Anna Toumazoff, ancienne étudiante de Sciences-Po Toulouse, collecte les témoignages d'anciennes élèves d'IEP, victimes de viols ou agressions sexuelles durant leurs études. Elle a créé le hashtag #SciencesPorcs pour dénoncer l'impunité des faits et l'inaction de l'administration. Interview.
La parole commence à se libérer au sujet des violences sexuelles au sein de Institut d'études politiques à travers toute la France. Le hashtag #SciencesPorcs fait depuis quelques heures son apparition sur les réseaux sociaux. Sa créatrice se nomme Anna Toumazoff. Cette ancienne étudiante de Sciences-Po Toulouse, collecte les témoignages d'anciennes élèves d'IEP, victimes de viols ou agressions sexuelles durant leurs études. Son objectif : dénoncer l'impunité des faits et l'inaction de l'administration.
France 3 Occitanie : vous êtes connue pour avoir créé le hashtag #ubercestover qui révélait les violences sexuelles commises par des chauffeurs Uber. Aujourd'hui vous vous attaquez aux prestigieux Institut d'Etudes Politiques (IEP) avec le hashtag #SciencesPorcs pour dénoncer des agressions similaires. Comment avez-vous eu connaissance de ces faits ?
Anna Toumazoff : j'ai réalisé mon Master 2 en 2018 au sein de Sciences Po Toulouse, je n'ai jamais moi-même était témoin ou victime d'agression sexuelle durant cette année d'étude. En revanche, en tant que présidente de l'association féministe de l'école, j'ai très vite eu connaissance d'histoires et de témoignages laissés sous silence. Chaque fois j'entendais le même modus operandi. Des viols ou agressions sexuelles commis lors de soirées d'intégration ou des criteriums sportif inter-IEP. Aujourd'hui encore je suis membre de groupe facebook inter-IEP et je peux vous dire que les femmes qui décrivent des faits similaires sont nombreuses. Le problème c'est qu'elles n'osent jamais aller plus loin car il y a une sorte de dynamique malsaine qui les culpabilise. On leur dit qu'elles ne sont pas fun, qu'il y a pire ailleurs, qu'elles vont gâcher l'esprit festif de ces soirées.
France 3 Occitanie : pourquoi avoir décidé de révéler ces faits maintenant ?
Anna Toumazoff : une amie de Sciences Po Toulouse, Juliette, m'avait déjà raconté son histoire il y a quelques temps. Celle d'un viol commis lors des soirées d'intégration. Et puis le retentissement de l'affaire Duhamel a été un déclic. J'ai proposé à Juliette de diffuser son témoignage sur les réseaux sociaux en créant le hashtag #SciencesPorcs. En tant qu'activiste féministe, je suis très suivie sur la toile, je me doutais que son histoire allait devenir virale. En revanche ce dont je ne me doutais pas c'est que j'allais ensuite recevoir des centaines d'autres récits similaires. Depuis que j'ai créé ce hashtag, on m' envoyé plusieurs centaines de témoignages différents qui concernent tous les IEP de France. Je n'arrive pas à répondre à tout le monde. Je ne sais pas encore où tout ça va nous mener, mais ce que je sais c'est que pour les victimes la libération de la parole est extrêmement bénéfique. Avec #SciencesPorcs je veux mettre fin au silence complice de toutes ces agressions sexuelles
Les écoles Sciences Po couvrent les violeurs, font taire les victimes, et apprennent à tous les autres la loi du silence.
— Anna Toumazoff (@AnnaToumazoff) February 8, 2021
Ne nous étonnons pas de l’état de notre classe politique au vu de ce qu’on leur enseigne. Tous les témoignages ici https://t.co/NtE5ter0fi#SCIENCESPORCS pic.twitter.com/411Fj4Hygs
France 3 Occitanie : si le phénomène est aussi répandu que vous le laissez penser, d'après vous les directions de ces établissements ont-elles pu ignorer tous ces faits ?
Ce que je peux vous dire c'est que de nombreuses femmes dont je reçois les témoignages ont alerté la direction de leur établissement des fait qu'elles auraient subi et qu'au mieux celle-ci n'a rien fait, au pire certains directeurs les ont même dissuadé d'en reparler. Pour les directeurs qui sont de bonne foi et qui ne savaient rien, il leur faut à mon sens prendre des mesures exceptionnelles comme ça a était le cas à Sciences Po Toulouse. Le directeur a exigé la démission du bureau des étudiants, fait interdire les soirées d'intégration et à déposer une plainte. Ce que je peux vous dire aussi c'est que les IEP ne sont pas les seules écoles où de telles faits se produisent. Depuis la création du hashtag SciencesPorcs on me rapporte des faits similaires dans les écoles d'ingénieurs, de commerce ou encore les facs de Médecine. Enfin, la parole se libère partout !