INFO FRANCE 3 - De nouvelles accusations de pédophilie touchent l'Eglise catholique. Fait rare, c'est une soeur qui est mise en cause. Une femme de 52 ans, affirme avoir été agressée sexuellement lorsqu'elle était collégienne, près de Toulouse.
A 50 ans, Alice (nom d'emprunt) vivait tranquillement sa vie, loin de Toulouse, gérant à la fois sa carrière, sa maison et sa vie de famille. Mais il y a deux ans, elle a été replongée dans son pire cauchemar.
Son ancien professeur principal au collège de l'Annonciation près de Toulouse, a pris sa retraite à l'âge de 68 ans, près de chez elle. Certains s'en seraient réjouis. Pour Alice, c'est un calvaire. Voir la Soeur dominicaine passer sous ses fenêtres lui est insupportable. Prononcer le nom de la religieuse, lui est même devenu impossible.
Des baisers, des caresses
Pourtant, Soeur Anna offre, au premier abord, un visage souriant et avenant. Ils sont nombreux à louer les mérites de cette religieuse appartenant à la Congrégation des dominicaines du Saint-Nom de Jésus . Pour Alice, Soeur Anna n'est rien de tout cela. Elle est celle qui l'aurait agressée sexuellement, il y a maintenant 38 ans."Cela s’est passé dans l’établissement scolaire l’Annonciation, à Seilh en banlieue toulousaine" commence par raconter Alice. Elle avait alors 14 ans et venait de redoubler sa 4ème dans ce collège dominicain.
Cela duré tout au long de l’année scolaire, car j’y étais pensionnaire. Cela a commencé par des baisers, puis des caresses sur le corps, jusqu'à aller un peu plus loin au Vatican, lors d'une voyage scolaire
Une séance d'exorcisme contre le mal
Des agressions sexuelles qui auraient été accompagnées d'harcèlement moral : "Elle (Soeur Anna) faisait le catéchisme et elle me désignait comme « le mal ». Comme dans la parabole de « la mauvaise herbe et du bon grain ». J’étais la « mauvaise herbe». Dans cette parabole, à la fin, elle (la mauvaise herbe) est brûlée. J’en faisais des cauchemars terribles. Un jour, nous étions partis pour une retraite de trois jours. Elle a alors dit à nouveau à tout le monde que j’étais le "mal" et donc qu’il y aurait une séance d’exorcisme. Je ne savais pas ce qu'était un exorcisme. Je ne comprenais pas parce que je n’étais pas méchante. Je ne me considérais pas comme mauvaise." Une expérience qui l'a détruite psychologiquement.Voici son témoignage recueilli par Sylvain Duchampt et Thierry Villeger. La religieuse a tenté à plusieurs reprises de parler à Alice, ce qu'a toujours refusé son ancienne élève. La dominicaine lui a même envoyé un mail lui demandant "pardon", sans en préciser la raison.
Malgré un "pardon", la religieuse dit n'avoir rien à se reprocher
Soeur Anna ne souhaite pas s'exprimer sur cette affaire. Toujours installée dans son couvent près de son ancienne élève, Elle assure n'avoir rien à ne se reprocher, comme la religieuse nous l'a indiqué dans un échange enregistré.Alice n'a jamais déposé plainte. "Quand on est toute petite on sait qu’il y a quelque chose qui ne va pas… On le sait… Enfin on ne peut pas le dire. Et vu la réaction des religieuses aujourd'hui, qui est très vive, je comprends lorsqu'on est enfant que l’on ne peut pas être cru (sanglots dans la voix). Ce n’est pas possible. Après lorsque je m’en suis souvenu, j'avais 34 ou 36 ans, il y avait prescription."
Aujourd'hui, elle veut retrouver la paix et demande le déplacement de la religieuse.
Ma première démarche a été d’aller voir sa supérieure, que je connaissais car elle était déjà à l’Annonciation. Elle m’a dit qu’elle ferait le nécessaire. Ensuite, j’ai contacté l’Archevêque de Toulouse, Monseigneur Le Gall. Je lui ai écrit pour lui demander juste qu’elle (soeur Anna) parte. C’est tout ce que je voulais. Rien d’autre. Il a mis un an à me répondre car on lui a demandé de le faire. Après, j’ai contacté la Corref. C’est la seule institution qui soit intervenue pour qu’une enquête soit diligentée. Elle avait demandé que cette soeur, sur le principe de précaution, soit éloignée des enfants. Le b.a-ba quoi."
L'embarras de l'Archevêché
Mais depuis, rien. L'Eglise n'a toujours pas répondu à sa demande.Voici l'interview de l'Archevêque de Toulouse, Monseigneur Le Gall, au micro de Sylvain Duchampt et Thierry Villeger
Plusieurs raisons peuvent expliquer l'embarras de l'Archevêque toulousain. Tout d'abord, sa gestion, très critiquée, des affaires de pédophilie ayant touché son diocèse au cours des derniers années.
Une gestion pointée du doigt par l'influent journal Golias au sujet notamment de l'affaire des Petits Chanteurs à La Croix Potencée : "Pour bien gérer une affaire comme celle-là, il aurait fallu dès le départ se mouiller, écouter et surtout communiquer avec courage et transparence dans le respect des victimes. L'absence de communication tue l'Eglise à petit feu."
Le tabou de la pédophilie féminine
Les Soeurs dominicaines sont également un problème pour Monseigneur Le Gall. De droit pontifical, la très riche Congrégation ne prend ses ordres que du Vatican. Un acteur influent avec lequel même l'Archevêque de Toulouse ne peut totalement se fâcher.Enfin, les violences sexuelles sur mineurs commises par des femmes restent un tabou dans la société française et sûrement encore plus au sein de l'Eglise.
Selon un article du Figaro, un rapport du Ministère de l'intérieur évaluait en janvier 2018 le pourcentage de femmes mises en cause pour des infractions à caractère sexuel à 2,3 %. Selon des associations, ce chiffre attendrait en réalité les 20 %.
Sans réponse du Pape
Alice en est persuadée, Soeur Anna est soutenue : "Elle est toujours là et je sais qu’elle est au contact des enfants. Pire ! Elle a été nommée prieure au mois de septembre…"La victime présumée ne pense d'ailleurs pas l'Eglise capable de la défendre :
Elle adresse désormais sa supplique à son ancienne enseignante : "Soeur Anna, vas t’en ! Vas t’en."Pour l’Eglise, aider une victime c’est reconnaître les faits. Donc le mal qui a été accompli par l’un des leurs. D'ailleurs, j’ai écrit trois lettres au Pape, il ne m’a jamais répondu...