Cinq familles roms bulgares jugées pour mendicité forcée comparaissent depuis une semaine devant le tribunal correctionnel de Toulouse. Ce lundi matin, le procureur a réclamé des peines allant de un an à 10 ans de prison.
Des peines de un an à dix ans de prison ont été requises ce lundi matin devant le tribunal correctionnel de Toulouse contre cinq familles roms bulgares. Au total, 17 personnes sont jugées pour traite d'être humains et blanchiment. Elles sont soupçonnées d'avoir recruté des roms en Bulgarie en leur promettant un travail ou le partage de l'argent provenant de la mendicité. A Toulouse, les promesses se sont envolées. Les pièces d'identité des victimes étaient confisquées et ces dernières étaient menacées ou frappées si elles se rebellaient.
L’enquête avait démarré en 2017 avec la plainte d’un membre de cette communauté rom installée dans un camp chemin de Gabardie, dans le quartier Balma Gramont à Toulouse. Après plusieurs mois d’investigations, la police a interpellé cinq familles roms qui vivaient dans ce campement avec leurs victimes supposées. Des hommes et des femmes agés de 21 ans à 62 ans qui ont menacé ou maltraité une trentaine de leurs compatriotes, les contraignant à mendier dans différents quartiers de la ville.
La mendicité plus lucrative que la prostitution
"Je représente les intérêts de la société," a commencé la procureure ce lundi matin devant le tribunal, "des intérêts bafoués pendant des années par 17 hommes et femmes que vous avez à juger"." Ne vous méprenez pas, dit Hélène Gerhards, "le camp de Gabardie était une forme de siège social. Ils récoltaient l’argent qui était réinvesti en Bulgarie, au bas mot 30 euros et jusqu'à 150 par mendiant, entre 900 et 4500 euros par mois".
Soulignant l'absence d'humanité des prévenus, la procureure rappelle que "l'exploitation de la mendicité est plus lucrative que l’exploitation sexuelle car les prostituées doivent faire preuve d’hygiène, être habillées, alors que ces mendiants, plus ils étaient sales, en mauvaise santé, handicapés, plus il rapportaient".
Contre l'un des prévenus, le seul qui comparait libre, la procureure a requis un an de prison. C'est le seul qui a reconnu avoir participé, de loin, à cette mendicité forcée en prêtant son téléphone portable, en acceptant de faire un transfert d'argent vers la Bulgarie. C'est le seul aussi qui parle français et qui, selon la procureure, montre une volonté d'intégration en France.
"Je vous demande de garder à l’esprit trois éléments, dit Hélène Gerhards au tribunal. "Les valeurs bafouées par ces hommes et femmes, leur personnalité, leur déni, leur absence d’empathie, la domination et la toute-puissance qui révèle le risque de récidive. Il faut aussi, conclue-t-elle, garder à l’esprit que ces 33 victimes n’ont pas eu la chance d’occuper ces sièges qui leur étaient réservés. Cela aurait pu les restaurer dans la dignité qui leur a été enlevée.
Un procès sans parties civiles
Les 33 victimes recensées par les enquêteurs ont été rapatriées dans leur pays, elles sont absentes de ce procès. Leur parole (au sens propre) n’a donc pas été entendue lors de l’audience. Il n'y a pas de parties civiles. La seule trace de ces victimes se trouve dans les procès-verbaux d’audition mais il n’y a pas eu de confrontation avec les prévenus. Une faille dont s’est saisie la défense.
"Oui, c’est un procès amputé de la présence de ces 33 personnes. C’est une des exigences du procès équitable, tout accusé à droit à faire interroger les témoins à charge. Ce droit a été bafoué et cela fragilise l’accusation", dit maître Imme Kruger. "Il y a un minimum, dit un autre avocat de la défense, si c’est matériellement impossible de faire des confrontations, alors c’est impossible d’entrer en voie de condamnation souligne maître Nicolas Raynaud De Lage. Dans ce dossier, malgré les milliers de pages, il vous manque l’essentiel : le lien de causalité", dit-il.
L’autre faille c’est la difficile preuve du prétendu train de vie de luxe des prévenus en Bulgarie. L’accusation a mis en avant des images vues sur Facebook, des familles impliquées se prenant en photo avec des liasses de billets, des bijoux, des voitures dites de luxe.
"Est ce que l’on a fait des investigations pour vérifier la réalité de ces photos, interroge maître Raynaud De Lage ? Ce qui est insupportable, c’est que l’on nous reproche des photos de gens qui ne sont pas miséreux mais sur Facebook vous vous inventez la vie que vous voulez", souligne l’avocat de la défense.
"De quoi parle-t-on ? De Bulgares qui sortent d’un camp, est-ce une infraction ? De Bulgares qui vont mendier est-ce une infraction ? De Bulgares qui envoient de l’argent via Western Union, est ce qu’ils le font dans des proportions répréhensibles ? Revenons au droit", dit l’avocat.
Ce procès a commencé lundi 1er février dans une salle spécialement aménagée pour l’occasion. Les prévenus ne parlent pas français. Six interprètes se relaient pour réaliser les traductions. Le tribunal rendra sa décision ce mardi dans l'après midi.