Le Conseil d'Etat a rejeté la demande d'indemnisation de la famille du Gardois Abel Chennouf, victime de Mohamed Merah, au motif qu'aucune faute lourde ne peut être imputée à l'Etat. Décryptage de cette décision de justice.
Aucune faute lourde ne peut être imputée à l'État : c'est en ces termes que le Conseil d'État a rejeté, mercredi 18 juin, les demandes d'indemnisation de la famille du Caporal-chef Abel Chennouf, l'une des victimes du terroriste toulousain Mohamed Merah. Intervenant en cassation, les sages confirment par là l'analyse de la cour administrative d'appel de Marseille.
Le tribunal administratif de Nîmes désavoué
Cette dernière, saisie par le ministre de l'Intérieur, avait annulé un jugement de première instance, et rejeté les demandes des plaignants, parmi lesquels le Gardois Albert Chennouf, père d'Abel Chennouf. Ces 2 décisions vont en effet à l'encontre des conclusions du tribunal administratif de Nîmes, qui avait estimé que la responsabilité de l'État était effectivement engagée en raison des carences commises par les services de renseignement.
Les juges gardois avaient évalué à un tiers la perte de chance de prévenir le décès d'Abel Chennouf ayant résultée de la faute commise, et décidé qu'il y avait lieu de mettre à la charge de l'État un tiers du préjudice subi par les requérants.
Assassiné à un distributeur automatique
Abel Chennouf a été assassiné le 15 mars 2012 à Montauban, devant le guichet automatique d'une banque, alors qu'il était vêtu de sa tenue militaire. Sa famille souhaitait que la justice reconnaisse des fautes commises par les services de renseignement dans la surveillance de Mohamed Merah, notamment à son retour du Pakistan en 2011.
Le Fonds d'indemnisation de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) s'était
joint à cette démarche, dans l'espoir que l'État rembourse les sommes versées aux proches de la victime.
L'attitude "dissimulatrice" de Merah aurait "induit en erreur" les agents de la DCRI
Selon le Conseil d'Etat, en revanche :
"L'enquête dont Mohamed Merah avait fait l'objet au premier semestre 2011 n'avait pas permis de recueillir des indices suffisamment sérieux d'infraction en lien avec des actes terroristes de nature à justifier l'ouverture d'une information judiciaire contre l'intéressé".
Il rappelle que "les agents de la Direction Centrale du Renseignement Intérieur (DCRI) avaient été induits en erreur par l'attitude dissimulatrice de Merah et n'étaient pas parvenus à mettre en évidence son appartenance à un réseau djihadiste et l'existence de risques suffisamment avérés de préparation d'actes terroristes".