La femme égale de l'homme et ce durant des siècles. Cette réalité a existé dans les Pyrénées, du pays Basque jusqu'en Ariège. C'est ce que révèle, l'historienne et ethnologue Isaure Gratacos dans son livre "Femmes pyrénéennes : un statut social exceptionnel en Europe".
Il aura fallu plus de 500 témoins, des centaines d’entretiens, audio, vidéo. Une somme pour raconter ce qui s'est passé dans les Pyrénées, du pays Basque jusqu'en Ariège. Durant des siècles, la femme fût l'égale de l'homme. Une histoire révélée dès 1987, par l'historienne et ethnologue Isaure Gratacos dans son livre "Femmes pyrénéennes : un statut social exceptionnel en Europe" qui en est à sa cinquième réédition.
Une économie basée sur l'échange et le collectif
Un travail de près d’un demi-siècle pour récolter la parole de ceux qui vivent dans ces vallées profondes où la tradition orale est de mise depuis toujours. Quatre-vingt pour cent de la superficie communale est gérée par la collectivité. L’économie est basée sur l’échange et le collectif. Jusqu’à la Révolution, droit d’aînesse et droit de vote sont acquis également aux femmes.
Un matériel ethnographique absolument unique sur les populations locales. "J’enregistrais, je rentrais chez moi, j’écoutais et je retranscrivais, au soupir près. Car il ne faut rien déformer" raconte-t-elle.
Et ce qu’elle récolte est ébouriffant. Dans les vallées pyrénéennes isolées, les femmes y occupent une place tout à fait exceptionnelle."Dans la société pyrénéenne, il n’y avait pas de différence de genre entre les hommes et les femmes. Ils étaient, rigoureusement, socialement égaux" analyse l'historienne.
Une règle exceptionnelle
A commencer par le droit d'aînesse. En 1979, dans les annales de démographie historique, Jacques Poumarède n'en dit pas moins : "le premier né succède quel que soit son sexe. Une règle exceptionnelle dans un monde juridique marqué par une profonde méfiance à l'égard de la femme".
Ici donc point de patriarcat. Chaque vallée est un microcosme. La maison est l'unité de base du groupe puis vient le village et enfin la vallée. Un mode de gestion collectif où l'héritier, qu'il soit homme ou femme, vote dans toutes les assemblées. "Homme comme femme discutaient ensemble des affaires qui concernaient la maison. Ils votaient. Je vous fais donc remarquer que les femmes votaient dans les Pyrénées. Combien de siècles, de millénaires, avant leurs soeurs françaises ?" souligne Isaure Gratacos.
Pas d'infériorisation féminine et pas de sorcières
Une dernière singularité. La sorcière n'existe pas dans cette culture préchrétienne :" Il n'y a pas le mal assimilé à la femme comme dans la culture française parce qu'il n'y a pas d'infériorisation féminine structurelle, culturelle. Cela exprime bien cette égalité des sexes et des genres dans les Pyrénées."
Ces caractéristiques anthropologiques rares, on les retrouve également dans le Nord de l’Europe ou le Caucase. La géomorphologie des Pyrénées y est sans doute pour quelque chose.
Des vallées profondes, bien distinctes les unes des autres favorisent une autogestion directe qui prendra fin à la Révolution française.