Les prairies urbaines seraient-elles de gauche quand les massifs seraient de droite? La promesse du nouveau maire UMP de Toulouse de raser les jachères fleuries semées par une gauche jugée dogmatique suscite un certain émoi dans la Ville rose où une pétition exige de sauver la biodiversité.
Lors de sa course victorieuse pour ravir la mairie au socialiste Pierre Cohen, Jean-Luc Moudenc avait annoncé la fin des prairies urbaines, espaces semés de fleurs des champs qui ne sont fauchés qu'une fois par an. Ces jachères sont inaccessibles, attirent les déchets et sont sources d'allergies, avait-il expliqué.
Mais à peine M. Moudenc installé dans le fauteuil de son prédécesseur au Capitole, certains se sont émus et ont lancé une pétition sur internet. Celle-ci a recueilli près de 6.000 signatures et demande à la nouvelle municipalité de conserver "les prairies urbaines et les haies champêtres", "valoriser la place de la nature en ville" et "maintenir des pratiques favorables à la biodiversité".
"Ecologie gadget" contre "vision réductrice"
La nouvelle équipe tente de couper court à la polémique. Interpellé par l'opposition en conseil municipal, Jean-Luc Moudenc a dit vouloir "remettre les choses au propre" mais promis qu'il agirait dans un "souci d'équilibre". Son adjointe chargée des Espaces verts Marie-Pierre Chaumette se défend de vouloir tondre la ville et sa biodiversité et mène un "état des lieux" pour trouver des solutions "au cas par cas".
Pour ou contre les herbes folles dans la quatrième ville de France, les commentaires se déchaînent en attendant sur la Toile. Les uns taxent les autres de "bobos" adeptes de "l'écologie gadget". Ces derniers évoquent la "vision de la nature bien réductrice" des partisans des jardins à la française; et moquent leur volonté de "ne pas voir un brin d'herbe qui dépasse".
Le débat tourne très vite à la politique: "Cohen a mis des fleurs dans la ville, et comme c'est lui, Moudenc va le défaire", commente un internaute. En tout cas, confie un jardinier travaillant depuis 25 ans à Toulouse, les équipes sont interpellées depuis le changement de mairie: "On nous dit: +Alors
maintenant, vous allez pouvoir vous remettre au travail+ comme si on avait bullé pendant six ans" car tontes ou pas, il faut entretenir tous ces espaces, soupire-t-il. Ses collègues et lui-même avaient plutôt bien accueilli la nouvelle politique en 2008. "On est ouvert, on nous a expliqué la biodiversité, on s'est dit pourquoi pas", dit-il. Même si à titre personnel, il préfère l'esthétisme des massifs fleuris car, à son goût, les prairies ne sont jolies qu'au printemps.
"Ni de gauche ni de droite"
La politique d'écogestion de la précédente municipalité a valu à Toulouse d'être sacrée capitale de la biodiversité par une agence spécialisée en 2011 et2013, rappelle Michèle Bleuse, prédécesseur écologiste de Marie-Pierre Chaumette. Elle ne se réduisait pas aux prairies urbaines, qui ne concernent que 15 à 20% des près de 900 ha d'espaces verts de Toulouse: l'ancienne municipalité avait également planté des haies champêtres, des petits bois urbains et avait arrêté de faucher les bordures des points d'eau pour obtenir "des systèmes écologiques équilibrés et dynamiques" libres de tout pesticide. Parallèlement, tontes et arrosages avaient été intensifiés dans les zones très fréquentées.
Si "l'écologie n'est ni de gauche ni de droite", la nouvelle municipalité "pourrait nous le faire croire", estime Michèle Bleuse. En fait, "nous n'avons pas tous le même regard sur le vivant, certains ont le regard d'hier, une vision extrêmement maîtrisée, presque hygiéniste du monde".
"L'écologie n'appartient pas aux écologistes", rétorque Marie-Pierre Chaumette. "Mais il faut faire preuve de bon sens: quand c'est joli et que ça entretient le champêtre, il faut le laisser mais quand ça nuit aux activités humaines, il faut un peu entretenir". Ainsi, dans les grands espaces, où, selon elle, nature et activités humaines cohabitent harmonieusement, les choses resteront en l'état. En revanche, dans les lieux plus fréquentés une tonte sera rajoutée, tandis que la surface des prairies sera réduite dans les parcs les plus petits. "Laissez nous 15 jours encore, on va bâtir un projet", assure-t-elle.