C'est un cri d'alerte, un appel désespéré. Le personnel du Centre Départemental de l'Enfance et de la Famille de Toulouse est en souffrance face au manque de capacité de la structure et aux enfants de plus en plus dangereux. Epuisés, lassés par une mise en danger permanente, les employés manifestent pour que les pouvoirs publics prennent les mesures nécessaires.
Ce mardi 21 mars, une quarantaine de personnes se sont retrouvées comme la veille devant le Centre Départemental de l'Enfance et de la Famille (CDEF) à Toulouse. Cet établissement qui accueille plus de 200 jeunes en difficulté est en surcharge avec un personnel au bout du rouleau.
Coups de poing, strangulations, morsures, insultes
C'est un centre d'urgence -le seul à Toulouse- qui s'occupe des enfants en difficulté, dès le premier jour jusqu'à leur 18 ans. Il accueille, évalue et oriente ces jeunes dont les troubles relèvent souvent de la psychiatrie.
Depuis plusieurs années, le personnel s'épuise, le nombre d'enfants augmente et les agressions se multiplient. "Nous avons toujours eu des cas complexes mais là, il y en a beaucoup trop. Tous les jours des violences éclatent, les coups partent, on se fait griffer, cracher dessus, insulter... Parce que aussi il y a de la violence entre eux et que nous n'avons plus les moyens d'éviter ça."
Un constat confirmé côté CHSCT : "Il n'y a pas un seul jour où un éducateur ne prend pas sur la figure, des strangulations, des outils qui volent. Ce n'est plus possible. Le personnel n'est plus protégé et notre métier n'a plus de sens."
Depuis hier lundi 20 mars 2023, les manifestations se déroulent de 14h à 17h devant le CDEF.
Selon le syndicat Sud, le CDEF de Toulouse compte 227 places pour 400 agents, ce qui le situe dans une bonne moyenne. Ce foyer d'urgence est ouvert 7j/7 et 24h/24. "Nous sommes obligés de prendre tout le monde mais ensuite on ne doit pas les garder plus de 3 mois. Certains enfants sont là depuis 3 ans !, reconnaît un élu du personnel.
Les employés comme les enfants sont en surchauffe, épuisés, sans solution durable. "On a le sentiment de ne pas être considéré. Certains intérimaires restent 2h et puis s'en vont tellement la situation est insupportable", affirme cette manifestante.
Un constat qui s'aggrave et des solutions qui manquent
Pour les résidents les plus jeunes (de 0 à 3 ans), il y a seulement 24 places. Mais les bébés sont bien plus nombreux, 31 selon une syndicaliste. A ceux-là s'ajoutent des cas graves qui relèvent de la psychiatrie, différentes formes d'autisme, des enfants sans repère.
Au bord du burn-out, certains employés se retrouvent en arrêt de travail, la police intervient plusieurs fois par jour, avec le SAMU. "Tous les jours il y a des accidents de service. Certains n'osent même plus signaler ce qui leur arrive tellement c'est devenu banal."
Le personnel est démuni. Il est censé trouver des solutions, y compris pour ces cas extrêmes. Tout est à flux tendu et les portes de sortie se font rares. Il n'y a plus assez de structures pour orienter ces enfants. Résultat : ils croupissent dans le CDEF. Le centre est là pour faire du social; pas du sanitaire ou des soins.
Ce que reconnaît le Conseil départemental (qui chapeaute le CDEF) dans un communiqué envoyé à France 3 : "Des enfants qui nécessitent des soins importants et adaptés ne sont pas pris en charge ou dans des délais trop longs, ce qui génère des inégalités sociales de santé, des pertes de chance pour ces enfants et vient accroître les troubles psychiques. Ces situations mettent à mal les agents du CDEF qui ne sont pas des professionnels du soin."
A plusieurs reprises, certains membres du personnel ont été reçus. Le Conseil Départemental précise que :
Depuis l’été 2022, le CDEF rencontre une suractivité importante avec des profils d’enfants de plus en plus complexes. Sur 230 enfants accueillis :
- 50 % des situations nécessiteraient une évaluation médicale préalable à la mise en place de soins plus spécifiques ;
- 25 % de situations relèvent du champ médico-social ou sanitaire (déficiences, troubles du spectre autistique, reconnaissance du handicap).
Une réunion avec le parquet des mineurs était prévue ce mardi 21 mars pour envisager des réponses conjointes pour ces jeunes.
Un autre centre d'accueil d'urgence a été mis en place à Saint-Gaudens (Haute-Garonne). Il serait en proie aux mêmes difficultés selon les syndicats.