Jean-Baptiste Rambla, qui comparaît devant la cour d'assises de Toulouse pour le meurtre de Cintia Lunimbu en 2017, était en liberté conditionnelle au moment des faits, après une première condamnation pour meurtre. Il est donc jugé ici pour meurtre en récidive. Et la cour n'a pas éludé la question.
En 2008, Jean-Baptiste Rambla était condamné à 18 ans de prison pour le meurtre de Corinne Beidl, la compagne de son patron, dont il avait dissimulé le corps durant sept mois.
Emprisonné aux Baumettes à Marseille, où a eu lieu le meurtre, puis à Muret, en Haute-Garonne, en vue d'un aménagement de peine, il fait l'objet d'une libération conditionnelle et sort de prison en 2017. C'est dans le temps de cette libération conditionnelle qu'il passe à l'acte une deuxième fois, sur la personne de Cintia Lunimbu. Et c'est donc pour meurtre en récidive qu'il est aujourd'hui jugé par la cour d'assises de Toulouse, depuis lundi.
La question de la récidive - et surtout, celle, lancinante, de "ce meurtre aurait-il pu être évité ?" - taraude forcément les parties civiles. Et la cour d'assises n'a pas souhaité la contourner. Lors de cette première journée d'audience, pas moins de trois témoins sont venus expliquer à la barre ce qu'est une libération conditionnelle, comment et pourquoi Jean-Baptiste Rambla a pu en bénéficier.
Une libération conditionnelle sous contrôle
Pierre Vallée, magistrat à la retraite, présidait la commission pluridisciplinaire de sûreté chargée de la demande de libération conditionnelle de Jean-Baptiste Rambla. Celui qui a en son temps présidé une cour d'assises se souvient très bien du dossier. En préambule, il explique aux jurés que la commission dont il avait la charge se composait d'une dizaine d'experts (psychologues, psychologues du travail, fonctionnaires de la pénitentiaire, etc.) chargés d'évaluer la dangerosité supposée des détenus en demande de libération et leur capacité à se réinsérer.
Pour cela, les détenus en question étaient à l'époque transférés durant six semaines au CNE (centre national d'évaluation) dans une annexe d'un centre pénitencier de la région parisienne pour y être évalués. L'avis était ensuite transmis, sur la base d'un rapport de 25 pages, aux juges décisionnaires.
Et Pierre Vallée est affirmatif, s'agissant de Jean-Baptiste Rambla, "tous les indicateurs étaient au vert". Son comportement en détention, son entourage familial présent, son projet professionnel, ses propres déclarations, faisaient de lui un candidat crédible à une libération conditionnelle, quelques mois, insiste Pierre Vallée, avant la fin de sa peine. "La question n'était pas "Est-ce qu'il pouvait sortir ? Mais est-ce qu'il pouvait sortir de manière anticipée et sous le contrôle de la justice ? Il est souvent préférable de sortir avec un projet, et avec l'oeil de la justice encore sur soi que de sortir sans rien, pas préparé".
Pierre Vallée, parlant de Jean-Baptiste Rambla, emploie le mot "garçon". "Ce garçon était marqué par l'affaire du meurtre de sa soeur. Pour le reste, on voyait que sa famille était traumatisée". Ce qui conforte les dires de l'accusé : "Je suis encore le petit Jean". Pour autant, la parole de Jean-Baptiste Rambla, auditionné par la commission pluridisciplinaire de sûreté, paraît crédible. "Il assumait son acte [meurtre de Corinne Beidl, NDLR], manifestait de l'empathie pour la victime et sa famille."
Le risque de récidive apparaissait limité. Il semblait peu susceptible de constituer un risque de dangerosité.
"Le risque zéro de récidive n'existe pas"
Le président de la cour d'assises de Toulouse qui juge aujourd'hui Jean-Baptiste Rambla, Michel Huyette, poursuit son intention pédagogique à l'attention des jurés. Il rappelle que le risque zéro de récidive n'existe pas et que de toutes façons, à la faveur des réductions automatiques de peine, Jean-Baptiste Rambla devait sortir de prison en 2018.
Michel Vallée acquiesce. "Le risque zéro n'existe pas. J'ai essayé de revoir le dossier à l'envers, dans l'intention de le recaler, je n'ai pas réussi. La suite n'a pas confirmé tout ce que je vous dis et j'en suis le premier malheureux".
L'avocat général, David Sénat, l'interroge sur la "fragilité" supposée des affirmations des détenus quand ils sont en demande de libération conditionnelle. "On est en droit de s'interroger sur la sincérité de ses déclarations", dit-il. L'avocat de l'accusé, maître Frédéric David, souligne qu'il est quand même difficile de "tromper tout le monde, tout le temps".
Jean-Baptiste Rambla, interrogé par le président, affirme qu'il était sincère lors de son passage devant la commission pluridisciplinaire de sûreté. Il redit qu'il a été un enfant aimé mais qu'il a eu le sentiment, toujours, d'être différent des autres. "J'avais des absences mentales, des décrochages". Invité par le président à se décrire, il dit ceci : "Des rêves, j'en ai jamais eu. Je vivais au jour le jour, j'étais conditionné, finalement".