Maison Calas, caserne Vion, cité du Mirail. Depuis des mois, des défenseurs du patrimoine architectural toulousain se font entendre pour préserver des constructions symboles d'une époque de part leurs innovations techniques, leur style ou l'histoire qu'elles portent.
L'urbanisme et l'architecture sont plus que jamais au cœur des préoccupations au sein de la ville de Toulouse. Non pas seulement pour réfléchir à la meilleure façon de continuer à accueillir 20.000 habitants supplémentaires chaque année dans l'aire urbaine toulousaine, mais aussi pour faire des choix concernant un patrimoine architectural, parfois fort en symboles. Trois dossiers reflètent aujourd'hui ces débats avec des associations, des particuliers et des architectes qui appellent la municipalité de Toulouse à préserver ces pans d'histoire, de l'architecture mais aussi des idées.
- La maison Calas
Dans la nuit du 17 janvier 2023, un incendie à Toulouse s'est déclaré au pied d'un immeuble de la rue des Filatiers et a remis sur la table la question de la préservation de ce bâtiment. Cette construction porte un important symbole. Cet immeuble est situé à l'emplacement où vécu Jean Calas, ce protestant toulousain injustement condamné par des catholiques au supplice de la roue en 1762 pour le meurtre de son fils. Claude Dupuy, président de l'association de défense de la maison Calas en est persuadé : "cet incendie est volontaire", laissant sous-entendre que la bâtisse aurait été sciemment visée en raison de son histoire.
Rien ne le prouve mais l'événement permet de souligner à nouveau la perte que représenterait sa destruction. "Nous avions un projet pour valoriser cet immeuble, explique Claude Dupuy. Le maire Jean-Luc Moudenc s'était engagé à ce que la municipalité et d'autres collectivités participent au rachat du commerce, situé au rez-de-chaussée, et fermé depuis 12 ans, pour y réaliser un lieu de mémoire. Mais nous n'avons plus de nouvelles", tout comme le propriétaire des murs du magasin, la holding HV. Contactés, les dirigeants de cette société ne nous ont pas rappelés.
- La Caserne Vion
Avec la caserne Vion, c'est un bâtiment d'une autre époque, construit en 1972 par l'architecte toulousain Pierre Debeaux, dans un autre quartier, celui de Saint Cyprien, qui suscite l'inquiétude. Chez des riverains, tout d'abord, mais aussi chez un collectif d'artistes et d'architectes. Ces derniers ont lancé une pétition pour que la caserne Vion soit protégée au titre des monuments historiques. La caserne est mise en vente au plus offrant par la mairie de Toulouse. Leur crainte est qu'elle soit détruite sans "protection opposable".
Cette caserne est une "œuvre exceptionnelle et totalement originale" décrivent-ils dans une tribune publiée dans le quotidien Libération et constituerait une perte irréparable si elle était démolie. "À l’heure où l’urgence climatique nous interdit de continuer à démolir pour reconstruire toujours plus, ne faut-il pas impérativement promouvoir la sobriété, la résilience, la réhabilitation et le réemploi pour une évolution plus “durable” de nos villes ?"
- La cité du Mirail
Lors de leur construction dans les années 1960 par les architectes Candilis, Josic et Woods, inspirés de Le Corbusier, les logements de la cité du Mirail à Toulouse (Haute-Garonne) attiraient pour leurs innovations et leurs grands volumes. Plus de 60 années sont passées, le quartier est devenu le symbole de ces grands ensembles délabrés et populaires, regroupant le plus souvent les familles issues de l'immigration et rongés par la délinquance. Ces bâtiments sont vus comme "des cages à lapin" et pâtissent d'une "mauvaise image", regrette Claire Martin, membre du collectif défendant ces immeubles, regrettant "l'association faite entre la paupérisation du quartier et le bâti". Dans le cadre d'un plan soutenu par l'agence nationale de renouvellement urbain, sept bâtiments du quartier sont condamnés à disparaître pour laisser place à de plus petits, allant du pavillon individuel à l'immeuble collectif afin de faire table rase de ce passé.
Pourtant des architectes et des habitants de la cité se mobilisent pour éviter la destruction de 1.400 logements plaidant pour leur réhabilitation et dénoncent un projet désastreux sur le plan écologique et économique. "Alors même qu'on manque de logements à Toulouse, c'est une aberration !", s'emporte Michel Retbi, architecte du collectif opposé au projet.
Le "Grand d'Indy", un immeuble de onze étages abritant 243 logements sociaux, est l'un des bâtiments qui doit être démoli en 2023. Le collectif opposé au projet affirme que démolir et reconstruire coûte trois fois plus cher que réhabiliter, et que le bilan carbone d'une démolition est le triple de celui d'une réhabilitation. Ils plaident pour un moratoire sur les destructions et un concours d'architecture pour imaginer le Mirail de demain.
(Avec AFP)