Après 2016 et 2017, une nouvelle vague de grippe aviaire a débuté fin 2020 dans les Landes et s'étend à des élevages de canards des Hautes-Pyrénées et du Gers. L'association des "Canards en Colère" proteste contre l'obligation d'abattre la totalité des élevages touchés alors qu'un vaccin existe.
C'est un mauvais "remake" des épizooties de 2016 et 2017, qui ont durement frappé les élevages de canards à foie gras du sud-ouest.
Dès septembre-octobre derniers, les autorités avaient été alertées : les flux d'oiseaux migrateurs venant des pays nordiques et de Russie provoquaient dans leur sillage l'apparition de nombreux foyers de grippe aviaire dans les pays survolés ; actuellement il y en a près de 600 en Allemagne !
"Nos têtes pensantes ont-elles cru que l'épizootie s'arrêterait à nos frontières, comme le nuage de Tchernobyl ?"
C'est la question que se posent les éleveurs membres de l'association des "Canards en Colère", fondée lors de ces premiers épisodes douloureux pour leur filière.
Un "plan biosécurité" avait alors été mise en place. Pour enrayer la contagion les autorités avaient décidé d'imposer un certain nombre de mesures :
- regrouper les volailles dans des bâtiments clos au sol bétonné
- installer des sas d'accès avec lavabos, pédiluves, et vestiaires pour enfiler des combinaisons de protection
- nettoyage et désinfection régulière de tous les locaux.
Ces mesures avaient pour objectif de prévenir l'extension de la contagion.
Des mesures onéreuses et inefficaces
En cas de contamination à la grippe aviaire dans un élevage, la totalité des volailles devaient être euthanasiées et incinérées, et un périmètre d'isolement mis en place dans un rayon de 10 km alentour.
D'un côté, en contraignant des élevages à l'abattage préventif de la totalité de leurs volailles on met ces exploitants à genoux ; de l'autre, en exigeant la mise en place de sas de sécurité et l'enfermement des volailles dans des bâtiments clos, on impose des dépenses extrêmement élevées à des éleveurs qui n'ont parfois que 300 canards. Et en plus, il a depuis été prouvé que les périmètres de sécurité, les sas et la claustration des élevages ne suffisent pas à endiguer la contagion...
Fin décembre 2020 des foyers de grippe aviaire ont commencé à apparaître dans des élevages de la Chalosse, principalement dans les Landes.
Plus de 200.000 canards ont déjà été abattus en France pour endiguer la progression de la grippe aviaire dans les élevages et autour de 400.000 sont en passe de l'être, a-t-on appris auprès du ministère de l'Agriculture #AFP pic.twitter.com/8r7eGGlwmV
— Agence France-Presse (@afpfr) January 5, 2021
l a alors été décidé le confinement de toutes les exploitations, ce qui n'a pas suffi à arrêter la contagion.
Bilan : deux mois plus tard, on est en train d'euthanasier tout le sud-ouest et de laisser enfermés des animaux dans toute la France, ce qui provoque un grand stress et des maladies chez eux, au mépris des labels "bio" et "plein air".
Pour les éleveurs membres de l'association il existe pourtant une solution : le laboratoire français CEVA, implanté à Libourne (Gironde) a mis au point un vaccin contre la souche du virus H5N8 responsable de la grippe aviaire : il a été prouvé efficace à 100%.
Son usage est très simple : les doses sont injectées à l'aide d'un "pistolet" - donc pas besoin de seringue - et ont peut vacciner ainsi des centaines de volailles à l'heure. Par ailleurs il peut aussi être utilisé sous forme de brumisation dans les couvoirs.
Un vaccin interdit à l'export
Alors que le laboratoire exporte des centaines de millions de doses de son vaccin dans de nombreux pays du Monde, son usage est interdit par la réglementation de l'Union Européenne.
Pourquoi cette interdiction ?
Parce que les volailles vaccinées sont interdites à l'exportation... Mais les volailles malades aussi, bien-sûr.
Du coup, pour protéger ses exportations, la filière des producteurs de volailles industrielles - des poulets de 38 jours élevés en bâtiments confinés - a fait interdire l'usage de ce vaccin, impactant du même coup les éleveurs de canards gras du sud-ouest.
Une question de milliards
En effet ces derniers ont, pour un très grand nombre, des élevages de quelques centaines ou de quelques milliers de canards : ils sont 3 500 dans le Gers, et ne pèsent pas lourd face à de grands groupes industriels.
"Eux représentent 14,5 Milliards d'Euros de chiffre d'affaires ; à nous tous, à peu près 1 milliard" résume Lionel Candelon.
Au fil des deux grandes vagues de 2016-2017 tout un dispositif avait été mis en place : contrôle de la circulation des camions, tests vétérinaires, isolement, confinement, abattage etc.
Du retard à l'allumage
Cette année rien de tout cela n'est mis en place et cette nouvelle crise est gérée au jour le jour : au fil des découvertes des foyers d'infection, les préfets sont autorisés à prendre des arrêtés pour créer des "zones de contrôle temporaire" (ZCT) dans un rayon de 10 km autour des exploitations frappées par le virus.
C'est ainsi que, suite au foyer découvert à Sainte-Christie d'Armagnac dans le Gers, 36 communes environnantes sont placées en ZCT par un arrêté pris ce lundi 4 janvier, quand la suspicion de contamination a été confirmée.
La saison 2021 est terminée
Une mesure qui, pour Lionel Candelon, ne suffira pas à enrayer la vague de contaminations : "il y a un élevage touché à 13 km de chez moi. C'est clair : pour moi l'année 2021 d'exploitation est d'ores et déjà terminée. Mais ce sont les pouvoirs publics qui n'ont pas su tirer les leçons des épisodes précédents : s'ils veulent euthanasier tout mon élevage, il faudra qu'ils viennent chez moi le faire eux-mêmes".
Après, il ne restera plus qu'à attendre d'éventuelles indemnisations, mais là non plus rien n'est encore prévu.