Si un chantier aussi ambitieux a pu aboutir à temps, c'est aussi grâce à eux. Pendant cinq ans, près de 2 000 artisans ont été mobilisés sur la restauration de Notre-Dame. Des ferronniers et métalliers de petits villages du Gard ont participé à l'aventure. Un travail discret qu'ils ont dû garder secret.
Une quarantaine de barlotières, c'est-à-dire des châssis pour vitraux, ont été dessinées, modélisés et conçus dans un atelier de Combas dans le Gard. "Il s’agit des rosaces qu’il y a dans les tours nord et sud, qui ne sont pas à l’échelle sur les plans, détaille Clément Molinelli, directeur général chez Molinelli Métallerie d'art en pointant ses plans. En réalité, elles font 1,70m de haut."
"Extraordinaire"
La métallerie d'art gardoise a été choisie pour son savoir-faire. Pendant un an et demi, les artisans se sont associés à un vitrailliste et, ensemble, ils ont conçu des verrières destinées à la restauration de Notre-Dame-de-Paris. "Symboliquement, c'est quand même extraordinaire d'avoir participé à Notre-Dame parce que je pense que ça restera le chantier du siècle, se réjouit Clément Molinelli. Et avoir contribué à notre échelle, ça reste une fierté."
Et dans le Gard, ils ne sont pas les seuls à avoir contribué au chantier. Des grilles du plateau liturgique ont été conçues sur-mesure dans une ferronnerie d'art de Bouillargues. Tout comme des mains courantes pour les escaliers des tours, et des grilles d'aération. "Quand on rentre dans la cathédrale on marche sur des grilles en laiton, et tous ces cadres ont été réalisés, ajustés et assemblés par nos soins", raconte Cyril Théophile, ferronnier, et gérant de la société Faut le fer.
"Ça a été un peu compliqué"
Contactés en 2022, le ferronnier et son associé ont commencé à réaliser les pièces en 2023. De février 2024 à novembre dernier, ils ont multiplié les allers et retours à Paris pour œuvrer sur le site de la cathédrale. Difficiles de fait tous ces "déplacements, loin de nos familles et de nos amis." Ensuite, il a fallu se repérer et circuler dans Paris mais aussi dans cette immense cathédrale en chantier : "On faisait 40 kilomètres par jour, à monter et descendre."
On commence à se rendre compte qu'on a contribué à quelque chose de grand ! Tant qu'on est dans le bain, on ne s'en rend pas compte.
Cyril Théophile, ferronnier
Pour que les pièces soient prêtes à temps, ils ont donc travaillé d'arrache-pied pendant huit mois. Mais ils étaient tenus au secret jusqu'à la réouverture de la cathédrale. Une mission presque impossible : "Ça a été un peu compliqué pour nous, avoue Cyril Théophile. On fait partie d'un petit village, Bouillargues. Alors quand on dit qu'il y a un petit Bouillargais à la sortie de Nîmes qui a participé... On se dit 'ce n’est pas possible, il va à Notre-Dame'. Donc c'est dur de ne pas en parler."
Et lors de l'inauguration, même si leur travail n'est pas le plus visible, les deux Gardois disent s'être sentis fiers d'avoir participé à cette aventure collective : "On ne voit pas ce qu'on a fait parce qu'il y a beaucoup de choses qui sont cachées par les pierres et tout, analyse Daniel Roig, métallier. Mais une fois tout fini, ça pique les yeux, on se dit 'ah ouais, on a été là, on l'a fait' !"
Au total, une demi-douzaine d'entreprises d'Occitanie a contribué à rebâtir Notre-Dame. Des travailleurs de l'ombre, sans qui ce projet n'aurait jamais été possible.
Écrit avec Auriane Duffaud et Éric Mangani.