Anne Diana Clain, soeur aînée des Toulousains Fabien et Jean-Michel Clain, les "voix" des attentats du 13 novembre 2015, comparaît mardi et mercredi à Paris pour avoir tenté de les rejoindre en Syrie. Son nom est l'un des plus connus de la "jihadosphère" française.
Cette mère de six enfants âgée de 44 ans est en prison depuis son expulsion par les autorités turques il y a trois ans, en septembre 2016.
Toute une famille
Entre 2014 et 2015, toute sa famille, qui fut au coeur de la nébuleuse islamiste toulousaine pendant des années, a gagné les zones tenues par les jihadistes de l'organisation Etat islamique (EI) en Syrie. D'abord son frère Jean-Michel Clain et ses proches, puis Fabien Clain, sa familleet leur mère Marie-Rosane. Mais aussi les deux filles aînées d'Anne Diana et sa demi-soeur, avec maris et enfants.
Fabien et Jean-Michel Clain, devenus propagandistes de l'EI, enregistreront de 2015 à 2018 de nombreux messages et chants ultra-violents en français, en particulier la revendication des attentats du 13 novembre 2015. Ils ont été tués en février par des frappes de la coalition internationale à Baghouz, ultime bastion de l'organisation.Avec son époux Mohamed Amri, leurs trois enfants et son fils issu d'un précédent mariage, tous mineurs, Anne Diana Clain est la dernière à partir, via la Grèce, en août 2015.
Expulsés à la frontière
Devant les enquêteurs, elle a expliqué qu'il s'agissait de rejoindre sa famille en Syrie pour vivre dans un "Etat musulman". Leur périple s'arrête d'abord à la frontière gréco-turque. Refoulés, ils se replient vers la Bulgarie où ils attendront une fenêtre favorable pendant plus de huit mois. Ils passent finalement en Turquie mais sont interceptés en juillet 2016 alors qu'ils s'apprêtent à entrer en Syrie, incarcérés, puis expulsés.Mohamed Amri, un Tunisien de 58 ans, avait joué un rôle majeur dans la conversion à l'islam des Clain, famille chrétienne originaire de la Réunion, dès 1999. En dépit des déclarations de son épouse, il a nié tout projet d'installation en Syrie. Le couple comparaîtra devant le tribunal correctionnel pour association de malfaiteurs à visée terroriste.
Une "secte"
Au-delà de cette tentative de départ, le procès promet une plongée dans cette famille Clain décrite par un ancien proche comme une "secte" extrémiste. Ce lourd contexte familial pourrait peser dans la balance judiciaire, les juges d'instruction estimant dans leur ordonnance de renvoi qu'Anne Diana Clain et Mohamed Amri sont partis en connaissant parfaitement la "nature terroriste" de l'EI et les hautes fonctions de propagandistes des frères Clain.La prévenue écrivait l'an dernier à ses juges avoir "appris de ses erreurs" après avoir cru à "l'utopie" de l'EI, et être "déçue" que ses proches "soient devenus aussi haineux".
Repentir ?
Le tribunal devra évaluer sa sincérité. Selon ses avocats Xavier Nogueras et Martin Desrues, Anne Diana Clain "souhaite livrer un discours de vérité" et "son expérience carcérale lui a permis de porter un regard très critique sur l'engagement qui était le sien à l'époque".Pendant l'enquête, Anne Diana Clain a affirmé ne pas se considérer comme radicalisée et a condamné les attentats. A sa manière : "Tu vas annoncer l'islam à qui, si tout le monde est mort ?"
Quant aux textes écrits et chantés par ses frères, elle a assuré ne pas s'être rendu compte, aveuglée à l'époque, de leur violence. Elle s'était tout de même
dit, en écoutant celui composé après les attentats de janvier 2015, que Jean-Michel avait "un peu poussé le bouchon".
Cet "anasheed" appelant à "taper la France" et à faire "des morts par milliers", "tout le monde l'écoutait, le chantait, même les petits", a-t-elle admis.
Mohamed Amri, quant à lui, est allé jusqu'à demander aux enquêteurs, dans une défense hasardeuse: "C'est quoi le 13 novembre ? Il s'est passé quoi ? Je ne sais pas qui a revendiqué".
Expulsée de Turquie en septembre, la fille ainée d'Anne Diana, Jennifer, 28 ans, est désormais écrouée en France, comme sa mère.