Le ministre de la santé a annoncé un renforcement du confinement dans les Ehpad. Chaque résident doit désormais rester seul, isolé dans sa chambre. En Occitanie, de nombreux établissements ont déjà mis en place ce dispositif aux conséquences lourdes, pour les personnes âgées et le personnel.
Le coronavirus sévit aussi dans les maisons de retraites et le nombre de décès en Ehpad est certainement beaucoup plus lourd que le bilan officiel. Le virus est malheureusement entré dans ces établissements et déjà le nombre de décès augmente, même si depuis plus d'une semaine les familles ne peuvent plus rendre visite à leurs parents.
Samedi 28 mars, le ministre de la santé, Olivier Véran, a renforcé les mesures de confinement dans les Ehpad.
Les personnes âgées devront être individuellement isolées dans leur chambre et le personnel va être testé en "priorité".
Des mesures déjà mises en place
En Occitanie, de nombreux établissements n'ont pas attendu cette annonce pour mettre en place de nouvelles mesures. Pour les responsables et les personnels il s'agit d'un dispositif d'urgence inédit, une "bataille" à gagner, un combat du quotidien pour toutes les équipes, déjà mises à rude épreuve en temps normal.En Aveyron, Pierre Roux est directeur de 5 établissements pour personnes âgées dépendantes. Il avait déjà mis en place un dispositif de confinement. Avec comme priorité d'éviter l'entrée du virus dans l'Ehpad et freiner la propagation du Covid-19, si un cas se déclarait.
A ce jour, 4 cas avérés ont été détectés dans l'un des établissements, jeudi dernier et pour le moment aucune autre personne ne présente des signes de contamination.
Les activités pour "maintenir la vie" sont à l'arrêt
Pierre Roux nous explique que la situation est très complexe à gérer."Nous avons aussi des résidents qui présentent des troubles cognitifs plus ou moins conséquents, ils n'ont donc pas toutes leurs capacités intellectuelles pour comprendre et accepter cet isolement forcé.Toutes les activités pour maintenir la vie et l'envie de vivre sont à l'arrêt, la vie sociale s'est appauvrie. Il me tarde que tout cela se termine et de ne plus jamais revivre ça !
Le confinement crée parfois des ambiances délétères. Et tout le travail qui a été fait par les soignants, tous les progrès réalisés par les résidents, tout est à refaire, nous ne sommes plus un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes nous sommes devenus une unité sanitaire. Mais nous faisons front"!
Un personnel "admirable" en ordre de bataille
Les familles ne peuvent plus venir, les bénévoles non plus, pourtant ils représentent selon le directeur, une ressource indispensable au fonctionnement de l' Ehpad."Pour le personnel c'est la double peine. Ils travaillent deux fois plus et sont en première ligne. Le plan Grand Age de 2015 n'est toujours pas appliqué, il y a un soignant alors qu'il en faudrait deux... enfin vous connaissez la situation désastreuse à laquelle nous sommes confrontés, tous les médias en ont parlé. Une situation qui a des conséquences comme vous le savez sur les personnes âgées, on est démuni, c'est très dur à vivre".
Pierre Roux nous explique toutes les difficultés rencontrées par le personnel soignant pour s'occuper de personnes désorientées et que l'on enferme dans leur chambre :
Côté protection, depuis lundi (23 mars) la situation s'est améliorée, l'Etat fournit 2 masques par jour et par soignant c'est le protocole.c'est très difficile pour les soignants mais ils font front, ils sont admirables!
Le personnel soignant travaille en étroite collaboration avec un médecin coordinateur. Lui, joue un rôle d'interface très important entre l'Ehpad, l'hôpital et les équipes mobiles. Des équipes mobiles qui vont désormais accompagner le personnel soignant dans sa lourde tâche, surtout quand il s'agit de fin de vie. Elles interviendront lorsque les personnes âgées atteintes du coronavirus ne pourront pas supporter une réanimation et seront maintenues dans les établissements.Tout arrive trop tard en pareille circonstance, c'est comme d'habitude mais en pire!
Un souffle de vie
"Certains jours, on arrive parfois à organiser des activités par petits groupes, dans un cadre d'hygiène et de sécurité renforcée", explique Pierre Roux. "Des résidents peuvent se retrouver pour une partie d'échec, une petite heure. Mais ces moments sont rares fautes de moyens et de temps pour le personnel. Avec le renforcement des mesures de confinement pas sûr que ces activités soient maintenues".
Des salles à manger transformées en secteur Covid
Didier Carles, directeur d'un Ehpad à Grenade (Haute-Garonne) et président de l'association ADESPA Occitanie (association des directeurs d'établissements au service des personnes âgées) qui regroupe 120 établissements, est sur la même ligne.
Il a déjà mis en place des mesures de confinement renforcées depuis une semaine au sein de son établissement de 240 résidents où aucun n'est atteint par le virus.
"Il n'y a plus de repas pris en commun ni aucune activité commune chez nous, les quatre salles à manger ont été transformées en secteur dédié au Covid-19 ; une manière d'anticiper et d'être prêt au cas où le virus toucherait les résidents de l'établissement".
Question d'éthique
Didier Carles le dit clairement :nous sommes conscients qu'en appliquant ces mesures de confinement, notamment sur des personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer, on réduit leur liberté . On le sait mais d'un autre côté on doit faire face au risque de contagion massif, j'avoue que ça pose question en terme d'éthique.
Les responsables des Ehpad d'Occitanie espèrent qu'après la crise du Covid-19 la question du fonctionnement des Ehpad sera l'un des grands sujets de réflexion du gouvernement. "Plus que jamais le système montre ces limites, il faut mettre en place un véritable plan Grand âge en France, Il faut prendre des mesures à la hauteur des enjeux pour donner les moyens à ces établissements de s'occuper dignement de nos aînés".