Coronavirus : l'hôpital de Toulouse veut rester prudent sur l'utilisation de la chloroquine

Le CHU de Toulouse participe à l'étude européenne Discovery destinée à tester 4 traitements contre le Covid-19 dont le Plaquenil (hydroxychloroquine). Le chef de service des maladies infectieuses de l'hôpital veut cependant modérer l'emballement autour de cette molécule.

Au CHU de Toulouse, des patients sont traités depuis plusieurs jours avec de l'hydroxychloroquine. C'est l'un des trois traitements (avec le remdesivir et le liponavir) utilisés à l'hôpital pour les cas les plus graves de coronavirus. 
Mais face à l'emballement autour de cette molécule commercialisée sous le nom de Plaquénil, le chef de service des maladies infectieuses de l'hôpital tient à pondérer.

"Il y a eu beaucoup de débats médiatiques sur ces traitements, commence le professeur Pierre Delobel, et c'est légitime car il y a de l'inquiétude."
Le médecin poursuit :

il y a eu un emballement très important sur des données virologiques de l'équipe de marseille de niveau de preuve faible, cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'intérêt mais cela veut dire que la démonstration est insuffisante pour l'instant.


Une étude européenne a commencé. Depuis ce samedi 28 mars, 40 patients graves et intermédiaires hospitalisés au CHU de Toulouse en font partie. Baptisé Discovery, cet essai doit permettre de tester des traitements contre le Covid-19 : l'hydroxychloroquine mais aussi le remdesivir, et le lopinavir associé au ritonavir.
 

Des traitements déjà utilisés au cas par cas

"Mais dans l'intérêt des patients on peut traiter au cas par cas hors protocole et hors essai clinique," explique Pierre Delobel.
"Ce sont des prescriptions que l'on appelle hors AMM (Autorisation de Mise sur le Marché, ndlr) donc sous la responsabilité des médecins. On pèse le pour et le contre. C'est très encadré car le HCSP (Haut Conseil de la Santé Publique, ndlr) a émis des directives."

L'hôpital de Toulouse n'a donc pas attendu le lancement d'une étude pour utiliser ces traitements expérimentaux.

Pour les patients graves, des réunions sont organisées tous les matins en réanimation avec les infectiologues et les réanimateurs. Des traitements dits adjuvants type hydroxychloroquine ou lopinavir sont choisis en respectant les contre indications et en tenant compte des antécédents du malade.

Mais ces traitements utilisés pour certains cas graves de coronavirus ne peuvent pas être généralisés selon Pierre Delobel. "Ce qui a été évoqué, de dire tout le monde sous hydroxychloroquine en ville ce ne sont pas les recommandations nationales. Et c'est plus prudent à juste titre. Avec le niveau de preuve que l'on a, un usage (de l'hydroxychlorquine) pour des cas bénins en médecine de ville ne nous parait pas justifié." 

Il ne faut pas oublier que l'hydroxychloroquine peut avoir des effets secondaires notamment cardiaques. Ce n'est pas tout a fait anodin même si on connaît bien cette molécule depuis longtemps. Il faut donc trouver le bon équilibre sans tomber dans les excès d'un traitement non contrôlé non justifié qui risquerait de causer plus de tort que de bénéfice. 


L'efficacité de l'hydroxychloroquine n'est pas certaine

Pierre Delobel souligne le manque de preuves de l'efficacité de la molécule. "Avoir une activité in vitro ne veut pas dire que l'on a une activité in vivo", explique le spécialiste des maladies infectieuses.

Il cite deux exemples. Il rappelle d'abord l'épidémie de Chikungunya il y a une dizaine d'années. L'utilisation de l'hydroxychloroquine marchait très bien in vitro (en laboratoire) mais dans les essais cliniques "il y avait un effet paradoxal d'aggravation complètement inattendu. Et finalement pour les patients en phase aigue du chikungunya, les effets de l'hydroxychloroquine étaient négatifs."

Pierre Delobel cite également le cas d'une étude similaire à celle du professeur Raoult de Marseille. Un essai qui a été fait par l'université de Shangaï sur une trentaine de patients (comme à Marseille). Mais cette étude chinoise a été randomisée.

Les patients qui ont eu l'hydroxychloroquine ou ceux qui ont eu le placébo ont été tirés au sort ce qui n'était pas le cas dans l'étude de Marseille et en terme de méthodologie c'est beaucoup plus rigoureux. Et il n'y a eu aucun effet de l'hydroxychloroquine versus placebo. 


Soucieux de ne pas rejeter d'office la piste de l'hydroxychloroquine, Pierre Delobel explique qu'il veut juste pondérer. L'efficacité du traitement doit être confirmée. Les premières évaluations de patients de l'étude Discovery vont commencer après 15 jours de traitement, aux alentours du 5 avril.
 
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