait plus d'un million d'euros de chiffre d'affaires.
Pour nous c'est la double peine, car on n'a pas pu ouvrir le garage : nous n'étions pas approvisionnés en pièces
Il a dû mettre ses employés en chômage partiel dont une partie n'a pas encore été remboursée par l'Etat.
On a réussi à payer les premières traites. Quant aux prochaines, la banque a promis qu'elle le ferait et nous aiderait. On verra bien...C'est une catastrophe. L'avance de trésorerie que nous avions est perdue
Peur de reprendre le 11 mai
"Nous avons peur de reprendre le 11 mai, car nous n'aurons pas le volume de travail nécessaire et nous allons encore avoir des pertes", s'inquiète Georges Pruvost. "On va essayer de reprendre progressivement à mi-temps pour ne pas plus creuser le déficit. Mais bon, nous n'avons pas de masques, pas de gel, un peu de plexiglas, mais il faut refaire les vestiaires individuels. Il va falloir désinfecter les voitures lorsqu'elles arrivent et lorsqu'elles repartent.... cela va être très compliqué. On est sur le fil du rasoir, cela va être très difficile.Pour s'en sortir, il faut supprimer les charges, pas les reporter", conclut le chef d'entreprise.
La moitié des stations-services menacée de faillite
A cause de la crise du conronavirus, plus de la moitié des stations service du monde rural, (52 %) pourrait être en faillite sans un retour d'activité soutenue le 11 mai prochain, 4% d’entre elles confirment d'ores et déjà qu’elles déposeront le bilan avant cette date. Ces deux chiffres émanent d'une enquête du CNPA, le Conseil national des professions de l'automobile.Avec une rémunération moyenne fixe de 0,01 euro net par litre de carburant, la majorité des propriétaires-exploitants de stations-service indépendantes (sous enseigne pétrolière ou non), dont 70% sont situés en zone rurale, n’aura pas la trésorerie suffisante pour pallier de telles chutes d’activités.
Report, annulations...
La situation est d’autant plus alarmante que pour les professionnels qui passeront le cap de la crise, rien n'est stabilisé :40% des interrogés confirment qu’ils reporteront sine die tous leurs projets d’investissement (diversification des activités, modernisation des installations, mises aux normes des équipements de stockage et de distribution de carburants,
etc.), et 30% les annuleront purement et simplement alors que ce sont précisément ces investissements, générateurs de marges, qui permettent aux exploitants de conserver l’activité de distribution de carburants.
La cohésion territoriale en danger
"Or, ces stations-services implantées en dehors des grandes agglomérations sont la clé d’une desserte équitable en approvisionnement de carburants et jouent un rôle primordial de cohésion territoriale. Véritables commerces de proximité dans des zones désertifiées, générateurs de lien social, ils participent au désenclavement des territoires en apportant une réponse aux besoins en mobilité de leurs populations, dont une majeure partie n’a pas accès aux transports en commun", souligne le CNPA dans un communiqué.Pour un plan de relance
"Dans le cadre des travaux engagés par le CNPA pour bâtir un Plan de relance pour l’ensemble de la filière automobile, baptisé « Plan de Relance Rapide et Responsable – R », un ensemble de mesures seront proposées au Gouvernement pour soutenir le maillage territorial des zones rurales en stations-service. il s'agit d’accompagner l’évolution de leur offre énergétique, tout en préservant leurs moyens pour assurer leur mission de proximité et d’approvisionnement, facteurs clés d’une activité économique par la mobilité.Courrier aux ministres
Le CNPA a adressé en urgence un courrier aux ministres Bruno Le Maire, Élisabeth Borne et Jacqueline Gourault, pour les alerter sur ces enjeux et partager les premiers éléments de réflexion et de solutions pour sauvegarder la pérennité d’une activité clé pour la relance économique du pays.Le Conseil National des Professions de l’Automobile représente la 5ème branche économique de France avec 142 000 entreprises de proximité et 500 000 emplois non délocalisables. Le CNPA défend l’intérêt général des services de l’automobile en animant une dynamique de filière et en développant une approche prospective sur des thèmes communs à tous les métiers de la mobilité tels que l’activité économique, l’emploi, les nouvelles technologies, le développement durable ou encore l’économie circulaire.