Après la démission de Bernard Laporte ce vendredi 27 janvier, le rugby français se retrouve plongé dans la tourmente. Les prises de parole se multiplient. Entretien avec Philippe Spanghero, ancien joueur de rugby et membre d'Ovale Ensemble.
Suite à la démission de Bernard Laporte de la présidence de la Fédération française de rugby, nombre de personnes témoignent leur soutien ou leur désaccord.
Philippe Spanghero, ancien joueur de rugby, co-fondateur et dirigeant de l'agence Team One, spécialisée dans la communication et le marketing sportif s'est rallié à Florian Grill et à Ovale Ensemble. C'est un groupe d'opposition à Bernard Laporte et son équipe. Interview.
Philippe Spanghero, quelle est votre réaction à la démission de Bernard Laporte ?
Honnêtement, je suis abasourdi et attristé. Abasourdi par le jusqu’au-boutisme de la position des membres du comité directeur "pro Laporte" qui ont complètement occulté le résultat du référendum et qui ont confisqué la démocratie aux clubs.
Et je suis fier aussi de la position des membres d’Ovale Ensemble, dont je fais partie, qui ont été les premiers à suivre la recommandation de la ministre des Sports. On est allé au bout des idées que l’on défend, c’est-à-dire l’intérêt supérieur du rugby. Puisque l’on a face à nous des gens qui sont aveuglés par leur petit privilège et qui ont complètement pris en otage le rugby français qui est en train de se fracturer.
Il devait y avoir plusieurs démissions pour provoquer des élections ouvertes, qu’est-ce qui était convenu ?
Rien n’était convenu, ce que l’on appelait de nos vœux depuis le début était de dire à la gouvernance actuelle, le non au référendum n’est pas un non à Patrick Buisson, mais un non à cette politique de gouvernance, et c’est un message fort envoyé qui demande de retrouver la démocratie.
On pensait sincèrement qu’avec la position forte de la ministre des Sports, il allait y avoir une prise de conscience de cette gouvernance.
Philippe Spanghero
Depuis ce matin, on voit des réactions très virulentes parce que les clubs qui se sont mobilisés massivement, 90% des clubs ont voté pour ce référendum, attendaient que leur parole soit prise en compte.
Et là, concrètement, c’est un énorme doigt d’honneur fait au rugby amateur et aux gens qui font le rugby sur les territoires tous les week-ends.
Philippe Spanghero
Quelle est la suite pour Ovale Ensemble ?
On va se parler dans les heures qui arrivent, on va continuer à jouer notre rôle d’opposition. C’est les montagnes russes d’un point de vue émotionnel parce que hier, on était très soulagé du résultat de ce référendum parce que l’on s’est battu contre tout l’appareil fédéral. Il y a quand même eu quelques petits scandales démocratiques pendant ces trois jours de référendum. Des comités "pro Laporte" qui ont fait des courriers, des lettres ouvertes en demandant à tous les clubs de voter Patrick Buisson.
Je suis vraiment triste de voir que les choses se passent comme cela et de voir que les clubs, qui se sont autant mobilisés, sont aussi peu respectés par la gouvernance de notre fédération qui ne fait vraiment pas honneur à l’équipe de France que l’on a, à cette dynamique exceptionnelle autour de la performance sportive et à l’image que renvoie notre équipe de France.
Au vu des circonstances, Florian Grill ne pourra pas être élu à la présidence ?
L’espérance n’était pas que Florian Grill prenne la Fédération, c’était de casser le système, de remettre la gouvernance face à ses responsabilités et de redonner la parole aux clubs par des élections générales, qui auraient été ouvertes à plusieurs candidats. Et si Florian Grill avait gagné tant mieux, mais si un autre candidat qui défendait les valeurs et l’intérêt supérieur avait gagné, quelque part, on aurait gagné en jouant notre rôle d’opposition.
Quels sont les ressorts éventuels pour inverser cette tendance ?
Ils sont quasi inexistants et cela pose la question de la gouvernance du sport, de l’indépendance du sport par rapport aux pouvoirs publics mais malgré tout, on voit que la ministre des Sports a touché à la limite de ce qu’elle pouvait faire. Donc je pense qu’il va y avoir une énorme pression médiatique, que les clubs qui ont compris le "système Laporte" vont se rebeller.
Ce qui se passe au rugby est très grave, Bernard Laporte a été condamné en première instance, il s’est entêté jusqu’à hier soir avant de démissionner. Tout est organisé pour que les gens qui étaient autour de lui et qui partagent ses idées aient pris le pouvoir.