Directrice d’école depuis 14 ans, Agnès 40 ans vit de plus en plus mal son métier. Des responsabilités qui s’accumulent, une charge de travail qui s’alourdit, une hiérarchie parfois déconnectée du terrain. Malgré son expérience, l’enseignante avoue sa lassitude.
Comme la majorité de ses collègues, Agnès a une double casquette. Elle est à la fois enseignante dans une classe de 22 élèves et directrice de son école : un établissement rural situé dans un petit village au sud de Muret. Bouleversée par le suicide de Christine Renon, la directrice d’école maternelle de Pantin (le 21 septembre dernier), elle a accepté d’évoquer son quotidien.
Dans sa lettre d’adieu, Christine Renon alerte sur le travail épuisant des directeurs d’école, vous partagez ce sentiment ?
En pleurs : quand on lit sa lettre, on se dit mais c’est exactement ce que je vis. C’est vraiment ça. Je me reconnais complètement, c’est très dur.
Quelles sont vos principales difficultés ?
Le manque de temps et la charge mentale. Je suis déchargée de ma classe seulement 10 jours par an pour assurer ma mission de directrice, c’est peu. On arrive avant tout le monde, on repart après tout le monde, le midi pas le temps de manger. Il faut penser à tout. Le relationnel avec certains parents d’élèves se dégradent parfois. L’année dernière j’ai été arrêtée 15 jours.
Vos responsabilités se sont-elles alourdies ?
En fait, on est responsable de tout.
De la sécurité des locaux avec la mairie, de la sécurité des élèves, de l’organisation du service des enseignants, de la façon dont nos collègues s’occupent de leurs élèves, du lien avec les transports scolaires, du lien avec la médecine scolaire. Chez nous de toute façon on n’a pas de médecin scolaire depuis 6 ans, donc on fait office de médecin, d’infirmier. C’est simple, on fait tout. Ce n'est pas un nouveau statut de chef d'établissement qui changera le problème de la charge de travail.
Les tâches administratives vous prennent-elles beaucoup de temps ?
On est sous pression en permanence.
Par exemple on nous demande d’appliquer tout de suite les réformes qui passent, ça ne s’est jamais vu dans l’Education Nationale. Les programmes qui changent et qu’il faut assimiler rapidement, les évaluations à rendre à date fixe, les circulaires du ministère avec les nouvelles consignes…etc…
Vous sentez-vous soutenue par vos supérieurs ?
Non je ne me sens pas soutenue au quotidien.
Avant les conseillers pédagogiques étaient vraiment là pour nous aider à faire des projets, maintenant on leur demande de surveiller nos dossiers, de faire remonter des chiffres, de faire des tableaux à n’en plus finir. Du coup ils ne peuvent plus être à notre écoute, ils n’ont plus le temps.
Heureusement qu’il existe des groupes de paroles entre enseignants, on s’envoie des mails pour s’aider entre nous.
Concernant votre évolution de carrière comment ça se passe ?
Les rendez-vous de carrière c’est absolument épouvantable, on n’en a plus que 3 durant toute notre carrière. Ils viennent nous voir une heure pour nous évaluer : est-ce qu’on est « à consolider », satisfaisant, très satisfaisant ou excellent. Mais qu’est-ce que ça veut dire ? C’est assez désagréable, on a l’impression d’être infantilisé.
Je ne me sens pas considérée et rémunérée à ma juste valeur : 18 ans de carrière, 2400 euros net dont une prime de directrice de 149 euros par mois.
Vous avez songé à arrêter ?
J’envisage nettement de changer de métier, je trouve qu’on est trop maltraité… On est vraiment maltraité…