La mission de la sonde européenne Rosetta, va s'achever vendredi. Ce sera la fin d'une épopée spatiale décidée il y a 23 ans, un voyage au long cours de près de 7 milliards de km, semé d'embûches et de surprises, qui aura mobilisé pendant toutes ces années 14 pays européens avec les États-Unis.
Ses heures sont comptées : après avoir escorté pendant plus de deux ans la comète Tchouri, la sonde européenne Rosetta va se laisser tomber sur son noyau vendredi. Dans cet ultime baiser à la comète, elle rejoindra ainsi le petit robot Philae pour l'éternité. L'Agence spatiale européenne mettra ainsi fin de façon spectaculaire à un conte de fée spatial qui aura réussi pendant 12 ans à intéresser un large public et permis d'engranger d'importantes données scientifiques.
Une mission pour mieux comprendre la formation du système solaire
Décidée en 1993, la mission Rosetta visait à mieux comprendre la formation du système solaire. Cet orbiteur lancé en 2004 et son robot-laboratoire Philae, auront permis une moisson de données scientifiques et notamment d'avancer de façon significative dans la connaissance des comètes, ces objets les plus primitifs du système solaire, apparus il y a 4,5 milliards d'années. L'une des missions de la sonde, c'était de comprendre le rôle que ces petits corps du système solaire ont pu jouer ou pas dans l'apparition de la vie sur Terre.Des avancées sur la connaissance des comètes
Les ingénieurs de la mission s'étaient préparés à faire atterrir le robot Philae sur le noyau d'une comète ayant la forme d'un ballon de foot américain. Mais quelques mois avant l'opération, ils ont réalisé qu'elle avait tout d'un "canard de bain" avec une petite tête, un gros corps et un cou fissuré.L'eau : une grande surprise pour les scientifiques
Autre grande surprise : les chercheurs ont découvert que la signature atomique des molécules d'eau captées dans les émanations de la comète Tchourioumov-Guérassimenko (dite aussi Tchouri ou 67P) était très différente de celle se trouvant sur la Terre. L'eau de nos océans ne provient donc pas de la famille des comètes de Jupiter à laquelle appartient Tchouri. La Terre ayant perdu son eau primordiale après avoir subi des impacts géants dont celui de la Lune, il a fallu que la Terre récupère "une eau de deuxième génération", rappelle Francis Rocard.Avant Rosetta, les scientifiques considéraient que cette eau avait pu résulter des bombardements de la Terre par des comètes, riches en eau ou des astéroîdes, nombreux mais moins pourvus d'eau. Avec ces résultats, "l'affaire se complique", note Francis Rocard. "Nous devons conclure que l'eau terrestre a été plus probablement apportée par des astéroïdes que par des comètes", avait dit Kathrin Altwegg de l'Université suisse de Berne, en présentant ces résultats.
De la glycine sur Tchouri
En revanche Rosetta a découvert sur la comète de la glycine, le plus petit des acides aminés, qui est un ingrédient essentiel à la vie sur la Terre. Les acides aminés sont les éléments constitutifs des protéines. Cette découverte est un résultat "très important" car c'est la première fois que l'on détecte de façon certaine de la glycine dans l'atmosphère d'une comète, souligne Francis Rocard. Les comètes, qui sont les objets les plus riches en carbone, en bombardant la Terre, ont dans doute ensemencé ses océans avec ces acides aminés, analyse-t-il.De l'oxygène moléculaire imprévu
Rosetta a trouvé de l'oxygène moléculaire (02) en abondance dans l'atmosphère de Tchouri, une "surprise totale" pour les scientifiques. C'est la première fois que l'on trouve du dioxygène, plus couramment appelé oxygène moléculaire - dans une comète. Les scientifiques pensent qu'il vont devoir réviser leurs modèles actuels sur la formation du système solaire, car pour le moment, ils ne prévoient pas la présence d'oxygène sous cette forme dans une comète.L'absence de champ magnétique
Autre source d'étonnement: le noyau de la comète n'a pas de champ magnétique. Si 67P est représentative des noyaux cométaires, il est improbable que les forces magnétiques aient joué un rôle dans l'accumulation de corps rocheux de plus d'un mètre qui ont participé à la formation des planètes, soulignent les scientifiques. Ces résultats pourraient les obliger à revoir une théorie clef sur la formation des comètes et d'autres corps du système solaire.Un travail considérable
Les données accumulées par Rosetta vont donner du travail aux scientifiques pendant encore plusieurs années. "Au début, j'avais dit, usant une métaphore, que Rosetta serait la clef qui permettrait d'ouvrir le coffre au trésor recelant les secrets du système solaire", souligne Mark McCaughrean, responsable scientifique à l'ESA. "Nous avons trouvé la clef, elle est au sol et en morceaux. Il nous faut à présent recoller la clef avant de pouvoir ouvrir le coffre".Retour sur l'épopée de Rosetta avec Juliette Meurin
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