Violences conjugales : 40% des personnes déférées relèvent de ce délit, dans ce département rural malgré l'action de la justice

Dans le département du Lot, 40 % des personnes qui ont été déférées devant la justice relèvent des faits de violences conjugales, informe le procureur de la République. Depuis le 1er janvier, le parquet aura déféré chaque jour des conjoints violents. Les nouvelles mesures contre les violences conjugales inciteraient-elles les victimes à sortir de leur silence ?

Dans un tweet, le procureur de la République du Lot, Alexandre Rossi, affirme sa détermination dans la lutte contre les violences conjugales. Il précise que depuis le premier janvier 2024, le parquet aura déféré chaque jour des conjoints violents.

Une tendance interpelle Alexandre Rossi : "tous les jours depuis ce début d’année, effectivement tous les jours le parquet a déféré des maris violents. Fait encore plus marquant, ces personnes n’étaient pas systématiquement connues de la justice, certaines n’ont jamais été placées en garde à vue ou déférées pour d’autres faits".

Dans son bilan de rentrée, le procureur dresse le triste constat que 40% des personnes déférées devant la justice sont en lien avec des violences conjugales. "Ce qui est le plus fort item, devant le trafic de stupéfiants, devant les violences aggravées et les atteintes aux forces de l’ordre, qui sont les quatre contentieux, les plus pris en compte par le parquet du Lot", précise Alexandre Rossi.

Mesures contre les violences conjugales

Depuis le Grenelle des violences conjugales, en mai 2023 le ministère de la justice a pris de nouvelles mesures contre les violences conjugales. Pôles spécialisés dans les violences intrafamiliales, ordonnance de protection rendue en urgence, cellule de gendarmerie et de police dédiées… Le gouvernement a repris les propositions publiées dans le rapport parlementaire, nommé "Plan rouge vif " de 2023. Au total 54 mesures dont 46 sont effectives et 8 en cours de réalisation. Des mesures indispensables mais qui restent encore insuffisantes pour les associations.

Le procureur cherche des explications à cette situation. Est-ce le triste constat de l’augmentation des violences conjugales sur le territoire. Est-ce la résultante des actions menées contre les violences conjugales ? Une certitude, seulement deux personnes sur 10 victimes de violences conjugales déposent plainte.

"Ce que j’ai fait ressortir dans ce tweet c’est aussi une forme de lassitude, car malgré toutes les actions que nous menons il y a encore des violences conjugales".

Un chiffre qui peut aussi être révélateur d’une prise de conscience des femmes qui aujourd’hui sortent de leur silence et font le choix de se défendre devant la justice. "Le résultat d’une meilleure compréhension de la situation de ces femmes par nos services, par les services de la police et de la gendarmerie qui sont beaucoup plus réactifs".

Partenariat et meilleure coordination des services sur le territoire

Dans le Lot, le parquet a mis en place des actions menées en lien étroit avec le monde associatif, les hôpitaux. "Il y a la possibilité pour des personnes qui se font soigner à l’hôpital  de dénoncer les faits de violences conjugales. Des personnes qui ne veulent pas déposer plainte ou qui ne savent pas comment procéder. On a mis en place des partenariats qui fonctionnent. Cela n’explique pas qu’il y ait plus de violences conjugales mais il y a plus de plaintes. Il y a une meilleure prise en charge".

Selon le ministère de l’intérieur, les services de police et de gendarmerie ont enregistré 244 301 victimes de violences commises par leur partenaire ou ex-partenaires en 2022, soit une augmentation de 15% par rapport à 2021. Les hommes sont les premiers mis en cause. Des ordonnances de protection provisoire immédiate, pôles spécialisés au sein de toutes les juridictions, renforcement de l’organisation des tribunaux judiciaires, bracelets anti rapprochement, téléphones « graves danger », procédures rapides de défèrement après garde à vue… Ces nouvelles mesures permettent de mieux lutter contre les violences conjugales même si les associations manquent toujours de moyens pour assurer leurs missions.

Les associations lotoises sont très présentes sur l’ensemble du territoire assure le procureur.

La police et la gendarmerie se sont dotées d’intervenants spécialisés. "Désormais quand vous venez porter plainte pour violences conjugales, il y a un guichet à part. Il y a un couloir, il y a un corridor spécial pour les violences conjugales. Il y a quelques années, vous ne pouviez porter plainte que si vous aviez un certificat médical. C'est totalement proscrit. C'est nous qui faisons faire le certificat médical. Revenez quand vous aurez le certificat, aujourd’hui ce discours, c'est terminé".

