En 2018, Mohamed Tataï était mis en examen pour "incitation à la haine raciale" après la publication d'une vidéo d'un de ses prêches. L'imam de la Grande Mosquée de Toulouse est accusé d'y proférer des propos antisémites. Depuis, la justice semble à l'arrêt et l'imam est toujours en fonction.
L’affaire avait créé un certain émoi. En cause, la vidéo d’un prêche de Mohamed Tataï, l’imam de la Grande mosquée de Toulouse, située dans le quartier d’Empalot. Une vidéo publiée par un site américain et qui daterait du 15 décembre 2017. Dans ce prêche, Mohamed Tataï ferait référence en arabe à un hadith (une parole du prophète Mohamed) qui appelle les musulmans à tuer les juifs.
" Les Juifs se cacheront derrière les rochers et les arbres et les rochers et les arbres diront : "musulman, serviteur d’Allah, il y a un juif qui se cache derrière moi, viens le tuer." (traduction en anglais, non-officielle).
C’est le Maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, qui alerte les pouvoirs publics.
Le 28 juin 2018 - soit cinq jours après l’inauguration de la Grande Mosquée de Toulouse – l’élu écrit au préfet, Pascal Mailhos. Il lui demande de "procéder à la vérification" d'un "prêche" dans lequel l'imam toulousain "évoquerait un hadith antisémite, appelant les musulmans à tuer les juifs au jour du jugement dernier ".
Information judiciaire
Le Parquet de Toulouse se saisit de l’affaire et demande au service régional de police judiciaire (SRPJ) de Toulouse de procéder à des vérifications. Une information judiciaire est ouverte pour "provocation publique, par parole, à la haine ou à la violence en raison de l'origine, de l'ethnie, la nation, la race ou la religion".La publication de cette vidéo suscite des réactions très vives. Notamment dans la communauté juive. Le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) dénonce "un florilège de propos abjects et scandaleux" et s'insurge contre la position de la Grande Mosquée qui tarde à condamner les propos de l’imam. L'institution juive décide de rompre le dialogue avec l’imam de la Grande Mosquée de Toulouse.
D’autres personnalités se saisissent de l’affaire. Le Ministre de l’intérieur de l’époque, Gérard Collomb, dénonce des "propos qui incitent à la haine ". Certains hommes politiques, comme Laurent Wauquiez, alors à la tête des Républicains, ou Bernard Carayon, le Maire LR de Lavaur, demandent même son expulsion.
Les excuses de Mohamed Tataï
Mohamed Tataï de son côté s’excuse "auprès de ses amis de la communauté juive de Toulouse et de France de l’interprétation décontextualisée de ses propos" mais "proteste de sa bonne foi ". Il évoque aussi une mauvaise traduction.La justice, elle, suit son cours. Le 20 décembre 2018, Mohamed Tataï est mis en examen pour "incitation à la haine raciale ".
Et depuis ? Pas grand-chose. Mohamed Tataï continue de prêcher tous les vendredis dans la Grande mosquée d’Empalot, dont il reste l’imam. D’un point de vue judiciaire, l’affaire ne semble pas avoir avancé. Contacté par France 3 Occitanie, le procureur de la République de Toulouse, Dominique Alzeari, confirme simplement que "l’information judiciaire est toujours en cours ". Selon nos informations, une nouvelle traduction de la vidéo incriminée a été demandée par la justice.
La communauté juive dans l'attente...
Le maintien de Mohamed Tataï dans ses fonctions, inquiète la communauté juive toulousaine. Franck Touboul, le représentant régional du CRIF (qui s’est porté partie civile dans cette affaire), se dit "toujours dans l’attente d’une décision de la justice. Mais si cet imam devait être condamné, il serait normal que l’autorité qui gère la Grande Mosquée de Toulouse, lui retire son magistère ".Mohamed Tataï, 57 ans, vit depuis une trentaine d’années en France. Cet Algérien n’est pas connu pour prêcher un islam radical. Réputé proche du Consulat algérien de Toulouse, il ne fait pas partie de ces "imams détachés", stigmatisés récemment par le Président Emmanuel Macron.
La prudence du CRCM
Prudence également du côté de la communauté musulmane. Abdelatif Mellouki estime que c’est "à la justice de faire son travail, de faire le nécessaire ". Même si il se dit "gêné " par les propos controversés de Mohamed Tataï, le porte-parole du Conseil régional du Culte musulman (CRCM) estime que "ce n’est pas à nous de distribuer les cartons jaunes ou les cartons rouges ". Et de rappeler que le CRCM "n’a aucun pouvoir sur la gestion interne de la Grande Mosquée de Toulouse ". "C’est aux pouvoir publics de prendre leurs responsabilités" conclut-il.A l'heure où nous publions cet article, ni Mohamed Tataï, ni son avocat Maître Jean Iglésis, n'ont répondu à nos sollicitations.