Mort de Maïcky Loerch. "L’anti-tziganisme est à un point jamais atteint" : la colère gronde au sein de la communauté des gens du voyage

Après le décès de Maïcky Loerch, 28 ans, tué par un gendarme lors d'un contrôle près de Toulouse (Haute-Garonne), la communauté des gens du voyage exprime sa tristesse et son indignation à travers toute la France. Entre hommages et appels à la justice, ce drame ravive le sentiment de discrimination et le manque de dialogue dénoncés par les représentants de cette communauté

Une grande tristesse et de la colère. Les membres de la communauté des gens du voyage demandent justice pour Maïcky, tué à 28 ans par un gendarme.

"Il nous a pris notre bébé"

Une marche blanche visant à rendre hommage à Maïcky Loerch s’est déroulée mardi 30 juillet 2024 au centre-ville de Toulouse, en Haute-Garonne. Derrière le drapeau Rom, plus d'une centaine de personnes ont accompagné la famille de Maïcky pour honorer sa mémoire et réclamer justice. Quelques heures plus tôt, le procureur avait annoncé l'ouverture d'une information judiciaire et la saisie d'un juge d'instruction.

Une marche sous haute tension. Quelques échauffourées ont eu lieu entre les plus jeunes et les forces de l'ordre. Les manifestants ont rejoint le tribunal judiciaire de Toulouse en fin d’après-midi : "Il nous a pris notre bébé", a déclaré la mère de la victime en larmes. "Qui va nous le remplacer ? Lui, il n’avait rien demandé. Il était juste parti au restaurant avec sa femme et son bébé".

A lire Tensions lors d'une marche blanche en hommage à Maïcky Loerch, membre de la communauté des gens du voyage tué par un gendarme

Tué pour un refus d'obtempérer

Maïcky Loerch a trouvé la mort jeudi 25 juillet après son transfert à l'hôpital. Il a été mortellement blessé d'une balle dans la tête par un gendarme, sur le parking d'un fast-food à Fenouillet (31), après un refus d'obtempérer. Sa compagne et son bébé de 4 mois étaient avec lui à bord de la voiture. L'homme était soupçonné d'effraction sur un véhicule.

"Les gendarmes auraient pu venir l’arrêter quand on mangeait dans le restaurant, quand on est sortis, ou qu’on rangeait la poussette", a déclaré à la presse sa compagne Laura. "Mais ils l’ont tué devant ma fille". "Ils l’ont abattu comme un chien, a poursuivi Robert, son oncle. "On veut que les institutions comprennent notre souffrance, on veut que justice soit faite".

Colère sur les réseaux sociaux

La solidarité s'est rapidement organisée avec la création d'une cagnotte en ligne en soutien de la famille. Mais dans le même temps, la colère de la communauté s'est répandue sur les réseaux sociaux. Les publications d'hommage, d'appels à la mobilisation mais aussi d'expression du chagrin de proches se sont multipliées sur Tik Tok. Au fil des derniers jours avec le hastag #justicepourmaicky. "J'ai un dégoût pour la justice, déclare Henock Cortes qui compte plus de 300.000 abonnés. Je ne parle pas de toute ma communauté. Je ne représente que moi-même. Mais sachez que tout se paye dans la vie."

@henockcortes Tous ensemble pour Maiky@Severine lupo @le falche manouche @tiblon officiel jasonlorot 🐙 @les.histoires.de.Tiblon #manouchehri #gitan #foryoupage❤️❤️❤️ ♬ son original - Henock Cortes

"C'est les envahisseurs"

Un sentiment largement partagé. Pour Frédéric Liévy, le président du RLGDV, une association qui représente les locataires de la communauté des gens du voyage, la mort de Maïcky Loerch est incompréhensible. "Ce jeune, il avait 28 ans. Il n’était pas réputé pour être délinquant. Il n’a pas une voiture de délinquant, il a une Renault scénic. Il va manger, sa femme range ses affaires. Il dit "non je ne recule pas, ils vont me tuer". Ça n’a pas loupé, ils l’ont tué. Quelle est la valeur d’une vie quand on est voyageur ? Elle n’a aucune valeur".

Frédéric Liévy se défend de faire de la victimisation. Il est conscient que des problèmes existent mais ils sont générés selon lui par le manque de dialogue, le sentiment de rejet éprouvé par les siens. "Chaque fois que des gens du voyage entrent sur un terrain pour s'installer, c'est les envahisseurs". 

"L’anti-tziganisme a atteint un point jamais atteint depuis que les politiques populistes sont mises en œuvre et le respect pour les citoyens itinérants, que ce soit à gauche ou à droite, il n’y en a pas. On est considéré comme des étrangers. On est d’origine française. On est parfaitement assimilés mais tout le monde peut dire ce qu’il veut de nous, contrairement aux juifs ou aux maghrébins, C'est de l'exclusion sociale d'une population".

Pas de dialogue

Pour ce représentant associatif, cette absence de limites est la porte ouverte à tous les abus. Ce qui explique selon lui la colère qui s'exprime aujourd'hui. Il souligne le surpeuplement des aires de stationnement et le sentiment que les choses n'avancent pas. 

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"Vous voyez bien à Toulouse, ils ont voulu faire une aire de grand rassemblement à Bruguières. Les gens sont venus manifester deux fois en mairie. Ils s’en sont pris au maire, sur les réseaux sociaux, partout. Le maire a démissionné. C’était pour la création d’un terrain simplement. Et la commune d’à côté a laissé ses panneaux racistes "on veut pas de gitans", des pancartes anti-rassemblement pendant une semaine après les faits. Peu après, un nouveau maire a été élu à Bruguières. Il a dit, on va appliquer la loi et créer ce terrain. Les citoyens sont venus protester. Le maire a fini par dire "on verra plus tard".

"Anti-tziganisme profond "et "relents pétainistes"

Frédéric Liévy déplore qu'il n'y ait aucun dialogue entre les citoyens itinérants et le reste de la population. "On est exclu d’une certaine vie si vous voulez. La gestion des aires d’accueil par exemple, se fait par des partenaires privés. La location de logements, c’est des bailleurs privés, des HLM. En face, on n’a rien. Les politiques ne cherchent pas à nous écouter alors qu’il y a un anti-tziganisme profond et des relents pétainistes qui sortent. Aucun maire ne veut faire quoi que ce soit, qu’ils soient de gauche ou de droite, ils donnent raison à des partis racistes. Moi, je déplore aussi bien la mort d'un jeune que celle d'un gendarme. Je veux que personne ne meurt dans une société, nous sommes alors sur une société apaisée".

Or, pour lui, la situation ne fait qu'empirer, la violence du rejet aussi. Il a le sentiment que l'inaction des élus, le défaut de volonté politique provoquent un retour en arrière. Le retour à un temps où les Tziganes étaient persécutés et internés dans des camps en France ou assignés à résidence.

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