Le bras droit du résistant Jean Moulin s'est éteint vendredi, à l'âge de 100 ans. Le Bordelais Daniel Cordier, passionné d'art, a légué à la fin des années 1990 une partie de sa collection privée d'oeuvres d'art aux Abattoirs de Toulouse.
C'est un pan de l'Histoire de France qui s'en va avec lui. Daniel Cordier, l'une des dernières mémoires vivantes de la Libération, s'est éteint vendredi à Cannes à l'âge de 100 ans. Engagé dans la résistance dès 1940, le Bordelais était l'un des plus proches compagnons de Jean Moulin, né à Béziers en 1899 : il était son secrétaire particulier de 1942 à 1943.
Tour à tour résistant, marchand d'art et historien, Daniel Cordier est resté un fervent défenseur de son mentor toute sa vie. Un hommage national lui sera rendu mardi.
Une rencontre qui va changer sa vie
Lorsqu'il rencontre pour la première fois Jean Moulin à Lyon en 1942, le Bordelais est impressionné par cet homme charismatique.Naît alors entre les deux hommes une relation fraternelle. Au contact de Jean Moulin, Daniel Cordier découvre l'art, qui deviendra d'ailleurs leur alibi pendant l'occupation. "Il avait fait théoriquement de moi un marchand de tableaux, quelqu'un qui s'intéressait à la peinture. Dès qu'il y avait trop de monde autour de nous, il parlait instantanément de peinture."Je ne connaissais pas son nom, je ne connaissais pas son passé, je n'avais rien. Je savais juste qu'il était le représentant du Général de Gaulle : il était le patron de tous les Français libres qui se trouvaient en France (...) La première chose qu'il m'a dite, c'était : "Vous seriez gentil de changer de place", parce qu'il voulait voir la porte. C'était un homme qui était toujours sur le qui-vive.
Une partie de sa collection d'art visible aux Abattoirs de Toulouse
À la fin de la guerre et après le décès de son ami, l'ancien résistant continue à s'épanouir dans le domaine de la peinture. Sa carrière de marchand d'art commence à 24 ans, lorsqu'il acquiert un tableau peint à la manière de Brueghel. Pendant une dizaine d'années, Daniel Cordier peint et collectionne puis ouvre sa première galerie d'art contemporain à Paris en 1956, où plusieurs dizaines d'artistes se succèderont.En 1999, il décide de léguer une partie de sa collection privée aux Abattoirs de Toulouse, avant d'offrir de nouveaux tableaux en 2005. Cette même année d'ailleurs, le musée organise une exposition intitulée "Merci Monsieur Cordier". Sa vision de l'art, à la fois subjective et poétique, séduit les visiteurs.
Daniel Cordier : les Abattoirs rendent hommage au résistant, à l’humaniste et au grand amateur d’art. Merci pour son soutien sans faille à notre établissement et pour le dépôt aux Abattoirs de sa collection, donnée au @CentrePompidou. https://t.co/a8fxF6D4An pic.twitter.com/EbsLFhP7SR
— les Abattoirs (@lesabattoirs) November 20, 2020
En 2013, Daniel Cordier s'était rendu à Montpellier
Daniel Cordier s'était installé dans les Alpes-Maritimes pour y mener une retraite paisible. Malgré tout, l'historien gardait à coeur d'entretenir la mémoire de la résistance française. En 2013, il avait été accueilli par le rectorat de Montpellier dans le cadre des "Rencontres de Pétrarque", organisées par France Culture. Il avait abordé la question des "mémoires de guerres" aux côtés des historiens Annette Wieviorka et Joseph Zimet.Interrogé par franceinfo, l'actuel directeur de France Musique Marc Voinchet se rappelle très bien de cet événement.
On était là, à la fois pour le travail et par amitié. Un jour, il m'a dit : "J'aimerais bien qu'on retrouve le deuxième pilier de l'aqueduc du Pérou qui est là, devant lequel Jean Moulin a fait cette photo, la plus célèbre." Il voulait qu'on sente la présence de cet homme-là, à ce moment-là.