Élections européennes 2024. Pierre-Marie Bonneau, visage de l'extrême droite radicale et marginale, rêvant d'un retour à la France "d'avant les années 70"

Tête de liste d'inspiration néofasciste aux élections européennes 2024, l'avocat toulousain Pierre-Marie Bonneau se lance dans la course avec le parti Les Nationalistes. Une candidature voulant profiter d’un climat "propice" aux idées d’extrême droite remettant en cause les valeurs européennes, prônant l'arrêt de l'immigration, la remigration ou l'abolition de l'avortement et du mariage pour tous.

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"Le score sera peut-être confidentiel, mais c'est l'acte symbolique de ceux qui voteront qui nous importe." Pierre-Marie Bonneau est tête de liste aux élections européennes 2024. Mais pas de n'importe laquelle. Celle d'un avocat du barreau de Toulouse (Haute-Garonne), militant nationaliste depuis ses plus jeunes années et qui s'est lancé dans la course au siège d'un Parlement européen qu'il exècre.

Le défenseur devant la justice de tous les militants d'ultra-droite de France fait place au chef de file de la liste "Forteresse Europe", liste nationaliste unitaire, soutenue par le parti Les Nationalistes, auquel Pierre-Marie Bonneau appartient depuis 2013. Un parti présidé par Yvan Benedetti, ancien leader de l'Œuvre française (OF), elle-même créée par Pierre Sidos, nostalgique du régime de Vichy, dont le père était collaborationniste.

Réinvestir l'espace public

Mener une liste aux Européennes, pour "sortir du ghetto audiovisuel", telle est la volonté de Pierre-Marie Bonneau. Il s'explique : "Les nationalistes ont été privés de toute visibilité depuis de nombreuses années, dans les médias et ailleurs. Nos manifestations sont interdites... nous sommes sortis de l'espace public et ces élections sont un moyen d'y entrer à nouveau, de parler à nos compatriotes."

C'est d'ailleurs ce qui étonne le plus dans cette candidature. Ce retour sur la scène politique démocratique, aux côté des 38 autres listes, sans que personne n'y trouve grand-chose à redire. Les idées défendues par l'avocat toulousain et ses colistiers ne laissent pourtant guère de place au doute quant à leur véritable intention : une "liste d'inspiration néo-fasciste qui conjugue rhétorique anti-immigration et allusions antisémites", comme la définit par exemple le site Conspiracy Watch.

Un programme réactionnaire

Au programme : une volonté de "remigration", avec l'arrêt des flux migratoires et l'annulation des accords de Schengen. Mais aussi la sortie de l'Union Européenne, le rétablissement du franc et la sortie de l'OTAN. Surtout, la liste souhaite réviser toutes les naturalisations depuis 1975 et abolir l'avortement et le mariage pour tous. Pierre-Marie Bonneau souhaite “que plus jamais une mère ne tue son enfant dans son ventre". Dans le même temps, il dénonce "le génocide en Palestine".

"L'histoire n'est jamais figée, assure Pierre-Marie Bonneau. Ce n'est pas parce qu'on donne un nouveau "droit" qu'il est bon pour l'ensemble de la population. Le mariage, par exemple, est la fondation d'une famille." Il déplore au passage le "diktat des minorités"Au sujet de l'annulation de la naturalisation, l'avocat précise : "Il s'agit d'abroger celle des personnes qui ne se sont pas intégrées, qui ne se sentent pas françaises. Je considère que ce serait méprisant, vis-à-vis des autres civilisations, d'imaginer que lorsqu'on émigre et qu'on franchit la frontière française, on laisse tomber et oublie l'entièreté de notre culture."

Aux côtés des Nationalistes et des Franquistes

Il suffit de se rendre sur le site internet Jeune Nation, principal relais des idées des Nationalistes, pour retrouver ces idées expliquées et diffusées. Pour Jean-Yves Camus, politologue spécialiste de l'extrême droite, les sujets et prises de positions qui y sont présentés "se rapprochent beaucoup de l'apologie du nazisme. Cela va bien au-delà du simple éloge du Maréchal Pétain, c'est plus radical." Pierre-Marie Bonneau s'en défend : "Je ne suis pas un Allemand de 1933, mais un Français de 2024. Je ne peux donc pas être nazi."

