Guerre en Ukraine. "Si c’est russe, ils n’en veulent pas", à Toulouse, des commerçants se sentent discriminés

Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine le 24 février, les boutiques spécialisées dans la vente de produits russes souffrent de discrimination. Menaces, insultes et perte de clientèle plongent ces commerçants dans l’inquiétude.

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Le jour où la guerre a été déclarée en Ukraine, les gérantes du restaurant la Troïka Royale ont vu les annulations affluer. « Au début, nous n’avons pas réalisé ce qu’il se passait, raconte Susi Calhava. Puis, du jour au lendemain, on a perdu quasiment toute notre clientèle. »

Cette famille, une mère et ses deux filles, ont ouvert leur établissement en 2018, au coeur d’une rue passante de Toulouse. À la carte, des spécialités russes, ukrainiennes et, surtout, arméniennes, pays d’origine des trois femmes. « Avant, c’était original de présenter des plats de l’Est, les gens s’intéressaient à la culture russe », commente Susi Calhava. Mais avec le conflit, tout s’est inversé. « Maintenant, certains critiquent ouvertement notre restaurant lorsqu’ils passent devant. Ils disent que si c’est russe, ils ne viendront pas. »

Un stress permanent

Les gérantes ont été forcées d’arrêter leur service du midi, faute de clients. L’étonnement passé, l’inquiétude a pris le dessus. « Le week-end dernier, nous avons fait six couverts. Nous n’étions même pas sûres que cela vaille la peine de maintenir le restaurant ouvert », confie Susi. Mais sur les réseaux sociaux, les gérantes ont aussi reçu un grand nombre de messages de soutien, leur donnant la force de continuer. « Nous avons mis tant d’énergie à monter ce restaurant que ça nous brise le coeur, ajoute sa soeur, Eva. C’est énormément de stress, en particulier après la période Covid... »

À 14h, ce mercredi 9 mars, l’établissement est tristement vide. Toutefois Lionel, habitué des lieux, est là, accoudé au bar. Lui ne tournera jamais le dos au restaurant sous prétexte que des plats russes y sont servis, bien au contraire. « Un gouvernement ne représente pas la mentalité de tout un pays », martèle-t-il. Derrière le bar, les restauratrices s’affairent et prennent leur mal en patience, en espérant que la paix reviendra, ainsi que leur clientèle.

Des ventes en chute libre, c’est aussi le constat d’Irina Berezova, gérante d’une boutique d’objets de décorations russes depuis 2007. « J’avais une large clientèle, mais en ce moment, personne ne veut acheter mes produits. » Originaire de Russie, Irina Berezova a déjà connu des moments difficiles. Mais le manque de visibilité pour ces petits commerces rend la situation difficilement supportable.

Menaces téléphoniques

D’autres, comme Ana*, co-gérante d’une épicerie proposant des produits russes, ont aussi reçu des menaces. Un jour, un homme l’appelle pour lui ordonner de fermer son magasin et de quitter la ville. « Je n’ai pas compris ce qui le poussait à m’insulter. J’ai bien essayé de lui expliquer que je suis contre cette guerre, moi aussi. Mais qu’est-ce qu’on peut faire ? » se désole-t-elle.

Arménienne installée en France depuis 15 ans, Ana essaye d’oublier ces critiques. « Je continuerai de faire mon travail, même si certains ne comprennent pas que nous prendre à partie n’arrêtera pas le conflit. »

Au-delà des insultes, Ana craint surtout pour l’approvisionnement de son épicerie. « Nous avons dû commander en grande quantité car les prix de nos fournisseurs augmentent très rapidement », souligne la gérante.

Et ces différences de prix se répercutent déjà dans les rayons, au détriment des clients. Une problématique qui soulève de nouvelles interrogations pour ces commerçants, préoccupés par l’avenir de leurs établissements.

*Le prénom a été modifié.

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