Le gouvernement a entendu les restaurateurs : une réouverture est envisagée mi-juin. Mais beaucoup de questions restent en suspens sur les conditions de cette réouverture pour la sécurité des employés et des clients. A Toulouse, les restaurateurs attendent des garanties économiques et sanitaires.
Après l'avoir demandé sans être entendus, les restaurateurs ont eu un début de réponse avec la possibilité de rouvrir leurs bars et restaurants vers la mi-juin. Mais selon Matignon, aucune date n'est encore fixée. D'un côté les hôteliers ont hâte de rouvrir vu leurs finances, de l'autre ils manquent de garanties pour assurer convenablement la sécurité et la santé de leurs clients et employés, tout en restant rentables. Tour d'horizon à Toulouse.
Depuis lundi 21 avril, Stéphane Tournié propose des plats à emporter aux Jardins de l'Opéra à Toulouse. "J'en avait marre d'être à la maison. C'est important de garder un contact avec les clients. Et puis ça permet de faire rentrer un peu d'argent car jusqu'à présent, les dépenses continuent malgré tout." Une cinquantaine de repas chaque soir qu'il réalise lui-même et que les clients viennent récupérer Place du Capitole.
Aucune rentrée d'argent et des dépenses qui continuent
Comme son confrère, Olivier Dupuy continue de payer les charges. Car le gouvernement a annoncé leur suspension mais certaines courent encore. Le chef de l'Officina Gusto place Saint-Etienne à Toulouse a décidé de les honorer pour ne pas se retrouver encore plus acculé au moment de reprendre. Car pour l'instant, aucune charge n'a été annulée. "Nous continuons à payer les salaires des employés. L'Etat annonce la prise en charge du chômage partiel mais nous devons faire les avances. Et nous ne sommes toujours pas remboursés. Ma trésorerie est à 0 et à l'heure actuelle, je suis incapable de payer les salaires d'avil sans m'endetter."Reste aussi les bails commerciaux à régler, la TVA, les abonnements, seuls les prêts ont été suspendus.
Rouvrir, mais sur quel cahier des charges?
Le gouvernement a établi un cahier des charges pour certaines professions qui continuent de travailler : boulangers, livreurs, transporteurs, caissières, etc... Pour la restauration ça risque d'être plus compliqué. Régulièrement, l'Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie (UMIH) participe des réunions avec le Ministère du Travail, celui de l'Industrie, le Premier Ministre... "Nous avons fait des propositions. Il nous faut un cahier des charges clair de la réception des marchandises jusqu'à la salle, en passant par les cuisines, la désinfection des lieux, des portes, des tables, des menus... A l'heure actuelle, ce guide pratique fait 3 pages. Il faut savoir aussi où et comment le personnel se change, s'il faut échelonner les arrivées, comment on lave les vêtements...".Philippe Belot travaille la-dessus en concertation avec le CHU, et autres services de santé des armées. Sans compter évidemment les masques, le gel et les distances règlementaires de sécurité sanitaire. Pour les grandes salles, c'est sans doute jouable, pour les petites ce sera plus compliqué.
Pour Olivier Dupuy, ce sera même quasiment impossible. "Ma cuisine est au deuxième étage, j'ai plusieurs salles à différents étages, avec un seul escalier qui dessert le tout. Non franchement, je ne vois pas comment je vais faire tout en respectant les règles, ce qui est normal". Sans oublier les clients qui ne doivent pas introduire le virus, les poubelles qu'on n'a plus le droit de rentrer, la réception des marchandises...
La viabilité économique d'une ré-ouverture partielle et la réaction des clients
Si le cahier des charges est très contraignant, les restaurateurs devront s'adapter. Mais juqu'à quel point? "Si on diminue de 50% ma capacité d'accueuil, il faudra que j'ajuste mon personnel, déclare Stéphane Tournié. Le samedi soir on tourne à plein. Si on me limite, je ne peux pas garder mon équipe.". Même point de vue chez Philippe Belot à la tête du restaurant La Distillerie à Toulouse : "J'ai une capacité de 60 couverts, si je tombe à 30 je ne peux pas ouvrir. Ce sont des établissements où il faut beaucoup de personnel et on ne dégage pas beaucoup de bénéfices. Y compris dans les grands restaurants." Le chef étoilé des Jardins de l'Opéra se pose aussi d'autres questions : "Les gens auront-ils envie de revenir dans ces conditions : un par table ? Avec du plesxiglass pour se protéger? Un serveur qui leur touche l'assiette? Ceux qui re-travaillent mais qui ont subi la crise auront-ils les possibilités financières de revenir au restaurant?"En attendant, aucun de ces 3 chefs ne perçoit le moindre centime. Ils n'ont pas droit à l'indemnité de 1500 euros versée par l'état aux entreprises. Soit leur chiffre d'affaire est trop élevé, soit ils ont trop de salariés ou alors le restaurant est détenu par une autre société.
Philippe Bellot et les restaurateurs toulousains pointent du doigt les assureurs. "Il va y avoir beaucoup de casse. On du mal a comprendre qu’il n’y ait pas un élan de solidarité chez les assureurs. On sait qu'ils ont réalisé 12 milliards de bénéfices l'an dernier. Lors de la crise de 2008, l'Etat et donc le contribuable ont aidé les banques et les assurances. Aujourd'hui il n'y aurait rien en retour?" clame Olivier Dupuy.On n'est pas des assureurs. Ce n'est pas le profit avant tout!
En Haute-Garonne, le secteur hôtelier emploie 23 000 personnes. On compte environ 4750 restaurants et bars. Entre 30 et 40 % risquent de ne pas pouvoir redémarer selon Philippe Belot de l'UMIH.