Mais cela ne l'empêche pas d'organiser le 9 mai dernier à Paris, comme le rapporte le site Streetpress, "une réunion publique en présence de Manuel Andrine, chef de la Falange, parti politique espagnol poursuivant les idées du parti unique de l’Espagne franquiste, pour présenter sa liste."

Les propos de Pierre-Marie Bonneau restent très policés et ne franchissent jamais la ligne rouge. "C'était un garçon charmant, raconte Jean. Très intelligent et cultivé. Mais avec des idées abjectes" juge cet ancien étudiant syndicaliste de gauche, qui l'a connu au tout début des années 90 à la faculté de droit de l'Université Toulouse Capitole. Il décrit la manière dont Pierre-Marie Bonneau avait ses quartiers dans un bar derrière la fac, un "repère des fachos". Spécialiste de la Seconde Guerre mondiale et de l'occupation, "période qu'il chérissait", il était un peu "l'éminence grise de l'extrême droite locale."

 

Au sein du GUD, le jeune Pierre-Marie a déjà des positions radicales, qu'il sait livrer "en restant dans l'ambivalence, toujours sur le fil du rasoir", explique Jean. Il se questionne, notamment : "Comment aurait-on pu tuer autant de gens dans les chambres à gaz ?" Des années plus tard, Jean le croise à nouveau. Pierre-Marie Bonneau est devenu avocat et plaide la cause de sans-papiers. Il lui confie : "Si je les fais régulariser, ils violeront nos femmes, commettront des délits et nous accéderons alors au pouvoir".

Nostalgique d'une France avant la décolonisation

La tête de liste de "Forteresse Europe" en est persuadée, le climat actuel est favorable à la réception de ses idées. "La population française doute profondément de la légitimité de son gouvernement, avec les confinements et le vaccin, on n'a jamais vu de telles mesures liberticides." Un constat que démonte Jean-Yves Camus. "Même s'il y a des Français qui souhaitent l'arrêt de l'immigration, cela ne signifie pas qu'ils sont antisémites ou qu'ils cautionnent des idées nazies", déclare-t-il.

Aujourd'hui, selon Jean-Yves Camus, Les Nationalistes ne compteraient que quelques centaines de militants, "sûrement moins de 500", dans toute la France. Pour le politologue, codirecteur de l'Observatoire des radicalités politiques à la Fondation Jean Jaurès, cette "candidature témoignage" de "Forteresse Europe" peut, certes, leur apporter de nouveaux militants, mais surtout "elle montre qu'il y a, à l'extrême droite, des gens qui ne font pas de la politique pour le pouvoir, mais pour la fidélité. Ils savent que leurs idées sont minoritaires et marginalisées." Surtout depuis que "Reconquête s'est placé à la droite de Marine Le Pen, sur la question de l'immigration, souligne-t-il. Il y a autant de distance entre Éric Zemmour et Pierre-Marie Bonneau, qu'entre Raphël Glucksman et Éric Zemmour." Difficile de faire plus à droite. 

D'ailleurs, le RN et Reconquête semblent bien trop mous, trop tièdes pour le candidat nationaliste. À la simple évocation d'un possible ralliement à Jordan Bardella ou Marion Maréchal, sa réponse est sans équivoque. La normalisation du RN de ces derniers mois ne passe pas. "Je regrette l'époque et la vision de Jean-Marie Le Pen, confie l'avocat. Nous disons ce que les Français pensent tout bas. Nombre d'entre eux souhaitent que l'immigration cesse, mais ces partis-là ne leur proposent que des demi-solutions." Car le but est clair : revenir à la France "d'avant les années 70, homogène". La France d'avant la décolonisation, celle que Pierre-Marie Bonneau fantasme comme plus blanche.

Retrouvez les 38 listes en lice pour le scrutin du 9 juin pour les élections européennes 2024 sur le site de France Info.

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