Juin 2020, la cour d'appel de Lyon condamnait le laboratoire Merck, fabricant du Lévothyrox, à indemniser chaque plaignant d’une somme de 1 000 euros pour préjudice moral. Septembre 2021, une nouvelle action collective se prépare. Cette fois, elle vise l'Agence nationale de sécurité du médicament.
En 2017, le laboratoire Merck décide de changer la formule de son médicament Lévothyrox, en l'occurrence son excipient, le lactose. Or le Levothyrox, forme synthétique de la thyroxine (hormone thyroïdienne), destiné aux personnes souffrant d'hypothyroïdie ou de thyroïdectomie, est un médicament à marge thérapeutique étroite, c'est-à-dire que le plus petit changement de dosage peut rendre le traitement inutile ou nocif.
"Défaut d'information"
Peu après ce changement validé par l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament), de plus en plus de malades se plaignent d'effets secondaires. Ils n'ont pas été informés de ce changement. C'est sur cette base qu'en juin 2020, la cour d'appel de Lyon condamne Merck à indemniser les victimes à hauteur de 1 000 euros chacune, estimant qu'il y avait eu défaut d'information. Et donc, faute.
3 500 personnes s'étaient alors associées dans une procédure collective emmenée par l'avocat toulousain, Christophe Lèguevaques, avocat au barreau de Paris.
C'est une procédure similaire qui est lancée ce mardi 14 septembre 2021, toujours par maître Lèguevaques. Mais cette fois, c'est l'Agence nationale de sécurité du médicament qui est visée.
"Obligation légale de protéger les malades"
Pour l'avocat, le "gendarme du médicament" a commis plusieurs fautes. En premier lieu, un défaut de vigilance, a-t-il expliqué ce jour lors d'une conférence de presse. Pour valider la modification de la composition du médicament, Merck a réalisé des tests de bio-équivalence. 200 personnes y ont participé, contre 20 habituellement, ce qui aurait dû attirer l'attention de l'ANSM, selon Christophe Lèguevaques.
L'avocat toulousain estime également qu'il y a eu un défaut d'information puisque la nouvelle notice d'information à l'attention des usagers, n'a pas été exigée. De plus, explique Christophe Lèguevaques, l'ANSM "a mis du temps à réagir face aux plaintes des patients. Elle a méprisé la parole des malades et des associations en essayant de minimiser ces effets secondaires. Or, entre 2017 et 2018, 500 000 malades ont migré vers d'autres alternatives. Ce sont des chiffres communiqués par la CNAM (Caisse nationale d'assurance maladie)".
Il y a un préjudice d'anxiété, un préjudice moral. L'ANSM a manqué à son obligation légale de protéger les malades en n'excerçant pas son obligation de contrôle.
"Une arme anti-lobby"
MysmartCab, la plateforme d'actions collectives conjointes qui a porté l'affaire devant la cour d'appel de Lyon, a été créée par Christophe Lèguevaques. Elle devient MyLeo (pour my legal office), structure commerciale indépendante du cabinet Lèguevaques, basée à Toulouse. Pour l'avocat, qui en est le président, c'est "une arme anti-lobby qui permet à des citoyens de se réunir face à des donneurs d'ordre et des administrations".
Les inscriptions pour cette nouvelle action collective y ont été ouvertes ce 14 septembre, peu après 15 heures. Elles seront closes le 15 novembre prochain. S'ensuivra une mise en demeure préalable de l'Agence nationale de sécurité du médicament. "Soit elle accepte d'indemniser les plaignants, soit elle notifie son refus, soit elle garde le silence pendant deux mois et là, on saisit le tribunal administratif. Ce devrait être dans le courant du mois de janvier 2022", précise maître Christophe Lèguevaques.
Devant la cour d'appel de Lyon, 3 500 personnes s'étaient associées à l'action collective. Ici, la demande d'indemnisation est de 15 000 euros pour un coût individuel de 120 euros TTC. Pourquoi au titre du préjudice moral et non corporel ? "Cela va éviter des expertises, longues et coûteuses", explique maître Lèguevaques. "Et cela permet au juge de définir un montant et de l'appliquer à toutes ces personnes".