Le CHU de Toulouse et la clinique Croix du Sud sont candidates pour obtenir le label "maternité bienveillante". Objectif : améliorer la prise en charge des patientes et prendre en compte leur parole après les témoignages de femmes sur les violences obstétricales.
Le label pour les "maternités bienveillantes" vient d'être créé par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). Le CHU de Toulouse et la clinique Croix du sud postulent.
Les maternités retenues doivent respecter 12 critères portant sur l'information, l'écoute et l'autonomie des patientes. Parmi ces critères : la transparence sur le taux d’épisiotomies, de césariennes, de déclenchements ; la mise en place systématique d’un entretien prénatal précoce, d’un débrief après l’accouchement quand il y a eu une intervention en urgence, d’un projet de naissance…
Des vidéos pédagogiques
Ce label a pour but affiché de favoriser la prise en charge globale des femmes enceintes. Il a été lancé 2 ans après la libération de la parole sur les violences obstétricales, plus particulièrement sur les maltraitances lors de l'accouchement.
"Nous avons pour objectif d'améliorer l'information des patientes avec par exemple des vidéos réalisées par des professionnels, explique le docteur Christophe Vayssière, de la maternité Paule de Viguier (Purpan) sur la péridurale, les accouchements pathologiques pour favoriser un questionnement et permettre, sans les remplacer, des échanges avec le praticien".
Les médecins devront effectivement, via une ordonnance, proposer à leurs patientes de s’inscrire sur une plateforme, Maternys, pour informer et créer un partenariat entre soignant et patiente. Elles pourront découvrir sur cette plateforme des vidéos pédagogiques sur les différents stades de la grossesse, l’accouchement, le post-partum, etc.
Un questionnaire via internet
Un questionnaire viendra vérifier que les explications ont été comprises, mais l'outil est destiné à mesurer la pertinence des soins et la bienveillance des équipes. Pour Christophe Vayssière, le label est dans cet esprit.
"On s'est de plus en plus concentré sur la sécurité médicale", explique-t-il.
Avec les fermetures des petites maternités, on a eu à gérer un problème de temps car les ressources humaines n'ont pas été rapatriées sur les grosses maternités.
Les plaintes de nombreuses patientes entendues ces dernières années correspondent, selon ce médecin, à un manque de sécurité émotionnelle, psychique et relationnelle. Ce label peut aider à relever ce défi selon lui, "permettre de se concentrer sur une démédicalisation si on a bien identifier tous les problèmes".
Absence de concertation
Les patientes devraient, en effet, pouvoir accéder à un accouchement physiologique, c'est-à-dire comme elles le souhaitent, dans la position qu'elles choisissent et de façon non médicalisée.
Des évolutions très positives sur le papier mais sur le papier seulement, estiment sages-femmes et associations de patientes.
Ce label a été créé dans l'entre soi des médecins gynécologues qui n'ont pas pris la peine de consulter les premiers intéressés : les femmes enceintes et leurs conjoints, ce qui est cavalier !
constate Françoise Prido-Bernadberoy, représentante en Occitanie de l'ONSSF (organisation des syndicats de sages-femmes)... Sans parler des sages-femmes qu'on a laissées de côté".
"Aucune concertation, confirme Hélène Carrère, représentante en Occitanie du CIANE (collectif interassociatif autour de la naissance). Ni les infirmières, ni les sages-femmes, ni les médecins anesthésistes n'ont été consultés... et encore moins nous, les femmes !"
Projet de façade ?
"Pour moi ce sont des soignants qui veulent garder leur position dominante, ajoute Françoise Prido-Bernadberoy. Je crains que ce ne soit qu'un projet de façade que les médecins ont bâti seuls, pour ne pas avoir à se remettre en cause".
Pour le Ciane, les critères du label ne garantissent pas grand-chose : "si on regarde la liste, cela devrait être le standard pour chaque maternité".
Helène Carrère s'interroge sur les vidéos que les patientes doivent s'engager à avoir visionnées. "L'information ne se donne pas comme ça, trois mois avant. Elle se donne au moment où se passe le soin, d'après la loi Kouchner".
Rendre public le nombre d'épisiotomies et de césariennes est une bonne chose, tempère Françoise Prido-Bernadberoy. Mais elle aurait souhaité une initiative plus constructive et simple : "se mettre autour de la table et discuter", comme cela se fait pour la commission probité mise en place avec les usagers et l'ensemble des professionnels impliqués.
Un besoin d'écoute
Ce label ne résoudra pas le problème des femmes fragiles qui ont été victimes de violences conjugales ou de viol, estime-t-elle. Elles ont besoin d'une écoute particulière, de temps. "C'est tellement facile de penser que des patientes sont fragiles et pas nous. Elles ont le droit de ne pas être parfaites. Cela ne leur enlève pas le droit d'être accompagnées. Quant à nous, soignants, on a le devoir d'être à l'écoute, et notamment de ces patientes-là".
Ecouter les patients demande du temps, autrement dit des moyens humains qui ont un coût financier. C'est ce que ne cessent de dire les soignants en grève dans le secteur hospitalier.
"On n'est plus dans le déni"
Or ce label ne s'accompagne d'aucune dotation. Avec sa plateforme, il devrait coûter environ 5 euros par patiente, à la charge de l’hôpital ou de la clinique concernés.
Autre point d'achoppement : sa crédibilité. Nul ne sait clairement qui l'attribue, dans quelles conditions, pour combien de temps et selon quels critères il est renouvelé. Les associations de patientes et syndicats de sages-femmes ne débordent donc pas d'enthousiasme, c'est le moins que l'on puisse dire.
"On peut lui reconnaître une chose, concède néanmoins Hélène Carrère : il fait parler de la maltraitance obstétricale. On n'est plus dans le déni. Un pas a été franchi".