Guerre en Ukraine. La sobriété énergétique peut-elle être une arme contre la Russie ?

Et si réduire notre consommation énergétique pouvait influencer le cours de la guerre en Ukraine ? C'est l'idée défendue par Christian Gollier, économiste et directeur exécutif de la Toulouse School of Economics.

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Tendre vers la sobriété énergétique pour affaiblir le gouvernement russe, c’est la position défendue par l’économiste et directeur exécutif de la Toulouse School of Economics, Christian Gollier. « Il faut rapidement se désintoxiquer des énergies fossiles importées depuis la Russie, soutient-il. Pour cela nous devons investir dans les énergies renouvelables, mais ces projets prennent du temps. » Et puisque le conflit en Ukraine est déjà en cours, l’économiste appelle les citoyens à agir immédiatement. « Nous devons utiliser toutes les armes à notre disposition et nous, en tant que citoyens, nous avons une possibilité : réduire notre consommation énergétique. »

Une arme économique

Pour Christian Gollier, l’économie est un levier primordial pour arrêter cette guerre. « La Russie est un État rentier, confirme Carole Grimaud Potter, professeure de géopolitique de la Russie à l'université de Montpellier. Le gouvernement a bâti une grande partie de son économie sur la production et commercialisation d’énergies fossiles. » Mais alors, que faire ? Selon Christian Gollier, un simple geste pourrait avoir un impact considérable : baisser la température de chaque foyer d’un degré. « Un degré de moins, c’est 7% de réduction de sa consommation. » L'économiste ne préfère pas donner une température moyenne à adopter car, à ses yeux, c’est à chaque citoyen de déterminer la portée de l’action qu’il mettra en oeuvre. « J’appelle depuis longtemps les Français à réduire leur consommation d’énergie pour protéger l’environnement. Maintenant, nous avons deux raisons, morales et éthiques, de le faire. »

Dépendance importante

Un problème demeure toutefois : l’inégalité des pays européens dans leur dépendance aux énergies russes. En France, le pétrole russe représentait 9,5% des achats brut en 2021. Un chiffre bien inférieur à l’Allemagne, dont la consommation de pétrole dépend à 36% de son fournisseur russe. Et pour que l’effet se fasse ressentir jusqu’en Russie, Christian Gollier le conçoit, cette baisse de la consommation doit dépasser la prise de conscience individuelle et s’étendre à toute l’Europe.

« Les Etats-Unis ont pris la décision d’arrêter toute importation de pétrole depuis la Russie, rappelle Christian Gollier. Maintenant les Européens doivent réaliser que réduire l’utilisation des hydrocarbures est la seule option pour se détacher de la Russie à leur tour. » En effet, difficile pour l’Union européenne de prendre une décision aussi drastique que les Etats-Unis. Mardi 8 mars, la Commission européenne a présenté un plan, « REPowerEU », visant à permettre à l’Europe de se passer totalement des hydrocarbures russes « bien avant 2030 ». Une date lointaine, puisqu’en Europe, plus de 40% du gaz et 27% du pétrole importés proviennent de Russie.

Influencer le cours mondial

« En baissant notre thermostat, nous influerons aussi sur le prix mondial des hydrocarbures, ajoute Christian Gollier. En deux ans, le prix du gaz naturel a été multiplié par huit ! Si nous faisons baisser la demande, les fournisseurs devront adapter leurs tarifs. » Pour faire dégonfler la bulle financière, un sacrifice serait donc nécessaire de la part des Français, et des Européens en général. « Pour le moment, la stratégie des gouvernements est de remplacer les énergies russes par des importations d’autres pays. Mais il faut avoir conscience que le prix ne sera pas le même, ce pétrole, ce gaz, seront plus chers », souligne Carole Grimaud Potter. « Les Français auront peut-être du mal à abandonner leurs habitudes, mais j’ai l’impression qu’une mobilisation se forme pour soutenir l’Ukraine et cela pourra faire changer les choses », conclut Christian Gollier.

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