Le challenge du Januhairy encourage les femmes à ne pas s'épiler pendant tous le mois de janvier. Une pratique qui révèle une tendance grandissante à laisser pousser ses poils, chez certaines d'entre elles. Si le diktat du corps lisse persiste en Occident, certaines lignes commencent réellement à bouger.
Vous connaissez sûrement le dry january, ce challenge qui consiste à ne pas boire d'alcool tout le mois de janvier, mais avez-vous entendu parler du Januhairy ? Une tendance venue d'Angleterre, lancée par une étudiante en arts dramatique, Laura Jackson, il y a quelques années. Le but : ne pas s'épiler du 1er au 31 janvier. Une façon d'encourager les femmes à se libérer de l'injonction de l'épilation.
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Sur son compte Instagram, la jeune femme avait posté une photo d'elle, aisselles non épilées et avait déclaré : "Même si je me sens libérée et que j'ai plus confiance en moi, certaines personnes de mon entourage ne comprennent pas pourquoi je ne m'épile pas ou ne sont pas d'accord avec ça. J’ai alors compris qu'il y avait encore tant à faire pour pouvoir nous accepter entièrement et véritablement."
Une tendance à la pilosité
Un challenge qui reflète une pratique mise en lumière ces dernières années. Selon une enquête IFOP de 2021, on observe une tendance à la baisse de la dépilation chez les femmes depuis 2013. Les jeunes de moins de 25 ans (34%) sont plus nombreuses à s’épiler moins souvent toutes les parties de leur corps.
De plus en plus de jeunes femmes revendiquent leurs poils. Parmi elle, Zoé, 23 ans, étudiante en cinéma à Toulouse (Haute-Garonne). "J'ai commencé à m'épiler à l'adolescence, explique-t-elle. Je me sentais gênée d'avoir des poils, je ressentais une pression sociale, surtout par rapport aux garçons. C'était pour moi inconcevable d'aller à la piscine avec un maillot pas rasé."
Aujourd'hui, la jeune femme ne s'épile plus jambes, aisselles, moustache, maillot. "Pour le maillot, il y a encore un peu de gêne. Principalement parce que je ne vois aucune femme assumer cette pilosité."
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Une question sociale
Zoé n'est pas la seule femme de son entourage à avoir abandonné l'épilation. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'elle n'en avait plus envie. "Parce que si les hommes peuvent assumer leur pilosité, pourquoi pas nous ?" Mais la jeune femme observe tout de même que la tendance est adoptée par celles qui, comme elle, évoluent dans un milieu "artistique, de gauche, féministe" et bien souvent de classe moyenne supérieure.
Pour Stéphane Héas, sociologue professeur des universités UR4636 VIPS2 Rennes, et directeur de la publication de la revue électronique La Peaulogie, celles qui ne s'épilent pas sont en effet "des personnes dont les ressources financières, sociales et culturelles leur permettent de s'occuper d'elle-même et d'avoir ce type de préoccupation". Il précise que depuis des décennies, "les catégories sociales les plus défavorisées ont un rapport instrumental avec leur corps" et donc que s'il y a épilation, c’est que c'est utile dans leur quotidien, notamment dans leur rapport au travail, "parce qu'ils sont à l'accueil du public ou de consommateurs par exemple".
La place des relations intimes
Surtout, Stéphane Héas souligne l'importance de l'épilation dans le cadre des relations amoureuses, et la recherche d'un conjoint. "L'influence des médias est loin d'être négligeable", explique-t-il, ainsi que celle des films, et notamment des films érotiques et pornographiques où il est souvent exigé "un corps glabre".
Miléna Younès-Linhart, doctorante en sociologie du genre à l’université Paris 8, déclarait à nos confrères de France Inter : " il y a plein d'injonctions qui sont formulées à l'égard des jeunes filles pour les faire s'épiler. Et en fait, elles intériorisent un dégoût. Elles apprennent à se dire qu'elles désirent avoir un corps lisse." Elle ajoute : "Pour entrer sur le marché de l'hétérosexualité, il faut avoir un corps qui est normé, qui est conforme aux désirs, aux désirs des hommes."
Pourtant, l'enquête IFOP montre que le maintien d’une pilosité chez une femme ne constitue pas forcément un frein au désir sexuel masculin. 66% des hommes déclarent pouvoir avoir une relation intime avec une femme non épilée au niveau des aisselles ou des jambes (61%) mais aussi à l’état brut au niveau pubien (70%).