Il créa en 1974 la galerie municipale du Château d’eau, premier lieu d’exposition permanent en France dédié à la photographie. Il parcourut le monde mais ne quitta jamais vraiment la ville rose, sa ville. Un nouveau livre rend hommage à Jean Dieuzaide et à « son autre Toulouse ».
Qui mieux que lui a ainsi pu, sur un demi-siècle, ausculté la ville rose qu’il transposa en noir et blanc. De la petite à la grande histoire de la Libération, en passant par l’épopée aéronautique (l’hôtel du Grand Balcon, le Concorde,…) mais aussi les lieux moins papiers glacés, comme le camp de Ginestous ou « la Tournerie des drogueurs ».
Un Toulouse disparu et un autre éternel
Dieuzaide c’est parfois un Toulouse disparu comme celui du Pont suspendu Saint-Pierre, de l’ancien marché des Carmes détruit en 1964 ou celui des Arènes un temps où l’on accrochait, la corrida finie, des têtes de taureau à la vitrine des boucheries comme dans la rue du Taur. Le photographe figeait aussi des « gueules » comme celles de M et Mme Simonetta, les patrons du bar de la Trinité, ou encore ces « anciens » de l’université du troisième âge en 1974 mais aussi la foule en délire au concert d’Antoine ou de simples supporters de rugby entassés derrière un grillage au Stadium.
Dieuzaide c’est aussi parfois un Toulouse éternel comme celui de la basilique Saint-Sernin, d’une Garonne autrefois plus impétueuse et d’un canal du Midi recouvert de neige lors d’hivers plus rudes qu’aujourd’hui. L’artiste (qui « préférait se définir comme un artisan » comme nous le raconte Christian Authier le journaliste-écrivain qui préface l’ouvrage) garda toujours dans un coin de sa pellicule une place du Capitole centrale dans la ville comme dans son cœur.
Des clins d’œil à l’actualité
Certains clichés font aussi des clins d’œil à l’actualité comme celui représentant mille toques réunies par André Daguin place du Capitole en 1984, alors que le grand chef gersois vient de s’éteindre. Il y a aussi cette image frappante de camions bennes entassés sur le nouveau pont Saint-Michel où l’on procède en 1962 à un « essai de charges » pour tester la résistance de l’ouvrage.
A l’heure d’une nouvelle contestation sociale dans notre pays, mai 68 n’est pas oublié dans cet ouvrage avec notamment l’image d’une pancarte accrochée à la Fac. Il y est écrit que les photographies sont strictement interdites « sauf à Yan » surnom de Dieuzaide. Parce que l’homme savait se faire accepter, et sans doute apprécier, partout, le propre de tout bon photographe.
« Un monde d’avant les selfies »
« On pense à Tati, Trenet, Sempé ou Apollinaire face à des photographies d’un noir et blanc éternel qui nous renvoient au monde d’avant les selfies, d’avant les images numérisées, dupliquées, falsifiées et aussitôt avalées dans les flux de l’instantanéité puis de l’oubli » écrit Christian Authié. Jean Dieuzaide méritait donc bien encore un ouvrage. Un hommage d’autant plus utile à l’heure où le Château d’eau, un des rares lieux d’exposition photo de Toulouse, a connu une période de turbulence.
« Un autre Toulouse » Jean Dieuzaide, texte de Christian Authier, éditions Cairn.