Le 17 mars dernier la France était soumise à un confinement strict. Un virus mortel venu de Chine allait bouleverser nos vies, nos économies. Un an plus tard, des citoyens reviennent sur cette période inédite.
Le 16 mars 2020, Emmanuel Macron, le président de la République prenait la parole devant des millions de Français. Il annonçait le début d'un confinement strict qui ne disait pas son nom.
Les écoles, collèges, lycées étaient déjà fermés. L'économie se mettait à l'arrêt. Les hôpitaux devaient se vider. Il fallait endiguer l'épidémie de Covid-19 "quoiqu'il en coûte".
Un an après, l'épidémie est encore là, la perspective d'un nouveau confinement n'est pas à exclure. L'une de nos équipes a recueilli les témoignages et les ressentis d'un éboueur, d'une infirmière et d'une professeure des écoles il y a un an.
Loic Deceuninck, 35 ans éboueur à Revel (Haute-Garonne)
"On s'est adapté, on n'avait pas le choix. On était en première ligne."
" Je me rappelle qu'au moment de l'annonce du confinement, on était surtout perdu. On ne savait pas comment on allait travailler, collecter les ordures sans prendre de risque. On a travaillé très vite différemment, on essayait de rester à l'extérieur de la cabine du camion benne pour ne pas se retrouver trop près les uns des autres.
On a été très vite équipé de masques FFP2. Il nous fallait manipuler les poubelles doucement pour éviter les amas de poussières et éviter de se faire contaminer.
Il y a eu toute une période où on ne savait pas combien de temps le virus restait sur les objets, 24 h? 8 h ? Ne sachant pas, on prenait beaucoup de précautions avec les poubelles, c'était compliqué.
On a eu ce sentiment d'apocalypse au début, on se retrouvait seul à 7 h du matin alors que d'habitude les gens partaient au travail. Cela faisait peur de ne voir personne. Et on avait sans cesse cette crainte de ne pas savoir où était le virus.
Pour moi c'était une évidence de continuer à travailler étant un service à la personne. Surtout qu'avec le confinement, il y a eu une forte augmentation des déchets puisque les gens étaient tout le temps à la maison.
Quand on rentrait chez nous, on avait peur de transmettre le virus. On a fait comme certains corps de métiers, on prenait notre douche au travail et on se changeait avant. Et on se redouchait à la maison. Il y avait un rituel à prendre.
Mais on s'est adapté, on n'avait pas le choix. On était en première ligne en quelque sorte. Cela nous a mis en valeur. On avait un but on s'est rendu compte qu'on rendait vraiment service aux gens. D'ailleurs ils nous faisaient coucou à travers leurs fenêtres, on a aussi reçu des petits mots d'enfants sur les poubelles pour nous encourager.
C'est vrai qu'éboueur ce n'est pas valorisant à la base mais avec la Covid les gens ont pris conscience de l'importance de notre métier. On a eu plus de sourires, les gens nous remercient encore. Et cela fait du bien.
Cela fait un an désormais, on a pris nos habitudes, des gestes, des réflexes. Beaucoup de choses ont changé. On ne sait pas où on va puisque ce n'est pas fini. La vie normale n'est pas encore revenue.
Ce qui me manque le plus, c'est la liberté, d'aller pouvoir faire un foot avec mes enfants le soir ou de pouvoir voir mes parents sans me poser de questions. "
Aurore Viguié, infirmière libérale à Couffouleux (Tarn)
"Nous n'avions pas été suffisament préparé. On s'est retrouvé démuni."
" Ca a été un peu brutal quand l'épidémie est arrivée. Nous n'avions pas été suffisament préparé. On s'est retrouvé démuni. On n'avait pas assez de matériel nécessaire pour se protéger nous même, protéger nos patients. Pas de masques, pas de blouses. On a fait appel à beaucoup de dons et de générosité de beaucoup de personnes dont des garagistes, des mairies. Pour trouver des restes de masques. Notre équipement n'était pas aux normes.
Il a fallu qu'on aille chercher nous mêmes les informations. Heureusement qu'on s'est entreaidé. C'est comme ça que l'on s'en est sorti. On a fait avec nos connaissances, liées à nos diplômes. On essayait de faire au mieux. C'est pas normal, il y a eu un gros décalage entre les infirmiers en hopital et ceux dans le libéral surtout dans le rural.
Le problème ça a été les ruptures de stocks, sur les masques, les gants, les blouses, les sur-blouses et on n'a pas eu d'aides financières au début.
