Depuis plusieurs semaines, magistrats et avocats se relaient pour dénoncer la situation chaotique du tribunal judiciaire de Toulouse. Manque de juges, arrêts maladie, dossiers en suspens et délinquance en forte hausse... Les professionnels de la justice réclament plus de moyens.
"La situation n'est pas glorieuse. Notre justice souffre d'un vrai problème structurel d'effectifs en France. C'est pire à Toulouse". Le président du tribunal judiciaire de Toulouse est désabusé. Accompagné du procureur de la République, Xavier Pavageau a tenu à rappeler ce 2 février 2023, l'état catastrophique de l'appareil judiciaire dans la ville rose.
Manque de juges, arrêts maladie, congés maternité non remplacés
Le moral du personnel du tribunal ne va pas fort. Tous les services sont impactés mais certains pâtissent plus que d'autres. Au tribunal des enfants, sur les 8 juges en poste, 2 sont en arrêt maladie pour épuisement professionnel. En même temps, les dossiers s'accumulent. Depuis la pandémie de Covid, les cas d'enfants en danger dans leurs familles sont en forte augmentation. 4303 dossiers sont en cours et 537 familles sont suivies par chacun des juges. Le service dédié aux victimes est en grande difficulté. Les audiences pour le calcul et le versement des indemnisations sont suspendues depuis six mois.
Un juge d'application des peines est également absent sans être remplacé. Et la situation est d'autant plus préoccupante que l'activité judiciaire ne cesse d'augmenter avec une délinquance et une criminalité en hausse. On compte 19.580 atteintes aux personnes en 2022 alors qu'il y en avait moins de 10.000 en 2019.
En 2022, plus de 100.000 procès-verbaux sont arrivés au parquet de Toulouse. Des dossiers que ne peut plus absorber le tribunal. À titre d'exemple, le territoire du ressort du tribunal judiciaire de Toulouse a deux fois moins de juges par million d'habitants que celui de Marseille. À Toulouse, ils sont 75 juges alors qu'à Marseille ils sont 133.
Des affaires non traitées
Les conséquences pour les justiciables sont catastrophiques.
Les plaintes du quotidien ne peuvent pas être traitées. Les délais sont trop longs. On est obligés de faire des choix.
Samuel Vuelta Simon, procureur de la République de Toulouse
Le chiffre donne le tournis : 55.000 procédures sont en attente de traitement. Cette accumulation ne date pas d'hier. Mais pour faire face à tous ces dossiers en suspens, le procureur de la République a décidé de déstocker. "2000 petites affaires ont été classées sans suite sans même faire l'objet d'une enquête. Il s'agit de faits trop anciens, où l'auteur n'a pas été identifié, comme des délits de fuite sur des accidents de la circulation ou des cambriolages".
Comment en est-on arrivé là ?
Depuis de nombreuses années, Toulouse et son agglomération connaissent une forte croissance démographique. La ville dépasse le million d'habitants. L'activité judiciaire y est donc logiquement en augmentation.
On paye le retard historique de l'image de ville de province paisible. Contrairement à d'autres grandes métropoles françaises en plein développement, comme Nantes ou Bordeaux, les effectifs de la justice toulousaine n'ont pas suivi.
Xavier Pavageau, président du tribunal judiciaire de Toulouse
Demande de renforts
Pour éviter que le bateau ne coule, il y a urgence. Le président du tribunal judiciaire et le procureur de la République demandent le renfort rapide de ressources humaines. "Pour atteindre un niveau satisfaisant, le tribunal de Toulouse a évalué ses besoins entre 30 et 45 juges supplémentaires au siège et 7 magistrats supplémentaires au parquet."
Début janvier, le ministre de la Justice avait dévoilé son "plan d'action" pour la justice avec notamment la création de 10.000 emplois, dont 1500 magistrats, sur les quatre prochaines années. Eric Dupond-Moretti déposera ainsi au printemps un projet de loi de programmation pour "sanctuariser" ces promesses d'embauche. A Toulouse, le tribunal espère faire partie des tout premiers bénéficiaires.