Dans le cadre de la journée nationale de mobilisation dans le secteur des personnes âgées, mardi 8 octobre 2019, des personnels, des directeurs d'Ehpad, des familles se sont rassemblés devant l'agence régionale de santé, pour demander des moyens supplémentaires.
Ils sont directeurs, infirmiers, aides-soignants et sont venus de différents Ehpad (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) de la région toulousaine. Grenade, Ramonville, Luchon. Tous rassemblés devant l'ARS (agence régionale de la santé), à Toulouse. Avec le besoin de dénoncer les dysfonctionnements qui touchent leurs métiers.
Peser sur les décisions à venir
Leur action intervient dans le cadre d'une journée nationale de mobilisation dans le secteur du grand âge. Le projet de financement de la sécurité sociale se profile et ces professionnels qui gèrent la fin de vies de nos aînés sont très pessimistes."Les chiffres ne sont pas bons", explique Didier Carles, directeur de l'Ehpad de Grenade et président de l'ADESPA (association des directeurs d'établissements et de services pour personnes âgées) d'Occitanie. "Il faut qu'on se rappelle à la mémoire des pouvoirs publics".
Car les comptes n'y sont pas. En 2006, rappelle Didier Carles, "le rapport solidarité grand âge préconisait 1 personnel pour 1 résident. 13 ans après, on est à peine à la moitié".
30 % d'accidents du travail de plus qu'ailleurs
Désormais, les professionels s'appuient sur le rapport de la députée LREM Monique Iborra, qui préconisait 6 aides-soignants/infirmiers pour 10 résidents. Actuellement, dans l'Ehpad que dirige Didier Carles, c'est un peu plus que la moitié.Pour cette raison, l'ADESPA s'est mis aux côtés de l'intersyndicale. "Non pas seulement pour obtenir des mesures salariales mais surtout des moyens". Car depuis la grande mobilisation de 2018, "on n'a rien vu venir". "Sur le quotidien, on arrive à peu près à gérer. Mais dès qu'un événement se produit, comme un épisode de grippe par exemple, la machine s'enraye. Or, les accidents du travail sont 30 % plus élevés que dans d'autres secteurs. Cela tient mais c'est au détriment de la santé des personnels".
Et le directeur de déplorer que les pouvoirs publics se soient réjouis que les décès dûs à la canicule de 2019 aient été bien moins nombreux qu'en 2003. "Imaginez-vous que l'on compare ces chiffres avec ceux de décès de nourrissons ?"
Des personnels en rupture avec leurs valeurs
Pour Marie-Noëlle Lazorthes, directrice de l'Ehpad de Luchon, les conditions de travail sont de plus en plus difficiles. Dans son établissement, 65 résidents sont accueillis, pour 46 à 50 ETP (équivalent temps plein). "On manque de personnel, on ne trouve plus d'aide-soignants diplômés donc on est obligé de prendre des personnels sans formation".Pour elle, les soignants sont en rupture avec leurs valeurs. "Les toilettes sont faites à la va-vite, on n'a plus le temps de "relationner" avec les personnes âgées et elles s'en plaignent. Légitimement. Pour faire face, on a de plus en plus souvent recours aux horaires coupés, les personnels travaillent un week-end sur deux, toujours l'oeil sur la montre. Tout cela pour un salaire à peine équivalent au SMIC. Alors que c'est un métier dur, tant physiquement que moralement. On s'occupe de la fin de vie, quand même..."
C'est beaucoup de souffrances. On rajoute de la peine à la peine
Le soutien des familles
Tous ces professionnels en souffrance le disent : ils ont le soutien des résidents et des familles. Marie-Jeanne Mattei est venue manifester avec les grévistes devant l'ARS, ce mardi 8 octobre 2019. Son mari, atteint de la maladie d'Alzheimer, est résident de l'Ehpad de Ramonville, près de Toulouse. Son maintien à domicile n'était pas possible. Il est donc accueilli dans l'unité protégée de l'établissement depuis plus d'un an.Son épouse est très consciente des difficultés mais aussi du dévouement des équipes. "Je ne les critique absolument pas. Mais on voit qu'il manque du monde. Quand on voit toutes ces personnes qu'il faut changer, gérer nuit et jour. Elles sont très dévouées. Elles font ce qu'elles peuvent. On est loin du 1 personnel pour 1 résident, ce qui serait évidemment idéal".
Un métier d'utilité publique
La directrice de l'Ehpad en question, Audrey Cornaglia, a le sourire, malgré les coups durs. "On fait un métier merveilleux, un métier d'utilité publique. Mais ce sont les conditions dans lesquelles on l'exerce qui ne sont plus acceptables. Il ne faut pas oublier qu'on s'occupe des personnes même les plus démunies. Et les personnes seules, sans aucune famille, on les accompagne parfois jusqu'à leur dernier souffle".Utile, c'est bien ainsi que se sent Marika Fontaine, aide-soignante à l'Ehpad des Fontenelles, à Ramonville. Mais depuis huit ans qu'elle travaille dans le public, elle a vu les conditions de travail se dégrader. En moyenne, un binôme de deux aide-soignants s'occupe de 20 à 25 de résidents. "Il y a beaucoup d'absentéisme, beaucoup de turn-over. Dès qu'il manque quelqu'un, les tâches supplémentaires retombent sur les autres. La charge morale est importante"Il nous arrive d'organiser et d'assister à leurs obsèques
Un manque de reconnaissance
Et pourtant, dit la jeune femme, "on n'est pas bien considéré". Marika, qui travaille à temps plein, gagne 1 500 euros net par mois. Mais pour elle, pas question de changer de métier ou de secteur : "C'est une vocation. J'adore mon métier. Et puis, les résidents et leurs familles nous le rendent bien".Sa cadre de santé à l'Ehpad des Fontenelles, déplore une crise de vocation. Les candidatures manquent à l'appel. Cet été, au lieu des 4,5 infirmières (équivalent temps plein), le service a fonctionné à deux seulement car deux départs n'ont pas été remplacés. "On a travaillé en horaires et plannings dégradés. On a fait du rafistolage et l'ARS, qui était alertée, ne nous a pas aidés. C'est épuisant..."
Mais ces professionnels restent fiers de leur travail, de leurs missions. "On invite tout le monde à venir dans nos établissements voir comment on travaille..."On ne veut pas ça pour nos résidents qui sont au coeur de notre métier