Plusieurs collectivités de la région Occitanie vont verser 3,5 millions pour aider à la reconstruction de Notre-Dame. Des juristes considérent que ces subventions sont illégales. Mais, dans un contexte d'émotion nationale, le risque d'un recours et d'une sanction est (quasiment) inexistant.
Les mairies de Toulouse et Albi, le conseil départemental de la Haute-Garonne et la région Occitanie débloquent des subventions pour aider à relever Notre-Dame de Paris. Ce soutien financier suscite une polémique avec le maire de Rodez et plusieurs élus régionaux ont voté contre.
Mais le débat n'est pas uniquement politique. Il est aussi juridique. Plusieurs juristes (avocats spécialisés ou praticien dans une collectvité) émettent de sérieux doutes sur la légalité des subventions votées par les collectivités d'Occitanie. L'un d'entre eux précise le principe de base : "pas de subvention sans intérêt local". Or, la reconstruction d'une cathédrale à plusieurs centaines de kilomètres de Toulouse et Albi cadre difficilement avec un "intérêt local".
Le conseil régional de l'ex Midi-Pyrénées a financé un tronçon de TGV Toulouse-Paris qui n'étaient pas sur son territoire. Mais l'intérêt local existait puisque la construction du tronçon s'incrivait dans une ligne (ferroviaire) qui devait desservir (à terme) la région toulousaine.
S'agissant de Notre-Dame et de sa reconstruction, comment démontrer qu'une cathédrale parisienne constitue un intérêt pour les Toulousains, les Albiegois ou les Occitans ? Un élu local, à l'orgine du vote de l'une des subventions, avance une justification : "Notre-Dame assure l'attractivité de Paris et cette attractivité touristique bénéficie à notre région. On peut très facilement justifier objectivement un intérêt local".
Au regard de la jurisprudence, ce n'est pas évident
En 1997, le Conseil d'Etat a annulé une subvention du département de l'Oise au motif qu'il s'agissait de financer la restauration de la maison du Général de Gaulle à Colombey-les-Deux-Eglises, en Haute-Marne. Le juge admnistratif a estimé que l'Oise ne pouvait pas attendre de retombées de cette opération. Bref, l'intérêt départemental faisait défaut.Un avocat spécialisé précise : "au lendemain de la mort du Général, en 1970, je ne suis pas certain que le Conseil d'Etat aurait rendu la même décision". C'est le même sentiment pour un autre juriste. Face à une forte émotion nationale, la justice peut faire "plier" le droit et mettre dans la balance le contexte du moment.
Il existe également un autre "verrou". Pour obtenir l'annulation des subventions, il faut (bien évidemment) un requérant. Devant la justice administrative, un (simple) contribuable peut déposer un recours. Mais la facilité de la procédure est "contrebalancée" par l'impact symbolique d'une action visant la reconstruction de Notre Dame.
Pas évident de s'opposer au versement d'une aide financière quand il s'agit d'un monument national.