La cour d'appel de Paris examinait ce vendredi le maintien en détention d'Abdelkader, le frère Mohamed Merah l'auteur des sept assassinats de Toulouse et Montauban. la chambre de l'instruction rendra son arrêt mardi à 14h
Abdelkader Merah avait fait appel d'une ordonnance rendue le 13 mars par une juge des libertés et de la détention (JLD) qui le maintenait en prison, où il est depuis plus de deux ans. le frère de Mohamed Merah est mis en examen pour "complicité d'assassinats, association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes de terrorisme et vol en réunion" après l'assassinat par le tueur au scooter de 7 personnes dont 3 enfants à Toulouse et Montauban en mars 2012.
La chambre de l'instruction doit rendre son arrêt mardi à 14H00.
Le long monologue d'Abdelkader Merah
Cheveux mi-longs ramenés en arrière dans un catogan, barbe taillée à la manière salafiste, vêtu d'un maillot de football, celui qui est à l'isolement depuis son arrestation il y a plus de deux ans, a écouté lors d'une audience à huis clos la plaidoirie de son avocate, celles des parties civiles, et l'avocat général, hostile à toute libération conditionnelle.
Puis, Abdelkader Merah s'est levé pour prendre la parole en dernier, et a commencé par réciter une longue sourate du Coran, s'attirant les remontrances de la cour, selon des avocats présents à l'audience. Il a ensuite entamé un monologue d'environ une heure, évoquant la "justice d'Allah", la seule qu'il reconnût, selon des participants. Parfois confus, il s'en est pris à celle des hommes, cette "pseudo-justice" qui lui a refusé de se rendre "sur la tombe de (son) petit frère".
Il a réfuté toute participation aux crimes de Mohamed Merah qui n'est "pas un héros" à ses yeux. Quant à savoir si son frère est "un martyr", seul le Prophète peut le dire, a-t-il argumenté. Il a expliqué qu'il condamnait désormais les actes de son frère puisque des théologiens saoudiens venaient de le faire. Il a légitimé "le jihad avec des règles", sans les préciser, tout en semblant parfois prendre ses distances avec une action violente, ont encore rapporté des participants.
"Il nous a fait un prêche"
Et de conclure que s'il était à la place de la cour, il n'accorderait pas de libération conditionnelle car elle relancerait la douleur des proches des victimes de Mohamed Merah, ont assuré plusieurs avocats des parties civiles.
"Il nous a fait un prêche. S'ils n'ont pas la preuve de son endoctrinement après ça, je ne sais pas ce qu'il faut", a commenté une des avocates des proches des victimes, Me Samia Maktouf. A la sortie, tandis que leur client était reconduit en prison à Villepinte en Seine-Saint-Denis, les avocats d'Abdelkader Merah se sont refusé à tout commentaire.
Le rejet de la demande de remise en liberté du 13 mars
Pour s'opposer à la remise en liberté du frère aîné de Mohamed Merah, la magistrate insistait sur le risque de trouble exceptionnel à l'ordre public qu'un élargissement serait susceptible d'entraîner. Selon une source proche du dossier, elle relevait également dans son ordonnance le risque important de fuite, relevant que l'ampleur de la peine encourue pour complicité d'assassinats "pourrait l'inciter à se soustraire à la justice". La juge relevait qu'Abdelkader Merah avait des liens avec des personnes installées en Egypte et que son père vivait en Algérie.
Fin 2013, un JLD avait demandé une "étude de faisabilité" d'une mise en liberté conditionnelle, sous bracelet électronique, d'Abdelkader Merah qui s'est avérée négative. Une personne qui avait d'abord accepté de l'héberger, condition indispensable pour une libération conditionnelle, s'était finalement
désistée, selon des sources proches du dossier. Cette fois, selon une de ces sources, sa mère a proposé d'héberger Abdelkader Merah dans un petit logement qu'elle occupe désormais en Ile-de-France.
Les avocats des parties civiles se sont déplacés en masse pour s'opposer à une libération. "Abdelkader Merah réussit l'exploit de réunir sur sa tête tous les critères d'une détention provisoire", a lâché avant l'audience l'un d'eux Me Patrick Klugman. "Il y a des indices graves et concordants, des éléments à charge sur la complicité d'assassinats, qui sont suffisants pour le maintenir en détention", a renchéri Me Mehana Mouhou selon qui Merah ne présente "aucune garantie de représentation".
Pour Me Dhuiege, "rien dans le dossier" ne permet d'incriminer Abdelkader Merah dans les assassinats commis par son frère. Les enquêteurs cherchent à établir le rôle qu'aurait pu jouer Abdelkader Merah dans les crimes de son cadet, comme complice ou comme moteur de son embrigadement jihadiste.