Les élections départementales et régionales doivent-elles se tenir les 13 et 20 juin prochains comme prévues, malgré le contexte sanitaire ? Les députés et les sénateurs en débattront respectivement les 13 et 14 avril prochains. En attendant, la campagne continue.
En temps normal, les tracts seraient déjà dans les boîtes aux lettres, les réunions publiques programmées et les candidats arpenteraient les marchés. Mais à bientôt deux mois du premier tour, tout semble suspendu à la décision du gouvernement.
J'ai l'impression que le gouvernement ne fait aucun effort pour que la campagne évolue
« J’ai l’impression qu’il ne fait aucun effort pour que la campagne évolue » avoue Aurélien Pradié. « J’ai déjà déposé une quarantaine d’amendements (NDR : pour adapter la campagne aux conditions sanitaires), le gouvernement a tout refusé en bloc » assène le candidat tête de liste Les Républicains.
Comment faire campagne
« Il y a un vrai risque » prévient son concurrent du Rassemblement National. « Le gouvernement ne nous dit toujours pas ce qu’on peut faire ou pas. Chacun doit se débrouiller comme il peut » regrette Jean-Paul Garraud.
Côté sortants, « notre plateforme de campagne numérique est ouverte depuis deux mois » explique Kamel Chibli. « Même si les professions de foi seront quand même distribuées et que le taux de vaccination va monter, nous misons d’ores et déjà là-dessus.
Et pour ceux qui n’ont pas accès au web, la Presse Quotidienne Régionale et la télévision publique doivent permettre à tous les candidats de faire connaître leurs programmes » déroule le vice-président socialiste du Conseil Régional.
Je continue à faire campagne en extérieur et à six personnes maximum
Chez EELV aussi la plateforme numérique tourne depuis un moment. « La démocratie relève de l’intérêt général » pose en préambule le candidat tête de liste Antoine Maurice, « et cette crise sanitaire doit justement permettre d’ouvrir le débat pour mettre fin aux visions à court terme et proposer autre chose pour anticiper ».
« Je continue à faire campagne en extérieur et à six personnes maximum. J’organise également des points presse pour faire passer les messages liés à ces déplacements » explique-t-il.
Mener campagne sans pouvoir se déplacer, ça pose problème
Les candidats tête de liste de La France Insoumise, eux, ont une idée très claire de la façon dont il faut mener campagne. En atteste leur tribune parue dans le Jdd.fr. « Mener campagne sans pouvoir se déplacer, ça pose problème» explique Myriam Martin co-tête de liste en Occitanie avec Manuel Bompard.
« Demain, nous allons à Nîmes tous les deux. Nous pouvons le faire parce que nous sommes élus, mais les autres limités à dix ou trente kilomètres ? Face à cette inégalité, nous allons demander une dérogation à la Préfecture » assure-t-elle.
Prime aux sortants ou à l’abstention ?
« Moi j’ai suspendu ma campagne en attendant le débat du parlement et les instructions sur la manière de faire campagne justement » indique Vincent Terrail-Novès. Pour celui qui sera la tête de liste soutenue par En Marche, la situation « profite surtout aux présidents en exercice qui font campagne sous leur titre ».
Des présidents de région sortants, qui comme les maires candidats à leur réélection lors des Municipales, font souvent figure de capitaines qui tiennent bon la barre face au Covid.
On serait avantagés parce qu’on est au chevet des chefs d’entreprises ou des étudiants depuis un an ?
« On serait avantagés parce qu’on est au chevet des chefs d’entreprises ou des étudiants depuis un an ? » interpelle Kamel Chibli. « Il y a des maires sortants comme celui de Montpellier que ça n’a pas aidé lors des municipales» rappelle celui qui est en charge de la campagne de Carole Delga.
« Si on vote en juin, on est à deux mois du scrutin. Les sortants doivent donc se mettre au même niveau que les autres » prévient Antoine Maurice. « On voit bien que leur communication est loin de se résumer à la seule crise sanitaire » dénonce l’écologiste.
Tous les candidats ne sont pas au même niveau
« Les sortants, comme Carole Delga, jouent avec le feu quand on voit ce qu’ils s’autorisent avec les moyens de la collectivité » renchérit Aurélien Pradié (LR). « Tous les candidats ne sont pas au niveau » tempête Jean-Paul Garraud (RN). « Là aussi le Parlement doit compenser cela dans ses décisions » espère Vincent Terrail-Novès (LREM).
« Nos adversaires se sont réveillés il y a un mois. Ils n’avaient qu’à se lancer il y a deux ou trois ans » fait remarquer ironiquement Kamel Chibli. « Certains découvrent une région de treize départements qu’on sillonne depuis six ans. Sortant ou pas, c’est le boulot qu’on a fait pendant le mandat qui nous avantagera ou pas. Et la situation actuelle n’arrange personne » assure l’élu socialiste.
