Pénurie d'huile de tournesol : les céréaliers d'Occitanie peuvent-ils vraiment augmenter leurs surfaces de culture ?

C'est presque devenu l'or jaune. L'huile de tournesol se fait rare sur les étals des magasins. Les cours du "soleil" flambent et du coup, les agriculteurs sont tentés de semer plus de surfaces. Mais notre région en produit déjà beaucoup et en faire plus n'est pas aussi simple.

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Au fur et à mesure que les rayons d'huile de tournesol se vident dans les grandes surfaces, celles des semis se remplissent. Ces derniers jours, les tracteurs tournent beaucoup dans les champs. Le grand sud et notamment l'Occitanie cultive depuis longtemps cette céréale plutôt facile à produire. Notre région comptait tous les ans presque 200 000 hectares de cet oléagineux. Il y en aura plus cette année.

Pourquoi les agriculteurs sèment de plus en plus de tournesol ?

D'habitude, Guillaume Daudé semait une centaine d'hectares de tournesol dans le Lauragais. Cette année, il en fait 20 de plus. Pour son associé Sébastien Puis, cet oléo-protéagineux va même remplacer le maïs avec un doublement des semis. Alors pourquoi cet engouement dans une région qui en produit déjà beaucoup?

"On a toujours semé des tournesols dans la région, un peu plus cette année. Il y a une grosse demande et les prix ont flambé. Ça vient un peu de baisser mais nous étions aux environs de 800€ la tonne contre 250/300 € l'an dernier. C'est pas négligeable."

Guillaume Daudé comme beaucoup de céréaliers ont déjà pré-vendu leur future récolte, quasiment la moitié. Le marché est très porteur et la manne financière plus importante que d'habitude mais elle reste aléatoire, tributaire des aléas climatiques. L'an dernier, les rendements étaient bons, autour de 27-28 quintaux à l'hectare. (2700/2800 Kg). En cas de temps sec, ils seraient plus proches de 20.

Le prix en forte hausse n'est pas le seul avantage de la plante. Depuis le conflit ukrainien, le nerf de la guerre ce sont les intrants, tous les éléments rentrant dans la production d'un bien. Et là aussi les prix flambent, tant au niveau du gazole que des engrais. "Ces intrants pour le tournesol sont intéressants, reconnaît le céréalier du Lauragais. Y a pas de désherbant, pas de traitement ou très peu, Cette plante demande moins d'engrais et moins d'eau. On s'y retrouve financièrement".

Alors, pourquoi ne pas en produire davantage tant que les cours sont hauts? Tout n'est pas aussi simple.

Pourquoi il ne sera pas possible d'en produire beaucoup plus en Occitanie?

Tout d'abord les cours sont incertains. 

On a aucune certitude, c'est la bourse ! Les cours peuvent baisser ou augmenter... C'est la roulette !

Guillaume Daudé, céréalier dans le Lauragais

Alors, se lancer corps et âme dans cette production peut s'avérer très risqué. Les agriculteurs ont jusqu'au 15 mai pour déclarer leurs surfaces agricoles pour la PAC. Pour l'heure, les premiers chiffrent indiquent une augmentation des surfaces semées en tournesol de 15 à 20%.

L'institut technique Terres Inovia basé dans le Lauragais à Baziège (Haute-Garonne) est spécialisé dans la filière des huiles de protéines végétales. Dans leur ferme expérimentale de Montesquieu-Lauragais, les premières pousses de tournesols pointent sous terre.

Christophe Vogrincic le responsable de la zone Sud de Terre Inovia veille au grain, couteau à la main pour gratter la terre. "Je regarde les tournesols qui sont en train de germer pour voir si la levée des graines se passe bien. Certaines sont déjà attaquées par des insectes ou surtout des volatiles comme les palombes et les pigeons."

Un véritable fléau qui rebutent bon nombre de céréaliers du Lauragais de produire davantage de tournesols. Beaucoup nous l'ont confirmé par téléphone, les palombes s'attaquent aux jeunes plants, les déterrent pour les manger en partie. Dans les champs, les effaroucheurs et les détonateurs périodiques ne suffisent pas.

L'autre problématique, c'est le respect des assolements. Certes, le tournesol est peu gourmand en eau et engrais mais la plante est sensible aux maladies, notamment au mildiou. Pour des raisons sanitaires, il faut attendre minimum 3 ans pour semer à nouveau ce végétal sur la même parcelle. "Pour éviter la propagation de maladies ou de certaines mauvaises herbes, on doit alterner les cultures d'hiver comme du blé ou du colza avec des cultures de printemps comme du tournesol, du soja ou du maïs," affirme Christophe Vogrincic. Les terres semées cette année ne pourront donc pas être cultivées en tournesol avant 3-4 ans, ce qui limite la production de tournesol en Occitanie comme ailleurs. 

Le respect de cette rotation est impératif. Et comme l'Occitanie produit déjà beaucoup de tournesol, l'augmentation sera limitée contrairement au nord de la France où la différence sera plus notable. "Aujourd'hui il y a une vraie demande mondiale et nationale sur la production de graine de tournesol pour faire de l'huile. C'est plutôt un phénomène conjoncturel et on ne sait pas s'il va durer. Il y a des règles agronomiques à respecter pour ne pas avoir de problèmes sanitaires dans les futures parcelles de tournesol. Il y a un équilibre à trouver entre les aspects économiques, le marché, mais aussi ces considérations agronomiques et sanitaires", reconnaît ce spécialiste des oléagineux.

Reste encore quelques leviers :

  • produire du tournesol "en dérobé", c'est à dire entre 2 cultures principales et avec des plantes dont la croissance est très rapide (de fin juin à septembre).
  • irriguer davantage pour produire plus mais cela a un coût. En Occitanie, entre 3 et 6% des cultures de tournesol sont irriguées 
  • remettre en culture des terres en jachère comme le demande la SAFER d'Occitanie. Mais ce sont souvent des terres peu fertiles

Il sera donc difficile en France de retrouver une autonomie alimentaire pour ce secteur des oléagineux du jour au lendemain. Mais les champs d'Occitanie seront un peu plus jaunes cet été.

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