Des vidéos évoquant une tentative d’enlèvement dans un centre commercial près de Toulouse (Haute-Garonne) font le buzz sur les réseaux sociaux. Une rumeur marseillaise, adaptée à la sauce toulousaine, qui ne cesse de se propager et entraîne dans son sillage de la peur et des fantasmes. Il s'agit d'une fausse information.
Le témoignage a été supprimé du compte TikTok, mais plusieurs internautes en ont réalisé une copie et se sont empressés de continuer à la diffuser. "La partager au maximum", c'est d'ailleurs le souhait exprimé par la tiktokeuse. Face à la caméra, la jeune femme d'une trentaine d'années explique les raisons qui l'amènent à parler : "C'est très important. Ce qui m'est arrivé est très grave. Cela aurait pu vous arriver à vous."
La même histoire à Marseille et Toulouse
Il suffit alors de lire les titres accompagnant sa vidéo pour comprendre quel sujet va être abordé : "Tentative d'enlèvement. TOULOUSE. Lait en poudre, arnaque. Marseille, Paris, Toulouse."
"Je suis allée au restaurant avec ma copine au centre commercial de Fenouillet.(...) Là, il y a une dame qui arrive et qui me demande si je parle arabe. Je lui réponds "Je le parle et le comprends un peu". Elle me dit "bonjour voilà, je suis Syrienne. Je veux acheter du lait pour ma fille." Je me suis dit qu'elle voulait un peu d'argent pour acheter du lait bas âge pour sa fille. J'avais 5 euros. Je lui ai donc donné. Elle prend les 5 euros et me dit, "ce n'est pas l'argent que je cherche". Elle me dit il faut que tu m'accompagnes dans une pharmacie spécialisée pour acheter du lait en poudre pour ma fille, car je ne sais pas parler et je ne comprends pas. Je lui ai dit que je ne pouvais pas l'accompagner. Elle refuse d'aller au centre commercial. Elle veut que je l'accompagne. Et je vois qu'elle est dégoûtée. Elle aurait préféré que je la suive" raconte-elle dans sa vidéo diffusée par un autre compte
La jeune femme explique avoir vu la veille le récit similaire d'une tiktokeuse à Marseille rapportant la même histoire mais dans une gare. "Il s'avère qu'à la fin si l'on suit cette personne, elle a des complices plus loin pour kidnapper des personnes et après il y aurait, a priori, un trafic d'organes" affirme-t-elle à son audience. Sollicitée par France 3 Occitanie, elle n'a pas répondu à notre demande d'entretien.
Les mécanismes de la "rumeur d'Orléans" de 1969
Bien entendu, cette information est fausse. Elle reprend les mêmes mécanismes que la fameuse rumeur d'Orléans de 1969, les réseaux sociaux en plus. A l'époque, le bruit court que des jeunes femmes sont enlevées dans les cabines d'essayage de magasins de vêtements de la ville, tous tenus par des commerçants juifs. Elles seraient vouées à être prostituées à l'étranger. On parle de "traite des blanches", un fantasme tenace qui a plongé la ville dans une atmosphère malsaine durant plusieurs mois.
Là non plus, aucun enlèvement, aucun trafic d'organes. Mais la police marseillaise s'est retrouvée dans l'obligation de démentir. Ce qui n'a pas empêché l'histoire phocéenne de se répandre comme une traînée de poudre. Les témoignages rapportant des situations similaires se multiplient à travers toute la France : Marseille, Paris, l'Alsace, Strasbourg, Nîmes, Montpellier, Lyon, Nîmes, Dijon, Rouen et Toulouse."Plus précisément au centre commercial de Fenouillet" indique sossakitty, dont la vidéo a été vue plus de 2,3 millions de fois sur Tiktok (jeudi 20 octobre 2022), tout en associant cette histoire à l'affaire de la petite Lola.
Peur, fantasme, suspicions
Plusieurs personnes n'ont pas hésité à alerter la direction de la galerie marchande toulousaine. Cette dernière s'est rapprochée de la gendarmerie afin d'en savoir plus. Contactés, les militaires n'ont pas répondu à notre sollicitation au moment de la publication de cet article.
Les commentaires des internautes sous les vidéos diffusées sur l'ensemble des réseaux sociaux expriment de la peur, mais aussi des fantasmes et des suspicions sur la communauté syrienne ou roumaine.
Comme le rapporte le site d'information Mars Actu, "En 2008, trois Roumains avaient été lynchés alors que les mêmes rumeurs d’enlèvement circulaient, sans aucun fondement". D'où l'importance d'expliquer que cette rumeur, à Marseille comme à Toulouse, est fausse avant qu'elle ne puisse créer des troubles à l'ordre public.