Le président du Conseil économique et social, Jean-Louis Chauzy, a mis le feu aux poudres en demandant le rejet de l'une des offres, parce qu'elle est conduite par des investisseurs chinois. Son point de vue n'est pas partagé par tout le monde.
En mettant en vente 49,99 % de ses 60 % du capital de l'aéroport Toulouse-Blagnac, 4ème aéroport de province, l'Etat ne se doutait certainement pas que quelques mois plus tard, la proposition financière d'un consortium chinois déclencherait un débat qui oscille entre protectionnisme, peur de l'inconnu et crainte d'espionnage industriel.
Parmi les 3 offres déposées auprès de l'agence des participations de l'Etat, chargée de vendre les parts publiques dans le capital, celle de trois investisseurs chinois (le conglomérat Friedmann Pacific Investment (FPI), le fonds d’investissement Shandong High Speed Group et l’aéroport de Shenzen) accompagné du canadien SNC-Lavalin (qui gère déjà l'aéroport Toulouse-Francazal) semble, d'après certaines informations, être la plus importante financièrement. Les deux groupes français Vinci et Aéroport de Paris, dont l'Etat est toujours actionnaire majoritaire, seraient en-dessous de l'offre sino-canadienne.
Les Chinois souhaiteraient, selon certaines sources, faire de Toulouse-Blagnac une véritable plateforme internationale, un "hub" entre l'Europe et l'Asie. Surtout FPI est actionnaire de China Aircraft Leasing Company (CALC), une société chinoise de locations d'avions (uniquement des Airbus) qui vient d'ailleurs (hasard ou pas ?) de signer un énorme protocole d'accord avec Airbus pour l'achat de 100 A320.
Alors où est le problème ?
Dans un courrier adressé au premier ministre, Jean-Louis Chauzy, le président du Conseil économique social et environnemental (CESER) de Midi-Pyrénées, réclame un délai supplémentaire pour instruire les offres et rejette catégoriquement l'offre chinoise. Et d'agiter le chiffon protectionniste ! "Le CESER, écrit-il, ne saurait admettre qu’un groupe chinois devienne propriétaire d'un aéroport aussi stratégique et rentable que celui de Toulouse-Blagnac où se situent les activités de leaders mondiaux de l’aéronautique que sont ATR et Airbus". On frise le "péril jaune" et les suspicions d'espionnage industriel !
Le 19 novembre prochain, les collectivités actionnaires de l'aéroport seront consultées par l'Etat : Région, Département, Chambre de Commerce et Toulouse Métropole donneront leur avis. Dans une interview à nos confrères d'Objectif News, Jean-Luc Moudenc, maire UMP de Toulouse et président de la métropole, se désolidarise de la position de Jean-Louis Chauzy, qui a écrit au premier ministre sans le consulter : "Il ne faut pas jouer sur les peurs et sur la psychologie, répond-il à nos confrères, mais s’atteler aux faits, à la réalité. L’offre sino-canadienne sera étudiée méticuleusement, au même titre que les deux autres", taclant au passage Jean-Louis Chauzy en rappelant que le CESER n'est pas actionnaire de l'aéroport. Pour Jean-Luc Moudenc, il y a 4 critères pour juger les offres : l'objectif de développement de l'aéroport, la gouvernance avec les autres actionnaires, la garantie du foncier pour Airbus, le maintien de l'équipe de direction en place. Et pas la nationalité des investisseurs ! Quant au prix de rachat, le maire laisse la question entre les mains de l'Etat.
De son côté Martin Malvy ne s’exprime pas sur les offres des différents candidats, notamment parce qu’au nom de la Région, actionnaire de l’aéroport, il a signé une clause de confidentialité liée à l’accès aux dossiers. Mais il a indiqué que l’avis que remettra le Conseil Régional à l’Etat "se fondera sur les perspectives offertes par chacune des offres en matière de développement de l’aéroport au bénéfice de l’économie régionale".
Dans ce dossier, l'intervention de Jean-Louis Chauzy, met le doigt sur un paradoxe plein de non-dits et de sous-entendus : on pourrait applaudir les Chinois quand ils viennent acheter des avions, encourager leurs investissements étrangers dans la région et dérouler le tapis rouge pour les délégations chinoises et leur gros chéquier... sauf dans certains cas, proclamés "stratégiques".