Pour le hacker toulousain, Baptiste Robert, il est déjà acquis que l'application "StopCovid" "ne fonctionnera pas !"

Le gouvernement français souhaite lancer l'application StopCovid afin de tracer les malades du coronavirus. Pour le toulousain Baptiste Robert, chercheur en cybersécurité et hackeur connu sous le pseudonyme d'Elliot Alderson, cette application est inefficace sanitairement et techniquement.

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"Sur le papier, l'idée est plutôt belle car cela paraît relativement simple et pourrait potentiellement aider à la lutte contre le Covid-19. Sauf qu’en pratique, c’est beaucoup plus compliqué que cela." Dès le début de l'échange, Baptiste Robert n'y va pas par quatre chemins.
 


Pour le chercheur en cybersécurité toulousain et hacker plus connu sous le pseudonyme d'Elliot Alderson, l'application du gouvernement StopCovid n'a aucun avenir. Pour lui, l'initiative soulève à la fois "des enjeux politiques, des enjeux éthiques et surtout des problématiques techniques très très fortes." La France travaille depuis plusieurs semaines sur cette application qui permettrait d'"identifier les chaînes de transmission" du virus, à l'aide de la technique du traçage.
 

Une approximation énorme

La technique, justement, est le premier point faible de ce projet identifié par le spécialiste. Préféré à l'option GPS, le Bluetooth, qui permet habituellement de connecter deux appareils entre eux, n'est pas fait pour calculer les distances : "L’idée est de demander à tout le monde d’installer une application, d’allumer son Bluetooth sur son téléphone. A chaque fois que vous allez croiser quelqu’un avec cette appli, vous allez avoir une proximité. Sauf qu'ici, l'approximation va être énorme."
 
Le Bluetooth est en mesure d'indiquer si vous avez croisé une personne malade à une distance se situant entre 1 et 4 mètres. "Cette approximation de la distance, cela change tout.  Si une personne est à un mètre de vous, oui il y a des risques de contamination mais si elle est à quatre mètres, il ne va pas vous arriver grand-chose. De plus, si vos deux téléphones sont à côté l’un de l’autre, cela ne va pas donner la qualité du contact". Impossible de savoir si les deux personnes sont face à face, de dos, avec un masque ou des gants.

La nécessité d'un usage massif

Autre élément. L'efficacité de l'application dépendra de son usage massif ou non... Et là non plus, ce n'est pas gagné, selon Baptiste Robert : "Cette application ne peut fonctionner que si elle est véritablement adoptée et que les gens la télécharge en masse. On estime à peu près, même si on n’est pas certain de la statistique, qu’il faudrait 60 % de la population qui téléchargent l’application. Sachant que seulement entre 70 et 75% de la population française a un smartphone. Ce qui voudrait dire que toute la France devrait utiliser cette application. Ce qui est carrément impossible. Donc on sait que cela ne va pas marcher."  
 
A titre de comparaison, à Singapour, pays pionnier dans l’utilisation de cette technologie pour lutter contre le Covid, seulement 19% de la population ont choisi de télécharger l’application. Le faible nombre d’utilisateurs a rendu cette technologie insuffisante et Singapour n’a pas pu échapper à la mise en place du confinement.

Souveraineté numérique ?

L'implication dans le projet des deux géants américains du numérique, Apple et Google, pose également question : "C’est une question politique. Toute l’année, on nous rabâche "La France défend sa souveraineté numérique." "On veut se passer des Gafa." "On veut avoir des alternatives européennes." Là, Apple et Google nous présentent des API ( projet commun d’interfaces de programmation entre Androïd et iOS) et on devrait sauter dessus dès le départ ? Cela pose un réel problème". StopCovid serait ainsi en mesure d'activer le Bluetooth en permanence, sans utiliser l'application elle-même. Incompatible avec les limites imposées par Google et Apple eux-mêmes pour leurs systèmes d'exploitation.
   

Créer un outil pour les personnes âgées

"On sait donc déjà que cela ne va pas marchera pas", assène le Toulousain qui suggère au gouvernement d'aborder la question de "manière pragmatique" et de réfléchir à des "solutions alternatives."

"Plutôt que les gens aillent directement chez le médecin, il pourrait y avoir des consultations par vidéo afin de réaliser un « triage ». Ce genre d’initiative aurait beaucoup plus de sens qu’une surveillance générale de la population et permettrait d'alléger nos système de santé", estime-t-il avant de rajouter : "Nos aînés n’ont pas beaucoup de téléphones portables et ne savent pas installer une application. Faisons des outils qui répondent à de vrais problèmes et qui s’adressent surtout aux bonnes personnes. Ce n’est pas le citadin de 20 ans qui a besoin de savoir qui il a rencontré. A la rigueur, s'il a le covid-19, il a des grandes chances qu’il s'en sorte. Ce qui n’est pas le cas de ma grand-mère qui n’a pas de téléphone portable. Je préfèrerai créer un outil pour elle plutôt que pour le citadin de 20 ans qui n’est pas réellement à risque."

Retrouvez ici l'intégralité de l'interview vidéo de Baptiste Robert :
 
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