Les réfugiés ukrainiens qui fuient la guerre sont de plus en plus nombreux à arriver en Europe. Selon plusieurs associations, le discours politique, longtemps hostile à l’accueil des réfugiés extra européens, tend à faciliter l’accueil des Ukrainiens, au détriment de migrants d’autres nationalités.
2 millions. Selon l’ONU, c’est le nombre de personnes ayant fui l'Ukraine depuis le 24 février dernier. Date à laquelle le président russe Vladimir Poutine a ordonné une invasion militaire dans ce pays qui comptait alors 44 millions d’habitants.
Pour faire face à l’afflux migratoire, l’Union Européenne a initié la création d’une protection temporaire destinée aux Ukrainiens, qui prévoit un droit au séjour d’un an, et qui peut être renouvelé par périodes de 6 mois durant 2 ans.
“Des centaines de milliers de réfugiés ukrainiens fuient le pays. Ils sont et seront accueillis au sein de notre Union. La France prendra sa part”, a déclaré début mars le président de la République Emmanuel Macron.
Depuis, le gouvernement français a annoncé la création d’un guichet pour orienter les réfugiés ukrainiens, une fois qu’ils arrivent sur le territoire. “L’accueil permet également, pour ceux qui en ont besoin, une orientation vers des solutions temporaires d’hébergement puis de logement”, indique la préfecture de Haute-Garonne ce jeudi 9 mars.
“C’est du jamais-vu”
Depuis 20 ans à Toulouse, Pierre Grenier s’occupe d’orienter les demandeurs d’asile à la Cimade, le Comité inter-mouvements auprès des évacués. En première ligne pour les aider dans les démarches administratives, Pierre Grenier reconnaît qu’un tel dispositif pour venir en aide aux réfugiés en France est “probablement du jamais-vu”.
Il y a beaucoup de cynisme dans ces discours. On ne les entend uniquement parce que c’est une crise aux portes de l’Europe
Pierre Grenier, délégué national de La Cimade Sud-Ouest
D’après lui, “on a des dispositifs qui n’ont jamais été mis en place auparavant” à destination de populations déplacées. “Je crois me rappeler qu’on a beaucoup encouragé l'accueil de migrants venus d’Albanie en Corse dans les années 2000, mais ce n’était pas du tout le même nombre de personnes. Il devait être une centaine”. Pour Pierre Grenier, “on fait face aujourd’hui à un discours politique qui vise à faciliter l’accueil des Ukrainiens”.
Les observations du Toulousain sont partagées par d’autres acteurs engagés pour l’accueil des migrants. Selon le site d’information spécialisé sur les migrations InfoMigrants, “les Ukrainiens accueillis à Calais ont pu profiter d’hébergements d’urgence, tandis que les autres exilés survivent dans des campements insalubres”.
“On n’est pas dupes”
Même s’il se dit heureux que tout soit mis en œuvre pour accueillir les populations ukrainiennes en France, Pierre Grenier déplore un certain “cynisme” de la part des personnalités politiques. "Ce sont les mêmes, qui nous ont dit qu’on faisait le jeu des passeurs, qui tiennent aujourd’hui des grands discours pour l’accueil des Ukrainiens”, constate-t-il.
L’exemple le plus récent est celui du maire de Béziers (Hérault) Robert Ménard. Ce sympathisant du Rassemblement National et soutien de Marine Le Pen à la présidentielle de 2022, est farouchement opposé à l’arrivée et l’installation de demandeurs d’asile en France. “J’ai dit, écrit, publié à Béziers un certain nombre choses au moment des combats en Syrie, en Irak et l’arrivée des réfugiés chez nous que je regrette, que j’ai honte d’avoir dit et fait parce que ce n’était pas bien”, a-t-il déclaré, ce 9 mars, à nos confrères de LCI.
“On n’est pas dupes”, commente Pierre Grenier. Selon lui, “il y a beaucoup de cynisme dans ces discours. On ne les entend uniquement parce que c’est une crise aux portes de l’Europe”.
Mieux accueillir toutes les nationalités
Si cette crise ukrainienne semble faire avancer la question du droit d’asile dans l’Union européenne, la Cimade tient à rappeler qu’elle accueille “quotidiennement des réfugiés qui viennent de Syrie, de Libye, d’Erythrée”.
Ce discours, on aimerait l’entendre pour toutes les autres nationalités.
Pierre Grenier, délégué national de La Cimade Sud-Ouest
“On verra bien combien de temps ça va durer”, commente Pierre Grenier. “Ce discours, on aimerait l’entendre pour toutes les autres nationalités. On aimerait que le droit soit respecté pour tout le monde”, commente-t-il.