Myriam Martin, alliée puis opposante de Carole Delga, évoque « un effet d’aubaine » et comprend « le confort des sortants ». Mais la co-tête de liste LFI regrette de ne pas plus entendre les présidents et les présidentes de région sur ce débat. « Aujourd’hui, c’est la prime à l’abstention qui se dessine. S’ils veulent être réélus avec 15 ou 20% des inscrits, c’est leur problème » déplore-t-elle.
Reporter ou pas
« Il ne faudrait pas que tout ça relève du sabotage » s’interroge Aurélien Pradié faisant référence à la stratégie de faire débattre le parlement. La tête de liste « Les Républicains » a trouvé « très rapide » le revirement du gouvernement, autorisant finalement les élections à se tenir malgré l’avis du conseil scientifique. « J’ai une drôle d’intuition. Ils ont reculé trop vite pour ce soit crédible ».
« Dénoncer la paralysie ou le hold-up démocratique, ça fait partie du jeu politique » nuance Vincent Terrail-Novès. « Moi ce qui me préoccupe c’est le bon déroulement des opérations dans les bureaux de vote. Aujourd’hui beaucoup de personnes qui les tiennent habituellement viennent me voir pour me dire qu’elles ne le feront pas en juin » note celui qui est aussi maire de Balma en banlieue toulousaine.
Au vu des annonces d’assouplissements pour la mi-mai du gouvernement, il ne faut pas reporter
« Au vu des annonces d’assouplissements pour la mi-mai du gouvernement, il ne faut pas reporter » affirme Kamel Chibli. Pour l’élu socialiste de la majorité sortante, « les citoyens ne comprendraient pas qu’on rouvre les restaurants et qu’on ne puisse pas voter, même si ce ne sera peut-être pas leur préocupation majeure ».
Pour La France Insoumise, oui à un scrutin en juin mais seulement si les conditions démocratiques et sanitaires sont réunies. « Et on en est loin » selon LFI. « Tout a été raté par le gouvernement dans cette crise sanitaire » s’emporte Myriam Martin. « On est en retard sur tout. Je suis sidérée par tant de désinvolture, c’est du « je m’enfoutisme » » poursuit l’élue régionale. « Même si on le sait, il n’y a que la Présidentielle qui compte pour M.Macron ».
Si en juin on peut aller au travail et que les écoles sont ouvertes, alors on peut aller voter
« Juin ou septembre je ne vois pas la différence, il faut qu’on se donne les moyens d’organiser le scrutin en toute sécurité » précise Antoine Maurice. La tête de liste EELV évoque un encouragement à la procuration voire des bureaux de vote en extérieur s’il le faut. « Si en juin on peut aller au travail et que les écoles sont ouvertes, alors on peut aller voter ».
« Reporter le scrutin à septembre-octobre, ce n’est pas possible » garantit Jean-Paul Garraud. Pour le leader du Rassemblement National, « il est impossible de faire campagne en plein été et on sera trop proche de l’élection présidentielle ». « Il ne faut pas tout mélanger » prévient le député européen RN.
Quand les maires ont fait un mandat d’un an de plus en 2007 et les présidents de régions six mois de moins sur leurs deux derniers mandats, ça n’a dérangé personne
« Quand les maires ont fait un mandat d’un an de plus en 2007 et les présidents de régions six mois de moins sur leurs deux derniers mandats, ça n’a dérangé personne » souligne Vincent Terrail-Novès. Le candidat LREM insiste : « je rappelle aussi que les mêmes qui protestent aujourd’hui expliquaient que regrouper les élections permettait d’éviter une forte abstention ». Pour résumer, s’il faut décaler, on décalera.
Compte à rebours financier et logistique lancé
Quoi qu’il en soit, un dernier paramètre, lui, entre aussi en jeu : les finances. Tant que le gouvernement n’officialise pas les élections, pas de comptes de campagne officiels. « Si je n’étais pas numéro trois (NDR : secrétaire général des Républicains) d’un grand parti politique, mon banquier ne m’aurait jamais prêté un million d’euros » avoue Aurélien Pradié.
« Rappelons que l’Occitanie est plus grande que l’Irlande. Je dois salarier des personnes pour cette campagne et j’ai déjà engagé des frais » signale Vincent Terrail-Novès. Il espère que, comme pour les Municipales, le gouvernement, dont il va porter les couleurs, augmentera de 20% le plafond des dépenses.
Ces débats à l'Assemblée et au Sénat sont beaucoup trop tardifs
« Ces débats à l’Assemblée et au Sénat sont beaucoup trop tardifs » explique Myriam Martin. « Les dépôts de liste sont prévus le 26 avril pour les départementales et le 10 mai pour les Régionales, vous vous rendez compte » rappelle l’élue Insoumise.
« Tous nos documents de campagnes sont à faire imprimer avant le 20 ou 25 avril au plus tard » rappelle encore Jean-Paul Garraud (RN). Antoine Maurice (EELV) préconise même deux envois de professions de foi plutôt qu’un. « Il y a trois millions de boîtes aux lettres à couvrir en Occitanie, sourit Kamel Chibli. « Il faut que la réponse tombe vite » conclut le vice-président socialiste.