10 ans des attentats de Merah à Montauban et Toulouse : les leçons de l’histoire

Comprendre ce qui s’est noué à Toulouse et Montauban en 2012 est « un enjeu primordial pour notre société ». C’est le fil conducteur de l’ouvrage écrit par un historien de l’université Jean Jaurès de Toulouse. Une radiographie sans concession des évènements et de leur retentissement sur notre société actuelle.

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Évoquant l’assassinat d’Imad Ibn Ziaten, l’auteur écrit dès le début de l’ouvrage : « l’enquête commence comme si le premier meurtre appartenait à l’univers du fait divers ». Jack Thomas n’hésite pas à préciser, éléments d’enquête à l’appui, que la police s’oriente dans un premier temps vers un crime crapuleux. Qui aurait pu prévoir ce qui allait se passer par la suite ?  

La plus grande enquête engagée jusqu’alors  

Mais une fois les assassinats de Montauban commis, là devant témoins, plus aucun doute ne subsiste : nous ne sommes ni dans le crime crapuleux ni dans le faits divers « classique ». L’historien évoque alors « la plus grande enquête engagée jusqu’alors avec 2000 hommes et femmes pour identifier et arrêter le tueur au scooter ».  

Mais ce n’est qu’après la tuerie du lycée Ozar Hatorah que le parquet antiterroriste reprend les commandes. Mohamed Merah est alors rapidement identifié via l’adresse IP qu’il a utilisée pour contacter Imad Ibn Ziaten et lui faire croire qu’il veut acheter sa moto.  

Trente heures de siège

La neutralisation du terroriste va cependant durer plus de trente heures, dans un immeuble qui n’a pas été immédiatement évacué de ses habitants « pour préserver l’effet de surprise ». Le tueur sera finalement abattu. Là aussi, le récit de la traque est synthétique mais édifiant. Le lecteur comprend la volonté initiale des forces de l’ordre de capturer le tueur vivant et de lui faire avouer ses crimes avant un éventuel assaut.  

Jack Thomas décrit la charge policière dans ses principaux détails. Il raconte notamment que Merah, muni d’un gilet pare-balle, parvient à s’extraire de la salle de bain de son appartement avant de tirer et blesser des hommes du Raid. Le tueur au scooter est finalement abattu d’une balle dans la tête par un tireur d’élite.  

Les juifs et l’armée comme « cibles »  

Une fois ces éléments posés, l’historien veut comprendre « pourquoi et comment une telle tragédie s’est produite ». Jack Thomas évoque d’abord les cibles. En quelques lignes précises, les implantations successives de communautés juives à Toulouse sont expliquées. Il recontextualise aussi le passé militaire de la ville de garnison que fut et est encore Toulouse. Puis, là aussi éléments à l’appui, il démontre la haine de Merah pour ces soldats dont les régiments ont servi en Afghanistan. Pour lui, Juifs et armée française sont « des cibles prioritaires ».

« Tu as tué mes frères, c’est moi qui te tue » dira t-il à Imad Ibn Ziaten comme à Abel Chennouf avant de les abattre de sang-froid. L’historien démontre assez rapidement que Merah n’est pas le loup solitaire décrit par l’autorité publique et les médias. « Il était loin d’être isolé et se mouvait depuis plusieurs années dans un environnement familial, de quartier et de relations avec de nombreuses personnes partageant l’idéologie salafo-djihadiste ».  

S’il est vrai qu’il a pressé seul sur la détente, loin d’être un « loup solitaire », il était, au contraire, très entouré, comme l’ont montré les deux procès. Son environnement familial, amical, de quartier, fourmille de personnages qui gravitent autour de la mouvance salafiste et djihadiste. Les enquêteurs ont établi des centaines de communications, non seulement avec ses proches (Abdelkader Merah et Sabri Essid), mais encore avec des personnes peu ou pas identifiées dans de nombreux pays.

Jack Thomas

« 2012, attentats djihadistes, soldats et juifs pour cibles » aux éditions Midi-Pyrénéennes.

Du Tarn à la Haute-Garonne en passant par l’Ariège, l’historien retrace l’implantation de ce réseau qui va former la « mouvance djihadiste locale » : Olivier Corel dit « l’émir blanc d’Artigat », Thomas Barnouin, les frères Clain et leurs familles, Sabri Essid, les Merah. Mohamed n’est pas le plus religieux de tous. Son réseau est loin de vivre en autarcie, mais au contraire reste connecté en permanence avec d’autres, dans l’Hérault, en région parisienne, en Alsace et même à Molenbeeck.

De cette banlieue de Bruxelles surgiront les auteurs des attentats de Paris. Des attentats incarnés par le Bataclan et Charlie Hebdo qui entraîneront dans la population une mobilisation sans précédent. Une mobilisation dont Jack Thomas relève le contraste avec celle de 2012 « avec un nombre de participants assez faibles » hormis à Toulouse.

Nous avions l’impression que la prise de conscience de cette guerre déclarée contre la civilisation, la démocratie et les valeurs de la liberté n’était pas totale dans l’opinion publique

Nicole Yardeni, l’ancienne présidente du CRIF

L’historien va aussi s’intéresser aux différentes formes d’interprétation du djihadisme qui seront faites après les attentats de Montauban et Toulouse : dimension sociologique d’un côté contre nouvelles formes religieuses de l’autre, Olivier Roy face à Gilles Keppel.

Avant ceux des attentats de Paris ou encore de Saint-Etienne du Rouvray, les procès des tueries de Toulouse et Montauban ont aussi ouvert une voie judiciaire. Comment juger en l’absence des principaux protagonistes. Comment survivre aussi pour les familles de victimes qui, chacune à leur niveau, font désormais œuvre utile.  

L’ouvrage de Jack Thomas remet tout cela en perspective et s’achève par ces deux phrases : « La montée de nouvelles expressions de religions rigoristes et fanatiques telles que l’islamisme salafiste constitue un défi majeur pour le vivre-ensemble républicain. Dix ans après mars 2012, le combat se poursuit à Toulouse, en France et dans le monde ».  

« 2012, attentats djihadistes, soldats et juifs pour cibles » de Jack Thomas aux éditions Midi-Pyrénéennes, sortie en librairie le 2 mars 2022.

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