Autisme, dyslexie, trouble de l’attention… On estime qu’un petit Français sur 6 présente des troubles du neurodéveloppement. Dans le Gard, une mère de famille concernée a décidé d’ouvrir un centre pour accompagner ces enfants différents.
Avec ses grands yeux malicieux, sa chambre remplie de jouets et son naturel spontané, Prentiss, 8 ans, ressemble à tous les enfants de son âge. Mais il est un peu différent de ses camarades : "C'est rare de comprendre les autres pour moi." Il avoue faire "beaucoup" de bêtises : lorsqu'il s'énerve, il est vite emporté par sa colère "Je suis méchant avec les autres, je leur mets des coups." Les parents de Prentiss ont trois enfants avant lui. Ils se rendent vite compte que le petit dernier n'est pas comme ses frères et sœurs. Il a notamment beaucoup de mal à gérer les émotions qui le traversent.
Si Prentiss est avec un camarade qui s'est fait mal et qui pleure de douleur, l'enfant va être submergé par son empathie "et il va pleurer aussi" raconte sa mère, Jennifer Pallier. Depuis son plus jeune âge, l'enfant a des difficultés dans son rapport avec les autres, il parle beaucoup, interrompt systématiquement les conversations et fait d'importantes crises de nerfs avec sa famille. Selon plusieurs professionnels de santé, il pourrait avoir un trouble de l'attention, souvent abrégé "TDA", un haut potentiel intellectuel, dit "HPI", et un haut potentiel émotionnel, un "HPE". Il est aussi diagnostiqué dyslexique. "En cas d'évènement majeur, de gros problème", le garçon de 8 ans peut uriner sur lui-même expliquent ses parents. Un comportement qui les alerte immédiatement : leur fils doit se faire accompagner. Après avoir consulté de nombreux professionnels de la médecine dans la région, ils trouvent une solution à Sauve, dans le Gard, à quelques dizaines de kilomètres de chez eux.
Dix professionnels, 300 enfants accompagnés
Depuis plusieurs années, Prentiss et sa mère se rendent tous les mercredis à la Maison des enfants extraordinaires, la "MEEX" pour les habitués. Ils enchaînent trois rendez-vous cet après-midi. Cette structure créée en 2015 regroupe une dizaine de professionnels, dans la santé (psychomotricien, orthophonistes, psychologue, nutritionniste) et dans le bien-être. La maison accueille plus de 300 enfants chaque année. Son but ? Regrouper dans un même lieu des professionnels spécialistes des handicaps invisibles chez l'enfant, qui travaillent en collaboration.
Avec son orthophoniste, Prentiss apprend à segmenter les mots. Grâce à son accompagnement, ses difficultés en français se sont atténuées. Après un exercice de lecture de jeux de mots, Mélodie Chalandar, l'orthophoniste, a le sourire : "Pour moi c'est une victoire car aujourd'hui il a ri en liant ! Ça signifie qu'il met du sens sur les mots, alors qu'il y a encore six mois, il n’aurait même pas voulu lire." Il y a plus de 80 familles sur sa liste d'attente. De nombreux enfants "dys", comme Prentiss, dont les difficultés sont souvent repérées à l'école. Y a-t-il une explosion de cas d'enfants dits TDAH, dyslexiques, HPI ou HPE ces dernières années ? Pas forcément selon la professionnelle : "Avant ces enfants existaient aussi mais on les appelait les bonnets d'âne. Aujourd'hui, leurs difficultés sont considérées et on les diagnostique beaucoup plus qu'avant."
"Les enfants dits TDA ou HPI sont les bonnets d'âne d'autrefois. Il n'y en a plus, ils sont simplement davantage diagnostiqués."
Mélodie Chalandar, othophoniste à la Maison des enfants extraordinaires
Chaque mois, les parents de Prentiss déboursent une centaine d'euros de rendez-vous et d'activités non remboursés à la Maison des enfants extraordinaires. Mais pour la famille, c'est devenu un besoin : leur fils ne veut pas être accompagné ailleurs qu'à la MEEX. Après l'orthophoniste, il enchaîne avec une séance de sophrologie. Jean-Luc Marchesani apprend à l'enfant, qui bouge et parle presque en continu, à se poser, à se calmer. Mais aussi à diminuer l'intensité de ces émotions qui le dépassent, à travers plusieurs exercices de relaxation.
"Plus on intervient tôt, plus on réduit le risque de handicap"
On estime qu'un Français sur six aurait au moins un trouble du neurodéveloppement. Cécile Martignac est la maman de deux enfants qu'elle qualifie d'"extraordinaires" : l'un est atteint d'autisme, l'autre a un trouble de l'attention. C'est elle qui a eu l'idée de créer la Maison des enfants extraordinaires, après un séjour au Canada. Une structure qui manquait à ce territoire rural du Gard selon elle, et qui est unique en France. "Tout l'enjeu pour ces enfants c'est d'être pris en charge de façon précoce. Plus vous intervenez tôt, c'est-à-dire entre les trois et les six premières années de la vie, plus vous réduisez le risque de handicap. "La Maison des enfants extraordinaires "c'est une prise en charge de premier recours, en collaboration avec les établissements de santé du secteur et les écoles", précise la directrice.
En plus de l'accompagnement classique des enfants avec des professionnels du soin, la MEEX propose aussi des ateliers collectifs comme "les petits Jedis" : un atelier animé par un psychomotricien et un sophrologue, qui mêle judo et relaxation. Les parents peuvent aussi profiter d'ateliers sur-mesure pour apprendre à comprendre le fonctionnement de leur enfant. Si ce concept peut paraître détonnant, il fait déjà parler de lui. La Maison des enfants extraordinaires a été sélectionnée parmi les finalistes du concours de la fondation La France s'engage cette année, qui récompense les meilleurs projets "d'innovation sociale." L'Isère, la Haute-Savoie et la Meurthe-et-Moselle réfléchissent à développer le concept sur leur territoire.
