8 mois après le décès de cinq personnes âgées, résidentes de l'Ehpad de Lherm en Haute-Garonne, les soupçons des familles se vérifient. Les résultats des expertises confirment des manquements dans le respect des règles d'hygiène et de sécurité au sein de l'établissement, nous apprend France Bleu.
"De multiples manquements aux règles d'hygiène et de sécurité", c'est ce que révèlent les expertises menées après l'Ehpad de Lherm, selon l'avocat de la famille d'une résidente décédée, joint par France 3.
Le 31 mars dernier, 26 résidents de cet établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes avaient été malades après le repas du soir. 5 d'entre elles étaient décédées. L'enquête s'était rapidement orientée vers une intoxication alimentaire. Les rapports d'expertises auxquels les avocats des familles ont eu accès en début d'été sont accablants pour la maison de retraite.
"De graves manquements"
"Les expertises n'ont fait que confirmer ce que l'on soupçonnait déjà" explique ce jeudi Nicolas Raynaud de Lage, l'avocat de la famille d'une résidente décédée. "Il y a eu une rupture de la chaîne du chaud et une rupture de la chaîne du froid. Les protocoles n'ont jamais été respectés. Les règles d'hygiène en cuisine ne l'étaient pas non plus" explique encore l'avocat.Ces défauts d'hygiène et ces manquements avaient déjà été évoqués en mai dernier, lorsque le juge d'instruction avait reçu les familles de victimes. Ils semblent donc confirmés par les rapports d'expertise. Leur détail est accablant : "en cuisine, il n'y avait pas de lavage systématique des mains, pas de port systématique de blouse ou de charlotte au moment de la préparation des repas, pas de nettoyage systématique des ustensiles ou des récipients...." détaille maître Raynaud de Lage. "Il n'y a avait pas de matériel adapté : l'échelle qui doit permettre le maintien des plats à la bonne température lorsqu'ils sortent de la cuisine ne comportait pas de bain-marie, cette rupture de la chaîne du chaud a généré la prolifération de bactéries."
L'avocat souligne par ailleurs que l'Ehpad avait déjà fait l'objet d'un rappel à l'ordre des services sanitaires et que le matériel devait être commandé.
La liste des manquements est longue, selon Nicolas Raynaud de Lage qui souligne également le manque de personnel : "lorsqu'un membre du personnel est malade, dans une maison de retraite, il doit normalement exercer un droit de retrait. Ce n'était pas le cas au Lherm car il n'y avait pas assez de personnel. Alors, les salariés venaient travailler quand même, et ils mettaient un masque".
Il explique aussi la colère des familles, à la lecture de ce rapport d'expertise :
Ce n'est pas une question de confort, ce n'est pas du superflu. C'est du minimum vital. S'il n'y a pas cela, on expose les résidents à de graves problèmes de santé. Ici, on a des économies de bout de chandelle qui aboutissent à la mort de personnes.
"On n'a toujours pas de réponse"
On est beaucoup moins à vif que le premier jour mais c'est très long. On n'a toujours pas de réponse.
Céline Couvoisier a perdu sa maman dans ce drame. Avec son frère et sa soeur, elle s'est constituée partie civile. "On aimerait que ça aille plus vite" dit-elle. "Nous étions au courant dès le début que ce serait très, très long. L'enquête a déjà mis en évidence de gros manquements. Qu'est-ce qui se passe par rapport à ces manquements ? Est-ce qu'on pourrait avoir des garanties que ça a été rectifié au sein de la structure ?"
"Le propos d'une partie civile"
Le groupe Korian, propriétaire de la maison de retraite, refuse ce jeudi de répondre point par point à ces accusations : "ces propos sont ceux d'un avocat, d'une partie civile. Ils n'engagent qu'elle." indique-t-il. "L'enquête est toujours en cours d'instruction et c'est elle seule qui pourra apporter les réponses dont les familles, le groupe Korian et la communauté de la Chêneraie ont besoin".Le groupe Korian est déterminé plus que jamais à comprendre les causes exactes qui ont conduit à cette situation exceptionnelle et tragique.
Le porte-parole du groupe indique que dès le rachat de la maison de retraite à la mi-février, six semaines avant le drame, un ensemble d'audits avait été mené par des experts indépendants. Audits qui n'avaient révélé aucun dysfonctionnement, souligne-t-il.
Le reportage complet d'Odile Debacker et Jack Levé :