Quand le confinement a été annoncé, on n'a pas été surpris. On était à taton, les soirs, les tournées on était seuls dans la ville. Ca a été difficile à supporter avec les nouvelles normes sanitaires à mettre en place, il fallait faire attention à tout.
On était le seul lien avec les patients, ils ne pouvaient pas voir leurs familles. Heureusement cette période très compliquée n'a pas duré trop longtemps, après on s'est senti soutenu par les pouvoirs publics, on a enfin reçu les masques et le matériel nécessaire pour travailler. Heureusement nous sommes restés très solidaires."
Patricia Rouquette, 46 ans, professeur des écoles à Plaisance-du-Touch (Haute-Garonne)
"Je ne pensais que cela prendrait une telle proportion à savoir un confinement."
" Moi au début de l'épidémie, je n'étais pas très inquiète, j'attendais de voir. Je ne pensais que cela prendrait une telle proportion, à savoir un confinement. Mais quand on a su que les écoles allaient fermer le jeudi soir pour le lundi, ça été un choc. On n'avait que le vendredi pour l'annoncer aux élèves et trouver une organisation.
J'avais l'impression d'être dans un film de sciences fiction, que ce n'était pas réel. Dans mon optimisme j'ai dit aux élèves qu'on devrait se revoir avant les vacances de Pâques. Et j'en étais convaincue. Je ne pensais pas que ca durerait deux mois.
Ce qui est délicat avec des enfants s'est d'expliquer une situation tout en leur donnant de l'espoir, sans les inquiéter, recevoir leurs inquiétudes et rebondir. Bref c'était l'incertitude totale, quelque chose qui n'était jamais arrivé. On ne savait pas quelles réponses apporter aux enfants ce fameux vendredi.
Les enfants étaient assez sidérés, comme on l'était tous, beaucoup à l'écoute de nos paroles. Du coup on pouvait les guider en étant mesuré, factuel, en gardant espoir. Je sentais beaucoup d'enfants avides de ce que je pouvais leur communiquer.
A l'école, on a organisé très vite des photocopies, un blog pour préparer le travail des élèves à la maison. Nous savions que nous aurions une page par niveau. Le travail serait diffusé sur ce blog.
On savait où on allait, mais très vite, on a été devant toute la difficulté de la situation. Là on ne pouvait donner que l'exercice papier aux enfants, ce qui est beaucoup difficile pour eux. En classe, ils apprennent autrement. Ils synthétisent.
On peut dire que pendant ce confinement, il y a des choses qui ont bien fonctionné, d'autres moins. Les parents ont bien joué le jeu malgré le télétravail, c'était pas évident pour eux. On a fait beaucoup d'efforts pour s'adapter avec des codes couleurs par exemple sur certains devoirs. On a eu nous aussi un effort d'adaptation à faire. Mais les enfants ont aussi eu à coeur de s'y mettre.
En revanche, il y a eu des décrochages c'est indéniable. Chaque décrochage est dramatique. Néamoins les enfants se sont beaucoup accrochés et il y a eu plus de belles histoires que de dramatiques.
On avait des tours de garde entre professeurs pour recevoir les enfants de personnel soignant sur la base du volontariat. Et ça s'est très bien passé sur ma commune. Moi je l'ai fait par souci civique, mais je ne l'ai pas fait de gaieté de coeur car il y avait beaucoup d'incertitudes autour des consignes sanitaires, quelque soit notre vigilance on ne pouvait pas faire respecter toutes les règles.
La reprise, elle, a été difficile, parce qu'on a repris sans consignes le jeudi pour le lundi. Moi je voulais reprendre mes élèves mais c'était inconfortable. On a repris, on n'avait pas le choix mais j'ai mal vécu cette reprise.
Même en demi groupe on n'avait aucune donnée sur les contaminations, ça restait impressionnant parce qu'on n'était que 12 par classe, alors qu'aujourd'hui on est à nouveau 30 !
Ce qui est incroyable avec les enfants, c'est leur faculté d'adaptation. A la fois ils en ont assez du masque, parfois c'est pénible de leur demander de le remettre, en même temps ils s'en accomodent très bien et très vite.
Ils apprennent à vivre avec, l'ont intégré et c'est aussi grâce à eux que ça devient simple en classe. Comme se mettre du gel sur les mains, c'est rentré dans leur habitudes. Ca fait désormais partie de notre train-train quotidien. "
Soignants, commerçants, employés de supermarché, artistes, élus ou encore parents : nous les avions rencontrés il y a un an. Aujourd’hui ils nous racontent leur année Covid. Pour les découvrir, cliquez sur un point, zoomez sur le territoire qui vous intéresse ou chercher la commune de votre choix avec la petite loupe.