Quatre ans jour pour jour après sa mise en circulation à Nîmes, la monnaie locale "le Krôcô" tire sa révérence. Elle se voulait une alternative aux euros pour promouvoir le circuit court.
Lancée il y a 4 ans par l'association nîmoise « Les Vrais monnayeurs », le Krôcô est une monnaie nîmoise qui se matérialise exclusivement sous forme de billets de 1, 3, 5, 10 et 20 euros. Un Krôcô est équivalent à un euro. Pour illustrer les billets, l’association a choisi des arbres typiquement représentatifs de la végétation du Gard : l’amandier, l’arbousier, le néflier et l’olivier.
Tout est parti d'une séance de cinéma, d'un film sorti en 2015 intitulé « Demain ». En se relevant du fauteuil en velours rouge, Franck Medina réalise que ce bien commun, notre monnaie, est détournée : 93 % des échanges serviraient en fait à la spéculation.
"C'est comme un point de départ pour nous de se demander : mais quel est le sens de tout ça ? Et cela nous semblait très emblématique des dérives dans lesquelles nous vivons actuellement", explique Frank Medina, créateur de la monnaie locale « le Krôcô ».
Alors il crée une association et fait imprimer des billets Krôcôs sur papier kraft. 72 commerces l'adoptent, 11 000 € s'échangent, mais malgré ce, la pandémie l'achèvera elle aussi. Pendant les confinements, les réseaux, les échanges concrets sont stoppés. Pas de règlement possible par internet, le Krôcô s'évapore.
"C'est une bonne idée, c'est nîmois, ça fait avancer les choses, ça nous a fait travailler les uns les autres. On a des Krôcôs, donc on fait travailler ceux qui ont des Krôcôs. C'est dommage que ça s'arrête", témoigne Nicolas Prade, charcutier aux halles de Nîmes. "Ils ont joué le jeu jusqu'au bout, même pendant le Covid où ils ont pré-vendu des repas que des gens pouvaient acheter et donc cela nous a aidé", confie Georges Weill, chef cuisinier au restaurant La Marmite.
Manque de moyens
Les créateurs pointent aussi du doigt les pouvoirs publics. Pour faire fonctionner la monnaie plus longtemps, il aurait fallu un local en guise de bureau de change par exemple. L'épicerie d'Alice Granger, elle, faisait office de bureau de change. Son seul regret : le manque d'engouement.
"Il y avait vraiment toutes sortes de personnes dans celles qui acceptaient ou échangeaient les Krôcôs. Et il y avait les halles, et des restaurants, des librairies, des boutiques. Ca participe à faire vivre le tissu économique local, et dans des boutiques comme les miennes de faire aussi vivre les producteurs locaux à travers cette monnaie", témoigne Alice Granger, gérante de l'épicerie la Boutique de Nîmes.
Une douzaine de commerçants accompagnent l'expérience jusqu'au 23 mars, dernier jour pour dépenser ses derniers Krôcôs. Il resterait encore 8000 € en circulation.