Préhistoire : le site majeur d'Aurignac en Haute-Garonne révèle ses derniers secrets

Une nouvelle campagne de fouilles archéologiques commence à l’Abri-sous-roche d’Aurignac en Haute-Garonne. Ce site, ayant permis de définir la période de l'Aurignacien, appartient à une dynamique de redécouverte des gisements préhistoriques des Pyrénées.

La roche de Solutré en Saône-et-Loire ou la grotte de la Madeleine en Dordogne sont des endroits plus au moins perdus en France, mais qui tiennent une place essentielle dans la Préhistoire. Explorés, souvent dans la seconde moitié du XIXe siècle, ces lieux de fouilles ont permis d'identifier de nouvelles périodes, tirées de leurs noms : le Solutréen (entre 23 000 et 18 000 ans avant le présent) et le Magdalénien (entre 17 000 et 12 000 avant le présent). 

Le site d’Aurignac en Haute-Garonne fait partie de ceux-là. Il a déterminé la période aurignacienne. Situé dans le Comminges, il reste l'un des lieux majeurs de la Préhistoire en France et dans le monde. Après 60 ans d’interruption, le Conseil départemental 31 et le Musée de l’Aurignacien ont initié la relance de fouilles en collaboration avec l’équipe d’archéologues du laboratoire TRACES, de l'université Toulouse 2 Jean Jaurès.

Qu’est-ce qu’Aurignac a apporté à la préhistoire ?

Découverte par Jean-Baptiste Bonnemaison en 1852, la grotte d'Aurignac est fouillée la première fois par Édouard Lartet dans les années 1860. "C'est une époque où le concept de Préhistoire n’est pas totalement acquis, souligne Mathieu Lejay, préhistorien géo archéologue. Paléontologues et scientifiques débattant avec l'Église catholique sur la présence d’humains ou non avant le déluge."

Les recherches de Lartet vont permettre tout d'abord d'asseoir l'idée que "l’homme est beaucoup plus ancien que le déluge." Un constat possible grâce aux objets en pierre taillés et en os trouvés à Aurignac. "Ils ont clairement été travaillé par la main de l’homme, explique Mathieu Lejay. Des objets en silex, des pointes en os, associés à des restes d’animaux disparus depuis très longtemps dans les Pyrénées." Il faudra attendre le "Pape de la Préhistoire", l’abbé Breuil pour que ce matériel permette de définir une nouvelle période de la préhistoire, l’Aurignacien.

Qu’est-ce que l’Aurignacien ?

"Dans les grandes lignes, l’Aurignacien correspond à la culture et à la façon de faire porter par les premiers groupes d’Homo sapiens qui sont installés de façon définitive en Europe de l’Ouest" précise l'archéologue toulousain. Cette période se caractérise par des objets en os, comme des pointes de flèches ou de sagaie à base fendue, et en pierre, sous forme de lamelles, de grattoirs à double lames. On retrouve ce type de matériel des Pyrénées jusqu’au Jura allemand. De l’Italie jusqu’en Belgique, de 42 000 jusqu’à 32 000 avant le temps présent.

Quand et quel site a de nouveau été fouillé ?

Après 60 ans d'arrêt, les fouilles ont repris à Aurignac. Le travail a été confié en 2019 au laboratoire TRACES. Les chercheurs toulousains n'ont pas pu s'intéresser à la grotte fouillée en 1860 par Lartet, mais à un deuxième gisement appelé Aurignac 2.

"Depuis le passage d'Edouard Lartet, la grotte est quasiment vide, raconte Mathieu Lejay. Son objectif a surtout été de conserver les objets en pierre taillée ou en os, les plus grands et les plus jolis esthétiquement. Il faut imaginer qu’en l’espace de quelques semaines, ils ont vidé des mètres cube et des mètres cube de sédiment de cette grotte d’Aurignac." à part quelques observations, descriptions succinctes du XIXe siècle et la certitude d'occupations multiples humaines et animales, les scientifiques d'aujourd'hui n'ont aucune idée précise dont les Homo sapiens ont organisé l'endroit.

Pourquoi des fouilles à Aurignac 2 ?

L’espoir des archéologues est que ce gisement puisse les aider à imaginer ce qui s’est passé dans ce secteur à l’Aurignacien : "sur un plan technologique en essayant de mieux comprendre, la façon dont ils fabriquent leurs objets en pierre et en os. Le deuxième objectif, c’est de dater, plus précisément, le site d’Aurignac, aucune datation au radiocarbone n'a pu être faite - en l’occurrence de l’os, du charbon de bois associé à du matériel aurignacien - lors des fouilles précédentes. L'idée est aussi de caractériser les modes de vie d'Aurignac : est-ce que c’était un site occupé, habité ? Comment organisent-ils leurs espaces de vie et leurs activités au sein de cet endroit ?" s'interroge le responsable des fouilles.

Quelles découvertes ?

Le matériel d’Aurignac 2, est-il un site préhistorique ou un site qui a accumulé du matériel archéologique de façon naturelle ?

"Malheureusement, les résultats que nous avons, nous orientent plutôt vers cette seconde optiondéplore Lejay. Ce gisement d’Aurillac 2 fonctionne comme un "piège des produits de l’érosion d’un ensemble qui était plus important autour de la grotte d’Aurignac, mais qui s’est en grande partie érodée, mais ne sont plus du tout en position initiale. Il y a un peu de déception, mais c’est pas mal. Car on préfère avoir des certitudes plutôt que de continuer à traîner cette question dans notre documentation. En quelques années, nous avons réussi à faire le tour de la question."

Une dynamique de recherche dans les Pyrénées

Les fouilles à Aurignac sont aussi le symbole d'une véritable nouvelle dynamique de recherche dans cette région, un secteur (le piémont Pyrénéen), très riche en termes archéologiques où beaucoup de découvertes furent faites et qui étaient en désuétude. Pour Mathieu Lejay : "notre campagne à Aurignac procède à un mouvement beaucoup plus large d’autres collègues de réinvestissements scientifiques dans cette région. Montmaurin (Haute-Garonne) est en cours de fouille par la faculté de Perpignan. D’autres archéologues de Toulouse travaillent sur des grottes à la frontière de l’Ariège et de la Haute-Garonne. Des travaux sont également en cours au Mas-d’Azil (Ariège)."

Au XXe siècle les Pyrénées ont été délaissées par les archéologues pour la Dordogne. "Ce qui est bien dommage, pense le membre du laboratoire TRACES. Rien ne nous dit que ce qui se passe en Dordogne est représentatif de ce qui se passait en Europe. Ces nouveaux travaux dans les Pyrénées pourraient permettre une remise en perspective beaucoup plus large des premiers temps de la préhistoire."

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