Elles étaient censés protéger les agriculteurs en leur permettant de vivre de leurs productions. Pourtant aujourd'hui, elles sont au cœur de la colère des agriculteurs et font l'objet de revendications. Respectivement votées en 2018, 2021 et 2023, les lois Egalim ne protègent pas suffisamment les agriculteurs face aux industriels et à la grande distribution. On vous explique pourquoi.
Les négociations commerciales entre la grande distribution et les fournisseurs agro-industriels sur les prix en rayons s’achèvent ce mercredi 31 janvier 2024. Avec la crise agricole, ce rendez-vous est d'une importance capitale. Pour les consommateurs afin de connaître la tendance des pris en rayon et pour les producteurs qui sauront à quel prix leur production sera rémunérée. Tout ceci sous l'égide des lois Egalim censées protéger les marges des agriculteurs.
APPLICATION #EGALIM PRIORITÉ NATIONALE 🚀🚀🚀 ET ACCÉLÉRATION DES FONDS D'URGENCE 🚀🚀🚀 DU CONCRET 🚀🚀🚀pic.twitter.com/UxRAfQkCG5
— 📣MacronardsFM 📻📣📻 (@MacronardsFM) January 28, 2024
Les lois Egalim
Ces mesures devaient éviter que les exploitants ne soient payés en deçà de leurs coûts de production. Une idée sortie des états généraux de l'alimentation tenus en 2017.
La première loi Egalim est adoptée en octobre 2018. Elle devait permettre "aux agriculteurs d'avoir un revenu digne en répartissant mieux la valeur", selon le site du ministère de l'Agriculture. Elle permet aux agriculteurs de proposer ses prix à l'acheteur, en prenant en compte ses coûts de production.
Auparavant, les industriels et la grande distribution faisaient la pluie et le beau temps sur le marché des prix. Concrètement, ils négociaient à fond les prix au plus bas pour satisfaire leurs clients. Les agriculteurs qui pourtant produisaient ces matières n'avaient rien à dire. Egalim 1 limite les promotions à 34% de la valeur du produit. Elle interdit également la vente à perte, obligeant les grandes surfaces à réaliser au moins 10% de marge.
Lois #Egalim : "Les profits ont explosé au niveau des gros industriels (…) Je pense que la pratique la plus efficace c'est le name and shame, mettre sur la place publique ceux qui n'agissent pas dans l'esprit de la loi." @nbouzou dans #cdanslair pic.twitter.com/bgwlseCASM
— C dans l'air (@Cdanslair) January 27, 2024
La deuxième loi Egalim (2021) vient compléter la précédente après un rapport du Sénat expliquant le peu d'efficacité de la première. Egalim 2 ne permet plus de négocier sur le coût de la matière première agricole (viande, lait, céréales...). De manière pratique, si le prix du lait augmente, le supermarché doit prendre en compte la hausse sans pouvoir faire pression sur les coopératives ou producteurs laitiers pour revoir à la baisse ce prix.
Plus de transparence sur les prix, obligation d'indiquer le pays d'origine pour les produits agricoles et alimentaires, Egalim 2 est un progrès mais "peut mieux faire" même si la dirigeante du principal syndicat agricole (Christiane Lambert FNSEA) reconnaît en 2022 qu'elle fonctionne.
2023 verra une loi Egalim 3 appelée Descrozaille, du nom du député Renaissance du Val-d'Oise Frédéric Descrozaille. Elle étend le principe de la loi Egalim 2 (pas de négo sur le coût de la matière première agricole) aux produits de marque distributeurs très prisés des Français car moins coûteux.
Problème : ces règles exigeantes sont parfois contournées par la grande distribution et... elles ne s'appliquent pas aux produits importés qui rentrent en France.
Egalim au cœur des revendications des agriculteurs
Dans la pratique, certains distributeurs ne respectent pas le principe de non-négociabilité du prix des matières premières agricoles et ne tiennent pas compte par exemple de la hausse des coûts de production (énergie, salaires, etc).
Récemment, des éleveurs laitiers se sont rassemblés devant des sites de Lactalis pour dénoncer les prix du lait fixés par le groupe industriel, jugés trop bas. Certains vont même en justice pour protester contre la mainmise de la grande distribution qui ne respecterait pas la loi.
L'inflation aidant, la grande distribution cherche à protéger ses clients-consommateurs, au détriment des agriculteurs à l'autre bout de la chaîne.
Pour le #revenupaysan, arrachons enfin la protection économique de notre revenu de manière structurelle ! Interdiction de la vente à perte de nos produits agricoles qui n'est pas inscrite dans #Egalim & fin des accords de libre échange https://t.co/fahX40bpTE
— Conf' Paysanne (@ConfPaysanne) January 29, 2024
En déplacement près de Toulouse vendredi dernier (26 janvier), le Premier Ministre a durci le ton. Il a pointé 3 industriels qui ne jouent pas le jeu et pour lesquels le gouvernement va "prononcer trois sanctions très lourdes" ". Il s'agirait de 2 filières du groupe alimentaire (viandes) Bigard et des yaourts Malo.
Sous pression, il a promis plus de contrôles. Interrogé à l'Assemblée nationale mardi, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire va dans le même sens : "Nous multiplierons les contrôles nécessaires et nous prononcerons toutes les sanctions pour faire respecter la loi Egalim par les distributeurs comme par les industriels...". Il promet de doubler les contrôles.
Serait-ce suffisant pour rassurer les agriculteurs toujours vent debout sur la concurrence déloyale des produits importés, non soumis aux mêmes règles.
Malgré Egalim, les agriculteurs sont victimes de la concurrence et continuent parfois de vendre à perte. Leurs revenus déjà très bas (1860€ en moyenne par mois en 2021) pourraient chuter encore de 9% cette année selon les prévisions de l'INSEE.