Autre exemple aussi. Avant, on pouvait faire une main courante. Aujourd’hui cela est interdit par tous les procureurs. Ça a été repris par la loi. Une main courante est interdite et prohibée en matière de violences conjugales. Chaque fait de violences conjugales correspond à une procédure judiciaire.

Il existe également les maisons de protection des familles, des lieux où l’on considère le phénomène de violences conjugales au-delà de toute procédure pénale.

"C'est quand même une révolution, puisqu'avant, on était tenu par une plainte, on était tenu par une procédure, et maintenant, même si on ne porte pas plainte, même s'il n'y a pas de procédure, on essaye de donner des pistes de prévention. On peut même fournir des téléphones de grave danger à des personnes qui ne portent pas plainte".

Le pôle spécialisé , VIF, Violences intrafamiliales

Depuis, le 22 novembre 2023, un décret impose à chaque tribunal de France de créer un pôle VIF (Violences intrafamiliales).

Le pôle spécialisé est déjà effectif dans le département du Lot ,"On organise des comités de pilotage, c'est-à-dire avec tous les services. On a créé une filière de l'urgence particulière. On a créé aussi une meilleure communication entre les services qui viennent enrichir le dossier et qui permettent ensuite au juge d'apporter une meilleure solution, une meilleure réponse pénale.

Le procureur du Lot a demandé la création d’un poste administratif d’une chargée de mission dédiée aux violences conjugales. Une mission qui vient en complément de l’ensemble du dispositif afin d’accompagner au mieux les victimes.

Pour la présidente de l’association CIDFF du département du Lot, Yolande Vignoboul, la coordination des différents services est plutôt efficace. La plateforme mise en place par le département pour informer les femmes est active. Les personnels sont mieux formés il y a une meilleure écoute et une meilleure direction des services depuis le Grenelle les actions menées et les dispositifs déployés incitent les femmes à prendre des initiatives.

Le Centre d’information sur les droits des femmes et des familles existe depuis cinquante ans et œuvre sur l’ensemble du territoire. L’association exerce une mission d’intérêt général confiée par l’Etat dont l’objectif est :

  • D’assurer l'accès des femmes et du public à l'information sur leurs droits dans les domaines juridiques, professionnels, économiques, social et familial,
  • De promouvoir en liaison avec d'autres associations et collectivités publiques ou privées l'information sur les droits des femmes et des familles dans les domaines précités

Aujourd’hui avec l’ensemble des services coordonnés nous avons la capacité d’entendre et d’orienter. Mais nous manquons encore de moyens. Nous ne sommes pas assez nombreux pour couvrir les demandes sur tout le territoire. Il faut du temps et des compétences.  L’information juridique est gratuite et se fait obligatoirement par des professionnels, des juristes.

 C’est une mission très importante et fondamentale, selon la présidente de l'association, " lorsqu’une femme fait cette démarche elle a besoin d’une réponse à sa problématique à l’instant T. Avant de porter plainte elle a besoin de connaître les tenants et les aboutissants d’une procédure, il faut donner une information fiable, une réponse  juridique, c’est indispensable pour la suite".

Depuis le Grenelle des violences et les dispositifs mis en place, il semblerait que les femmes osent davantage franchir les portes de la gendarmerie ou solliciter plus facilement une association. "Mais il y a encore des ratés", précise la présidente, "dans le Lot, la cellule spécifique de gendarmerie est active depuis 3 ans et les équipes sont aujourd’hui bien formées, le département aussi a déployé de gros efforts depuis le Grenelle mais cela reste encore à améliorer. L’ambiance dans les familles n’est pas nette depuis la crise du Covid".

Pendant le covid l’association a en effet enregistré plus 30% d’appels pour des demandes de conseils juridiques. "Cette ambiance perdure elle est insidieuse et cela se traduit par des violences intrafamiliales", rajoute la présidente.

Le mouvement MeToo, l’action des associations  ont contraint le gouvernement à prendre des mesures sérieuses contre les violences conjugales. Mais le chemin est encore long, même si la parole semble se libérer, le bilan reste dramatique, en France en 2023, 94 féminicides ont été commis contre 118 en 2022.

Le 3919, Violences Femmes Info, est le numéro national de référence pour l'écoute et l'orientation des femmes victimes  de victimes de violences. Le 3919 est porté par la Fédération Solidarité Femmes.

Le 3919 assure un premier accueil et en fonction des situations, les femmes sont orientées vers les associations locales ou nationales afin de leur apporter une réponse ou un accompagnement

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