Les dioxines, sous-produits de la combustion, sont des polluants des sols persistants. Et peuvent se retrouver dans des aliments gras comme les œufs. Après de premières analyses en 2013 près de l'incinérateur de Toulouse, une nouvelle étude a été lancée par l'ARS Occitanie dans des poulaillers domestiques. Explications.
Les œufs de poulaillers domestiques situés à proximité de l'incinérateur de Toulouse sont-ils toujours contaminés et impropres à la consommation ? Cette question, l'association Saint-Simon Environnement se l'est déjà posée en 2023. Des analyses avaient montré "qu'on dépassait de 60% les niveaux réglementaires au niveau des polluants : dioxines, furane, PCB", affirme Yvon Laporte de l'association. En ce début janvier 2025, de nouveaux prélèvements ont été effectués et des œufs issus des poulaillers de particuliers envoyés à un laboratoire, sous l'égide de l'Agence régionale de la Santé qui s'est saisie du dossier.
Les poules, sentinelles d'une pollution des sols persistante
Les dioxines sont en général issues de la combustion. "Dès qu'il y a une combustion qui n'est pas au-delà de 800 ou 1000 degrés, ça peut être générateur de dioxines, et il en existe plusieurs centaines de molécules", nous explique Jean Sébastien Dehecq, ingénieur sanitaire à l'Agence régionale de Santé. Un incinérateur, la métallurgie, un barbecue ou un incendie de forêt peuvent être une source de rejets de ces polluants.
"Quand il y a la combustion, les dioxines sont émises sur des poussières. Elles retombent sur les sols, où elles peuvent rester en surface, persister plusieurs années, voire dizaines d'années", explique Jean Sébastien Dehecq. Et pour détecter leur présence, les œufs constituent l'un des meilleurs indicateurs. "Les poules, quand elles grattent le sol, c'est là où elles peuvent se contaminer. Les dioxines vont se fixer dans tous les corps gras. Et donc les œufs, qui sont très gras, vont concentrer les dioxines", explique encore l'ingénieur sanitaire.
Les dioxines sont des molécules reconnues cancérogènes. Elles sont très toxiques et peuvent causer des problèmes de reproduction et de développement, endommager le système immunitaire, interférer avec le système endocrinien et provoquer des cancers, selon l'Organisation mondiale de la Santé.
"54 ans de pollution, ça suffit !"
Pour l'association Saint-Simon Environnement, il ne faut pas regarder bien loin dans ce quartier de Toulouse pour trouver la source de cette pollution des sols. L'incinérateur du Mirail traite 280.000 tonnes de déchets chaque année. Il faut dire qu'il n'y a pas que les œufs des poules du quartier qui ont été contaminés. En novembre 2023 : une étude menée à la demande de l'ARS d'Île-de-France révèle "une pollution diffuse en milieu urbain" et des taux de dioxines dans les œufs issus des élevages domestiques supérieurs aux seuils fixés par la réglementation sur les denrées alimentaires. Mais ces analyses ne concluent pas à un lien direct entre la contamination et la présence d'incinérateurs.
Les rejets des incinérateurs sont contrôlés, doivent respecter des normes. Et les autorités sanitaires préfèrent parler d'une pollution en "héritage" compte tenu de la persistance des dioxines dans les sols. Mais l'association Saint-Simon Environnement, elle, voudrait bien profiter du projet de reconstruction de l'incinérateur du Mirail pour le voir déménager et protéger, ainsi, la santé des habitants du quartier.
"54 ans de pollution par l'actuel incinérateur, ça suffit !" peut-on lire en gras dans le texte d'une pétition mise en ligne par le comité de défense du quartier de Saint-Simon. "Le nouvel incinérateur devrait entrer en service vers 2032, et il aura une durée de vie de 50 ans", précise Yvon Laporte.
"On voudrait que la précaution minimale soit appliquée, et qu'on ne reconstruise pas un incinérateur à nouveau dans une zone urbanisée de 30.000 habitants, avance le représentant de l'association Saint-Simon Environnement. Qu'on le reconstruise plutôt dans des zones à faible urbanisation en appliquant ce principe de précaution."
Les œufs prélevés dans douze poulaillers, plus ou moins éloignés de l'incinérateur du Mirail, vont être analysés. Six de ses poulaillers se situent à moins de trois kilomètres. Les six autres à plus de trois kilomètres. Les résultats des analyses devraient être connus au printemps 2025.
(Propos recueillis par Emmanuel Wat et Laurence Boffet)