Raphaël Montazaud, vice-président étudiant de l'université Jean Jaurès, militant de l'UNEF et du PCF, Parti communiste français, est victime d'une campagne d'intimidation, d'insultes et de menaces de mort pour avoir ironisé sur une tentative de tractage de l'association étudiante d'extrême droite la Cocarde.
Les tensions entre l'extrême droite et l'extrême gauche ont toujours été très fortes à Toulouse. Mais ces dernières semaines, via les réseaux sociaux, elles viennent de franchir un nouveau cap inquiétant.
"Le 18 mars dernier, la Cocarde (syndicat étudiant d'extrême droite) a tenté de revenir sur le terrain en tractant à l'université Toulouse Capitole. Puis le soir même, ils ont tout de suite suspendu leur mouvement", nous explique Raphaël Montazaud militant au PCF et vice-président étudiant de l'université Jean Jaurès et farouchement opposé aux valeurs de l'extrême droite.
Son adresse et son visage sont diffusés sur les réseaux sociaux
"Dès le lendemain, le 19 mars, j'ai ironisé sur cette fin si rapide de la Cocarde sur un réseau social. Et très vite, tout s'est emballé". En quelques heures en effet, les messageries privées et publiques sur Instagram, TikTok et sur X (ex-Twitter) de ce militant de gauche sont saturées d'insultes et de menaces.
Dès le 20 mars, le média en ligne national d'extrême droite "Livre Noir" publie sa moquerie et l'accuse d'être le responsable d'une agression le 18 mars d'un des militants de la Cocarde. "C'est impossible j'étais dans un train, je rentrais de Paris ce jour-là", se défend le militant de gauche. Il devient alors la cible de groupuscules d'extrême droite sur les réseaux sociaux.
Les menaces de mort, les insultes, j'ai l'habitude. Cette fois mon ancienne adresse est dévoilé, appelant à s'en prendre physiquement à ma personne
— Raphaël Montazaud (@RaphMontazaud) March 19, 2024
C'est ça l'extrême droite, ça intimide, ça insulte, ça dénigre et parfois, ça tue
Notre combat contre l'extrême droite est juste pic.twitter.com/y2o3ho4j2e
Très vite, j'ai reçu des dizaines de messages de mort en messagerie privé, d'abord sur twitter, puis sur Instagram et TikTok. Au bout d'une heure de harcèlement, on a publié mon ancienne adresse en public. Mon visage aussi a été relayé. Dans ces messages, on me dit : "tu vas finir comme Clément Méric" (le militant antifasciste tué par un skinhead d'extrême droite le 5 juin 2013)", " ton visage est connu, regarde dans ton rétro".
Raphaël Montazaud, vice-président étudiant UNEF de l'université Jean-Jaurès.
Accusé d'une agression sur un militant d'extrême droite
Une première alerte que le jeune militant essaye de dépasser. "J'ai quitté la réunion dans laquelle j'étais. Je suis rentré chez moi, je n'avais jamais connu une telle intensité de haine. Et une injustice puisqu'on m'accusait à tort d'une agression", précise Raphaël Montazaud.
Mais les messages font ensuite boule de neige. Les Jeunes du Rassemblement National de Haute-Garonne l'accusent aussi d'avoir une part de responsabilité dans l'agression d'un des jeunes de la Cocarde. Il est victime d'une campagne de haine en ligne qui prend de l'ampleur.
Il porte plainte contre différents groupes d'extrême droite
Le vendredi 21 mars, il décide de porter plainte contre Livre Noir, contre les Jeunes du Front National du 31, leurs représentants et toutes les personnes à l'origine des événements pour menaces de mort, harcèlement, divulgation de données personnelles et diffamation.
Merci @humanite_fr de faire de moi votre homme du jour pour mon combat contre l'extrême droite qui, aujourd'hui, me le fait bien payer.
— Raphaël Montazaud (@RaphMontazaud) March 25, 2024
No pasaran 🚩✊️ https://t.co/sAvTlJG3pF
Dès le lendemain de mon dépôt de plainte, un proche m'envoie des captures d'écran d'une boucle Télégram d'extrême droite connu pour faire la chasse aux antifascistes. Ce groupe compte plusieurs centaines d'individus dont des groupes identitaires européens considérés comme dangereux. Mon nom, mon visage et mon adresse sont alors diffusés dans ce groupe avec des précisions sur ma nouvelle adresse. Il diffuse aussi mon portrait. On passe un cap.
Raphaël Montazaud, vice-président étudiant UNEF de l'université Jean-Jaurès
Il vit caché
Depuis, la vie de Raphaël Montazaud s'est arrêtée. Il change sans cesse de logement et reste très prudent dans ses déplacements.
Je vis caché, je me suis mis en retrait des fonctions de vice-président à l'université. Je ne pratique plus mes activités politiques. Je me protége, je ne vis plus normalement. J'ai perdu ma vie. On sait qu'une menace existe, on ne peut pas en évaluer l'ampleur. Je n'ai aucune protection.
Raphaël Montazaud, militant de l'UNEF et du PCF
Au regard de la gravité des écrits, une conférence de presse sera donnée au siège du PCF à Toulouse le samedi 30 mars pour alerter sur la situation du vice-président de l'université Jean-Jaurès.
Une demande de protection
"On prend ces menaces très au sérieux, on ne peut pas tolérer qu'un militant soit menacé de mort de la sorte. Il fait face à des gens très déterminés. Mais on ne veut pas céder face à la peur", nous explique Luc Ripoll, secrétaire de la fédération départementale du parti communiste français.
Pierre Lacaze, conseiller régional du PCF a même demandé une entrevue avec le préfet de Haute-Garonne pour évoquer ces menaces de mort et discuter d'une éventuelle mise en place d'une protection.